Il est tard dans la nuit du 4 au 5 avril, il fait déjà jour en Tunisie le 5, j’ai une pensée pour un homme qui nous a quittés il y a 20 ans, qui a quitté le pouvoir il y a 33 ans.
Cet homme, malheureusement pour moi, je l’ai profondément aimé mais seulement après sa disparition, depuis le moment ou je me suis mis à lire sur lui et sur presque tous ses contemporains de marque.
Cet homme a fait une Tunisie respectée dans le monde. Il a bâti un État qui a tenu bon en dépit d’un séisme ravageur. Il a aimé notre pays et a servi son peuple du mieux qu’il a pu.
Il a aligné notre trajectoire de vie vers la santé pour tous, l’éducation pour tous, la dignité pour tous.
Des fois, je me pose la question : dès le seuil de l’indépendance quelqu’un d’autre aurait-il fait mieux ? Je n’en sais rien. Et je ne cherche pas à savoir. Mais ce qu’il a fait d’un enfant du pays qui est moi, dont la famille est dépourvue de tout, surtout d’instruction, est l’objet de ma gratitude à vie.
Ses politiques de l’éducation tout le long des cycles primaire, secondaire et même supérieur m’ont donné une chance inouïe d’accéder à un savoir et une compétence, de même que ses politiques en santé m’ont sauvé sûrement la vie, petit tunisien maladif et chétif et souffrant de tous les maux et de toutes les épidémies qui dévastaient le pays dans les premières années de son émancipation.
À ce titre, je lui dois et aux hommes exceptionnels qui l’ont épaulé la bonne vie que j’ai eu le long de mon existence.
Je parle pour moi et pour des milliers de mes semblables et je m’étonne avec nostalgie que lorsque j’étais étudiant à Tunis, dans les années 60, je ne voyais rien de ce dont je profitais et je m’inscrivais dans une opposition à son régime, une sorte d’opposition soft et sans conséquence mais de principe, commanditée par notre jeune âge qui nous faisait nous extasier des écrits perspectivistes, de l’épopée guevarienne et des discours enflammés de Naceur d’Égypte.
Monsieur le Président Habib Bourguiba, reposez en paix éternellement. Vous le méritez et je reconnais, en tant que citoyen d’un pays que vous avez gouverné 32 ans, un pays déchiré par les temps qui courent, mais toujours debout, le poids de votre passage qui l’empêche et l’empêchera en permanence de sombrer dans l’abîme.
Magid Nefkha