Fortement bouleversées par l’arrivée du numérique et la généralisation des Technologies de l’information et de la Communication, qui ont permis de démocratiser dans une large mesure l’accès à la culture et l’appropriation de certains produits et objets culturels (notamment le livre et les œuvres musicales), les pratiques culturelles le sont encore plus actuellement, grâce ou à cause de la propagation du virus Covid-19, quantitativement mais surtout qualitativement.
En effet, outre une panique générale et une vie sociale (chômage forcé) et familiale (confinement) complètement bouleversée, Covid-19 a aussi engendré des pratiques communicationnelles et culturelles inédites qui méritent d’être scrutées de près.
Corona, es-tu là?
Selon l’outil d’analyse Google trends, les recherches liées au terme “Coronavirus” ne cessent d’augmenter et d’exploser, depuis l’apparition du virus et sa propagation à travers le monde entier.
Les principales recherches visent à “mieux connaître la nature de Coronavirus, son degré de dangerosité, son origine, sa façon de se propager, ses symptômes, les mesures de précaution qu’il faut prendre pour lutter contre, les remèdes éventuels s’ils existent…”.
En temps de crise, les gens se retournent vers les médias et les outils de communication, pour s’informer et surtout se rassurer
S’informer et se rassurer sont donc les raisons essentielles et principales qui expliquent cette orientation de la recherche des internautes. Ce comportement communicationnel confirme un constat observé depuis longtemps.
En temps de crise, les gens se retournent vers les médias et les outils de communication, pour s’informer et surtout se rassurer, car ils considèrent que les médias sont là, pour leur procurer: savoir, connaissance, instruction, sécurité et “abri pendant l’orage”, comme le soutient André Gallice dans son ouvrage intitulé “Si mon village m’était conté”.
Or, force est de constater qu’à l’inverse du village merveilleux d’André Gallice, le village planétaire promis par Marshall Macluhan, dans son ouvrage “The medium is the message”, qui a vu le jour grâce aux Technologies de l’Information et de la Communication”, l’est beaucoup moins.
Internet et les réseaux sociaux ont ouvert la voie à la désinformation, la mésinformation, les rumeurs, les fakenews
Internet et les réseaux sociaux, que certains considèrent à tort comme des nouveaux médias, ont en effet ouvert la voie toute libre à la désinformation, la mésinformation, les rumeurs, les fakenews, l’escroquerie communicationnelle et informationnelle, et ont constitué un tremplin à des émetteurs et des intrus, pour se targuer de vertus communicationnelles loin d’être confirmées, de compétences injustifiées et d’une identité médiatique et journalistique usurpée, au vu et au su d’instances délibérément anesthésiées! !
Quand le plaisir de lire devient contagieux
“À quelque chose malheur est bon”, ce proverbe qui signifie que le malheur peut, par moment, se transformer en bonheur, semble se vérifier avec cette contagion universelle au Covid-19.
En effet, les chiffres de vente des livres, à en croire les maisons d’édition, notamment françaises, ont explosé depuis l’apparition du virus. Ces chiffres concernent surtout les livres et les romans qui racontent des histoires d’épidémies, des pandémies et de maladies infectieuses.
Deux classiques se distinguent par des ventes qui explosent tous les compteurs, il s’agit de :
– “L’aveuglement”, de l’écrivain portugais José Sara Mago, publié en 1995 et adapté au cinéma en 2008 et qui décrit l’aveuglement de tout un pays, suite à la propagation foudroyante d’une cécité et l’anarchie qui en résulte faute de remède !
– “La peste” d’Albert Camus, publié en 1947, dont les événements se déroulent à Oran en Algérie, et qui décrit la vie quotidienne des Oranais, pendant une épidémie de peste, qui frappe la ville et l’isole du monde extérieur.
En voyant le quotidien de tous les citoyens partout dans le monde, on se demande si la vie n’est pas effectivement un éternel recommencement
En voyant le quotidien de tous les citoyens partout dans le monde, leur tristesse et leur chagrin, le confinement auquel ils sont astreints, l’isolement forcé que subit tout un chacun, on se demande si la vie n’est pas effectivement un éternel recommencement; dans lequel, comme dit le proverbe, “les hommes ont le même souffle, mais chacun porte son destin”.
Cinéphiles et vaccines
La ruée vers les histoires de contagions, d’épidémies et de maladies contagieuses semble aussi caractériser les préférences des cinéphiles, en témoignent les chiffres et les classements réalisés et publiés par les plateformes spécialisées.
En effet, selon le site “Buzzfeed”, le film “Contagion”, réalisé par Steven Soderbergh, en 2011, remporte actuellement un gros succès, qui lui a permis d’intégrer “le Top 15 des films les plus vus sur la plateforme iTunes aux Etats-Unis” et de se hisser de la 270ème à “la 2ème place du catalogue”.
Covid-19 a aboli la différenciation sociale des pratiques culturelles et a remis en cause certaines connaissances
Ces données et ces indications relatives aux pratiques communicationnelles et aux préférences cinématographiques et littéraires actuellement majoritaires semblent remettre en cause les théories et les connaissances en sociologie de la culture. Covid-19 a en effet aboli, du moins momentanément, la différenciation sociale des pratiques culturelles et a remis en cause certaines connaissances et les approches traditionnelles des pratiques culturelles.
Cet état des lieux des pratiques culturelles, en temps de Coronavirus, nous appelle donc à appréhender autrement les pratiques culturelles, en considérant beaucoup plus le contexte dans lequel s’exercent ces pratiques, qui semble être beaucoup plus déterminant qu’on le croit.
Lotfi Ziadi
Docteur en sciences de l’information