L’humanité est aujourd’hui confrontée à une pandémie d’une gravité inédite depuis un siècle, doublée depuis quelques semaines d’un choc économique d’une intensité sans doute supérieure à celle de 1929.
La Tunisie n’est restée à l’abri ni de l’une ni de l’autre de ces deux crises majeures, même si, pour l’instant, l’épidémie reste encore relativement cantonnée.
Dès le déclenchement de la pandémie, la Tunisie a élaboré son plan de riposte. Depuis la semaine dernière, une politique de fermeture des frontières et de confinement a été décidée ; une mobilisation des forces de sécurité et de défense a été engagée pour assurer le respect du confinement ; et une enveloppe budgétaire de 2,5 milliards de dinars a été annoncée par le chef de gouvernement pour financer une panoplie de mesures de soutien fiscal et financier aux entreprises pour la préservation de l’emploi et des salaires, et aux franges démunies de la population.
Tout en saluant ces décisions et en encourageant la consolidation de ces efforts, le Cercle Kheireddine appelle à un renforcement de la coordination des actions de toutes les parties concernées afin d’éviter la dispersion des énergies et le gaspillage des moyens, et d’améliorer le suivi de l’exécution des décisions.
Nous attirons l’attention des citoyens et du gouvernement sur le fait que la crise n’est qu’à ses débuts, qu’elle risque de durer longtemps et de dépasser les moyens disponibles à ce jour. Nous appelons les citoyens à un maximum de vigilance et au respect le plus strict des consignes de confinement, de mise en quarantaine et des gestes-barrière.
Nous tenons à exprimer notre gratitude et à rendre hommage à l’ensemble des professionnels de la santé pour leur engagement et leur sens des responsabilités. Nous considérons que la sécurité et la protection absolue de ce corps doivent être la première des priorités du gouvernement.
Nous appelons également à une meilleure protection de l’ensemble des forces armées et de sécurité intérieure ainsi que du personnel de l’Etat, des établissements publics et des collectivités locales locales, en première ligne, et qui assurent l’ordre, la propreté et la continuité des services nécessaires à notre vie quotidienne.
L’épidémie progresse de jour en jour. Il faut, dès aujourd’hui, préparer l’ensemble de nos structures publiques et privées au pic (de la propagation du virus) qui ne saurait tarder.
Cette préparation englobe les moyens humains et matériels nécessaires aux différents échelons de l’infrastructure de santé (première ligne, hôpitaux régionaux, structures universitaires …) ainsi que la protection / accompagnement des professionnels de santé et de leurs familles. Le renforcement du personnel de santé peut notamment avoir lieu par une rapide formation des étudiants des classes terminales en médecine et en études paramédicales.
Le confinement doit être scrupuleusement respecté: tout manquement doit être sévèrement sanctionné par la loi. Il doit en être de même des opérations de mise en quarantaine qui doivent être facilitées par la mise à disposition de locaux appropriés et décents au service des personnes concernées.
Enfin, en prévision du pic, les opérations de dépistage doivent être sensiblement développées.
Toute la société est menacée ; toute la société doit être mobilisée. Des mécanismes de coordination de l’action de la société civile et d’encouragement des initiatives citoyennes venant d’entreprises, d’associations ou d’initiatives individuelles, doivent être mis sur pied, de sorte qu’il n’y ait pas de doubles emplois, de manques ou de détournements des contributions.
Le Cercle Kheireddine appelle également à la plus grande vigilance quant à l’évolution de la situation sociale du pays; tout doit être mis en œuvre afin de répondre très rapidement aux besoins de la population vulnérable, au chômage ou en situation de sous-emploi ainsi qu’aux pertes de revenus.
Nous rappelons, à cet égard, que les personnes les plus exposées sont généralement les plus démunies ou en situation d’handicap, et sont également celles qui ont le moins accès aux moyens d’information et de prévention.
Tout en saluant les premières décisions économiques prises par le gouvernement, nous l’appelons à préparer de nouveaux scénarios pour mieux maîtriser les évolutions de la situation économique du pays à l’heure du Covid-19 et nous lui recommandons notamment de mettre en place un équipe d’experts économiques et sociaux afin de préparer l’après confinement et proposer les mesures urgentes pour passer des actions de sauvetage à celles de redressement.
Nous considérons que cette crise montre l’urgence d’une véritable politique publique intégrée (sanitaire, économique, sociale, éducative, culturelle, environnementale…), encadrée dans une vision de court et moyen terme, dirigée et coordonnée à l’échelon le plus élevé de l’Etat (le chef de gouvernement, adossé à une Haute Instance ad-hoc) et poursuivie, enrichie et communiquée quotidiennement aux citoyens.
La communication sur l’ensemble des aspects de la stratégie nationale de lutte contre le COVID-19, est un garant de l’adhésion populaire, une condition de la synergie des efforts de la Nation, le moyen pour calmer notre inquiétude collective et notre angoisse, et le pilier de la redevabilité démocratique.
Le Cercle Kheireddine dénonce toute exploitation politicienne de la situation et appelle à une union nationale, sans discrimination ni exclusion. Nous considérons que les mauvaises querelles politiques observées et les adversités affichées à l’égard des syndicats et du patronat, sont déplacées, ne font qu’aggraver la crise et portent atteinte à la nécessaire mobilisation nationale pour gérer efficacement cette situation.
Le Cercle Kheireddine reste confiant en la capacité des Tunisiennes et Tunisiens à relever les multiples défis posés par cette pandémie et à inventer de nouvelles formes d’action, de solidarité et de résilience.
Tunis, le 28 mars 2020. Le Cercle Kheireddine