Le Forum Tunisien pour les Droits Economique et Sociaux (FTDES) a exprimé, samedi, son soutien total aux habitants d’Erroui, dans la délégation de Ain Draham (gouvernorat de Jendouba) dans leur lutte pour le droit constitutionnel à l’eau et a dénoncé le laxisme des autorités locales et régionales dans la recherche de solutions à ce problème.

Ines Labiadh (Département justice environnementale FTDES) a rappelé que 160 familles dans cette région, considérée comme le château d’eau de la Tunisie, n’ont accès à l’eau que par intermittence depuis 2011. Les habitants dépendent, ainsi, d’un groupement de développement agricole (GDA) d’eau potable pour leur consommation.

Seulement, ce GDA est aujourd’hui endetté de 2 900 D, en outre, d’importantes fuites d’eau sont enregistrées sur le réseau, ce qui a amené la SONEDE à couper l’eau au niveau des quatre robinets du GDA d’Erroui depuis juin 2019 et à assoiffer ainsi, ses habitants. Les femmes d’Erroui ont observé un sit-in, durant le mois de janvier 2020, pour réclamer leur droit à une eau potable, garanti par l’article 44, de la constitution tunisienne”.

“Les femmes, accompagnées d’enfants, marchent depuis le village jusqu’au barrage Barbra à presque 3 km. Ce trajet est négligeable devant leur périple quotidien de 4h de marche pour s’approvisionner depuis Oued Saboun, sur la frontière algérienne, lequel ne subit pas de contrôle d’hygiène de la part des services de la santé publique, ce qui n’est pas sans provoquer des maladies aux habitants “.

Pour ces femmes privées d’eau ainsi que leurs familles, ” c’est une injustice de vivre à côté d’un des plus grands barrages tunisiens en terme de capacité de stockage d’eau, sans pour autant en être bénéficiaires. Pire encore, l’eau est acheminée vers les gouvernorats voisins du Nord et arrive jusqu’à dans la région du Sud, tandis que nous, on meurt de soif “.

Le Forum réitére que la garantie de droit de l’accès à l’eau est essentielle pour une vie décente et la possibilité d’un réel développement humain, mettant en garde contre les effets de la privation d’eau sur la dignité humaine, et surtout sur la psychologie des enfants pouvant conduire à l’aggravation du phénomène d’abandon scolaire dans les milieux ruraux.

Dans ce cadre, le FTDES a rappelé que l’école Erroui, tout comme les maisons du village, n’est pas reliée au réseau de la SONEDE. Le cadre enseignant et les élèves ont recours à des citernes installées pour assurer un minimum de volume d’eau destiné à la consommation. Ces citernes qui étaient auparavant, remplies des robinets du GDA, sont impropres à la consommation et ne font pas l’objet de contrôle ou de nettoyage régulier, d’autant plus que l’eau y est stockée des fois pendant des jours successifs, ce qui détériore encore plus, sa qualité.

Le Forum a appelé, par ailleurs, à la mise en place d’une SONEDE rurale, pour des interventions plus efficaces et une meilleure gestion des problèmes d’eau à l’échelle locale, estimant que les GDA qui assurent la gestion de l’eau en milieu rural, sont critiqués pour plusieurs raisons liées essentiellement, au mode de désignation des membres et à l’absence de contrôle de l’Etat sur les aspects techniques et financiers, ce qui provoque régulièrement, des dysfonctionnements, l’accumulation de factures impayées et des cas de corruption.

Plus spécifiquement pour le court terme à Erroui, Le FTDES a invité la délégation de Ain Draham à se conformer à son engagement de payer les dettes du GDA Erroui, pour que l’eau revienne dans les quatre robinets du village. Par ailleurs, les réparations sur le réseau de la SONEDE entre le barrage et la station de pompage et pour acheminer l’eau vers le village doivent se faire convenablement, avec un matériel solide et durable pour éviter de retomber dans le cercle des fuites-endettement.

Sur le long terme, “la SONEDE est appelée à se pencher le plus vite possible sur le projet de raccordement au réseau public des maisons d’Erroui, pour assurer aux habitants le minimum de services indispensables à leur hygiène, à leur santé et à leur dignité”.

Un témoignage touchant a été publié par le FTDES, celui de Khalti Chahla, qui à 48 ans, n’a jamais connu l’eau dans sa maison. ” Ici on nait et on meurt sans jamais ouvrir un robinet chez soi. Vous trouvez ça normal ? “.

Selon le FTDES, “certains ont profité de cette situation sanitaire à des fins électorales, dont un député de la région qui a promis aux habitants du douar Erroui de payer leur dette s’ils votaient pour lui. Maintenant élu, ledit député n’a pour l’instant, pas tenu parole”.