« On rêve avec des mots. Avec les chiffres, on compte », écrivait Karine Giebel dans son « Purgatoire des innocents », ce qui nous renvoie à un gouvernement sur le départ qui devrait, honnêteté intellectuelle oblige, arrêter de distribuer les rêves et donner leur véritable signification aux chiffres.
Les économies chiffrées sur du papier ou dans des discours et pas réalisées sont des mots, rien que des mots !
Ainsi, à son arrivée à La Kasbah en 2016, Youssef Chahed avait trouvé 1,1% de croissance, à son départ aujourd’hui, c’est tout juste 0,8% de croissance*.
Quant au rapport de l’épargne au PIB, il est malheureux de dire que la baisse reste dramatique : l’épargne est passée de 8,5% à 11,6%.
Les dettes publiques ont « progressé » (sic) de plus de 12% (63% en 2016, 75,1% en 2019). Il va sans dire que ces dettes ont servi en premier à couvrir les dépenses publiques et que les investissements de l’Etat sont à l’arrêt.
Par contre, la pression fiscale est, elle, montée à 25,4% alors qu’elle ne dépassait pas les 20,6% en 2016. Une pression fiscale destinée à renflouer les caisses de l’Etat et à réduire le déficit budgétaire mais qui a freiné les investissements et ralenti la croissance.
L’inflation, malgré tous les efforts fournis par la BCT, n’a pas vraiment reculé en l’absence d’une politique de l’Etat de contrôle des prix et de lutte contre les spéculateurs. Un Etat laxiste, impuissant devant la force de frappe des maîtres du marché et perdant de vue que se battre contre la spéculation est se battre contre clandestinité et contrebande.
Le taux de couverture a par ailleurs reculé de 0,2%, passant de 69,6% en 2016 à 69,4%, illustrant les déséquilibres des échanges d’une Tunisie de plus en plus dépendante des autres.
Le taux de change a perdu au change avec un euro qui valait 2,43 dinars en 2016 et qui vaut aujourd’hui 3,14 dinars.
L’indice de liberté économique a, lui, régressé (il est 122ème cette année, contre 114ème, il y a 4 ans).
C’est dire !
Quant aux quelques réalisations politiques, elles ne sont certainement pas l’œuvre, à quelques exceptions, de l’équipe du Premier ministère où des « cerveaux » se donnaient à cœurs joie d’éliminer les ministres compétents pour ne trouver aucune résistance à leurs décisions pour la plupart du temps mauvaises !
Le taux de chômage a ainsi reculé de 15,6% en 2016 à 14,9% cette année. Le déficit budgétaire réduit à 3,5% (il était de 5,7%) à coups de redressements fiscaux et d’amnisties fiscales avec un blocage du règlement par l’Etat de nombre d’entreprises privées, dont certaines ont fait faillite (secteur du BTP) ne devrait même pas être cité comme réalisation.
Les recettes touristiques, et c’est une performance, ont grimpé de 2,2% à 5,4%, celles du travail de 2,8% à 4,7%, et la Tunisie a gagné 7 places au classement de Davos, passant de 95ème à 87ème.
Le bilan du gouvernement -parlant de réussite- n’est pas des plus reluisants. D’ailleurs de quelles décisions douloureuses parle-t-on lorsque nous voyons les promesses d’augmentations de salaires faites aux syndicats dans une logique d’une irresponsabilité révoltante ?
Il vaut mieux être haï pour avoir pris les bonnes décisions que haï pour n’avoir pris aucune décision ou pire pour avoir pris les plus mauvaises ! Pour les premières, à terme, la reconnaissance récompense, et pour les dernières, le temps jugera et condamnera.
Avis à Elyès Fakhfakh
Amel Belhadj Ali