Aux dernières nouvelles, la Banque islamique de développement (BID) aurait envoyé au gouvernement tunisien un ultimatum quant aux lignes de financement mises à disposition. Si elles n’étaient pas affectées au plus tôt, elles pourraient être transcrites, prévient-on!
Les lignes de financement, précisons-le, concernent des projets dans des secteurs stratégiques : l’eau et l’énergie.
La BID n’est pas la seule à « souffrir » de la lenteur de la machine administrative tunisienne enchaînée par des lois à n’en pas finir et une peur panique chez les hauts cadres administratifs d’être accusés de malversation s’ils accélèrent l’octroi d’un marché même si c’est pour la bonne cause !
Les bailleurs de fonds respectueux de l’obligation de réserve et de la souveraineté nationale se taisent préférant éviter les polémiques et les guéguerres que pourraient leur livrer les « lumières » de l’ARP ou les cyber-armées.
Et pourtant, les fonds qu’ils ont mis sur la table pour financer nombre de projets en Tunisie pourraient résoudre nombre de problèmes.
A ce titre, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), établissement allemand spécialisé dans le crédit pour la reconstruction, dispose de 1,8 milliard d’euros destinés à financer des projets dans plusieurs secteurs d’activités économiques, mais également dans l’eau et la formation professionnelle sur les années 2016/2017/2018.
Les lignes de la KFW comprennent également des dons et des aides au budget de l’Etat.
L’Agence française de développement (AFD) a accordé des financements de l’ordre de 1 milliard d’euros destinés en premier à l’amélioration des filières agricoles et aux produits destinés à l’export entre autres, en les labellisant. Sans oublier qu’entre 20 à 30% des fonds alloués par la Banque mondiale (BM) et la BEI (Banque européenne d’investissement) sont seulement utilisés par les autorités tunisiennes !
A évaluer les montants consentis par nombre de bailleurs de fonds -il doit y en avoir d’autres que nous ne connaissons pas- nous ne pouvons qu’être étonnés que, dans un pays qui souffre d’une crise économique aigue, les gouvernements successifs n’aient pas trouvé les moyens de secouer la machine administrative paralysée par la peur et handicapée par le manque des compétences pour utiliser les fonds à dispositions dans des projets utiles au pays.
Mieux encore, selon des personnes bien introduites, les bailleurs de fonds internationaux seraient même prêts à financer 100% des grands projets afin de permettre au pays de rebondir sur pieds et récupérer les parts de l’Etat qui balancent généralement entre 30 et
40% !
Il revient donc aujourd’hui au Premier ministère, chef de fil, aux ministères du Développement et de la Coopération internationale, des Affaires étrangères, des Finances et à la BCT de trouver les pistes légales pour accélérer le processus du déblocage des fonds et leur usage à bon escient.
Faire appel à des bureaux d’études, banques d’affaires et consultants avisés pour sauver la mise !
A ce propos, il serait judicieux de faire appel à des bureaux d’études spécialisés ou à une banque d’affaires pour négocier les contrats de financement des projets structurants avec les bailleurs de fonds.
Le but étant de faire en sorte que la générosité des partenaires étrangers de la Tunisie ne soit pas préjudiciable aux entreprises nationales et d’éviter que l’on écarte les nationaux en glissant des conditions qu’ils ne peuvent satisfaire dans les cahiers de charge. Une pratique devenue coutume venant de nos « amis » européens et que nous pourrions raisonner en mettant autour de la table des négociations de compétences nationales chevronnées (ingénieurs consultants) pour accompagner l’administration dans ses discussions.
D’un autre côté, il va falloir espérer que le gouvernement Fakhfakh légifère par décrets ministériels pour alléger les procédures d’octroi des marchés publics. Des marchés qui, sous prétexte de transparence obsessionnelle (sic) et de lutte contre la corruption, prennent des années avant d’être octroyés.
Entre temps, les études, matériaux ou mains-d’œuvre deviennent plus cher sans oublier le risque de la dévaluation de la monnaie nationale que nous avons tous vécu.
Dès le lancement de l’appel d’offres, tous les organes de contrôle de l’Etat et les commissions hautes et basses (resic) sont mises en branle ! Les décideurs publics se soumettent aux contraintes dictées par les contrôleurs, toutes catégories confondues, et suivent à la lettre les labyrinthes légaux pour ne pas être accusés de malversation.
Entre temps, l’Etat perd de l’argent (on parle de 120 MDT lors de la négociation du dossier RFR), les investissements publics sont à l’arrêt et la machine économique avance à pas de tortue !
Dans son mémoire de Master intitulé : « Réforme de la réglementation des marchés publics en Tunisie : Étude comparée avec les normes internationales » soutenu par Amira Tlili en 2014 à l’Université de Strasbourg, la chercheuse cite les différents freins qui bloquent une gestion saine des marchés publics. Elle parle de l’incapacité des amendements successifs subis par les cadres réglementaires dans notre pays à combler certaines lacunes dans la gestion des marchés publics.
« Le droit tunisien des marchés publics souffre d’un éparpillement et d’une hiérarchisation peu claire. Ces caractéristiques du dispositif juridique engendrent une grande complexité, et par conséquent une lourdeur, une opacité et une insuffisance au niveau de l’efficacité et de l’intégrité du système de l’achat public. Les différentes réformes en matière de marchés publics ont créé une instabilité juridique qui a été source de confusion auprès des acheteurs publics et soumissionnaires sur les règles à appliquer ».
A quand une simplification en règle des règles pour permettre à notre pays de sortir du cercle vicieux, risques de malversations, plus de contrôle, blocage des marchés et des projets d’investissements ?
Amel Belhadj Ali