Dans un récent article publié par Webmanagercenter, nous avions proposé d’organiser la « guerre » de l’Etat et de la société toute entière contre le COVID-19, autour de 13 principales « batailles ».
Nous avions demandé que le gouvernement communique clairement sa stratégie, son organisation et ses moyens alloués pour chacune de ces batailles.
Nous avions également rappelé qu’en démocratie, il ne faudrait pas se limiter à publier le nombre de contagions ou de décès, et qu’un leadership fort, devrait rendre des comptes à l’ensemble de la Nation de façon quotidienne, sur les actions et les réalisations liées à chacune de ces « batailles ».
Ces treize « batailles » pour gagner la guerre contre le COVID-19 sont les suivantes :
1- La bataille des ressources humaines, de la mobilisation, de la protection et de la sécurité des établissements et du personnel de santé (médecins, infirmiers, administratifs, etc.);
2- La bataille de l’organisation et du suivi des conditions d’exécution et du respect du confinement et de l’ordre sanitaire ;
3- La bataille de la surveillance épidémiologique du pays, de l’organisation des tests et du suivi des personnes malades et à risques ;
4- La bataille de la logistique sanitaire, et de la mise à disposition des équipements, du matériel et des moyens sanitaires nécessaires (masques, blouses, respirateurs, tests, lits, médicaments, etc.)
5- La bataille de la première ligne, des urgences médicales, de l’orientation et de l’accueil des citoyens et de la rationalisation de la demande de santé (SAMU, orientation des citoynes, organisation des urgences et du tri des malades, etc.) ;
6- La bataille de la veille sur les évolutions globales, les choix et orientations internationales ainsi que la coopération internationale (stratégies suivies, acteurs mobilisés, évolution de la maladie, etc.);
7- La bataille des TIC, de l’usage des technologies et des applications web pour prévenir et traiter les contagions ;
8- La bataille de la communication, des relations publiques et de l’information des citoyens ;
9- La bataille du suivi de la situation économique et sociale, de la sécurité des approvisionnements du pays et de la sauvegarde des emplois (cette bataille pouvant elle-même se subdiviser en deux grandes problèmatiques : celle immédiate des approvisionnements et celle urgence de la sauvegarde des emplois) ;
10- La bataille des urgences sociales, des aides aux démunis et de l’organisation de la solidarité nationale ;
11- La bataille de la coordination de l’action de la société civile, du privé, du bénévolat et de la mobilisation des moyens (mobilisation et coordination de l’action des bénévoles, collecte et acheminement des dons ; information des éventuels donateurs, etc.);
12- La bataille de la préparation des deux à trois prochains mois, des conditions et des modalités de sortie du confinement, et de la planification du moyen terme;
13- La bataille de la coordination, de la remontée des informations et du soutien logistique général.
En date du 2 avril 2020, le Conseil Scientifique COVID-19 français, a publié un avis extrêmement important sur les critères de sortie du confinement. Ces critères devraient être considérés comme un « input » pour ce que nous avons présenté comme étant la douzième bataille.
Si nous n’avons pas tout à fait réussi à organiser le confinement, il ne faudrait surtout pas rater la sortie du confinement. Il s’agit là d’une question de vie ou de mort. Pour nos concitoyens, mais également pour nos entreprises et l’ensemble des acteurs de notre économie.
Dans cet avis du Conseil Scientifique, on lit notamment que la sortie du confinement vise à « remplacer le confinement par des stratégies de contrôle de l’épidémie plus facilement supportables et moins couteuses pour la société ».
Au préalable, il faudrait :
– « Évaluer les effets sociaux du confinement en disposant d’indicateurs sociaux des conséquences de celuic-ci. Leur production pourrait être confiée à un observatoire indépendant
– Modifier la doctrine actuelle d’utilisation des tests : une stratégie évolutive d’utilisation pour tester en priorité certaines populations et pour augmenter de façon exponentielle la capacité de faire des tests rapides (avoir rapidement une capacité diagnostique sécurisée de plus de 45 000 tests/jour, en complément des capacités hospitalières et privées existantes qui seront renforcées a hauteur de 15 000 tests/jour.)
– S’assurer que le confinement a réellement permis de soulager les services de réanimation et a conduit à une réduction du nombre de cas Covid-19 de façon à ce que la détection des nouveaux cas de façon systématique redevienne possible ».
Le Conseil invite le gouvernement à s’assurer que les éléments d’une stratégie post-confinement seront opérationnels. Ces éléments incluent notamment :
a) « Le choix des mesures de distanciation sociale qui seront maintenues pendant la période de post-confinement ;
b) La disponibilité des protections matérielles comme les gels hydro-alcooliques et les masques à l’usage des personnels soignants, des personnes en situation d’exposition au virus en priorité, puis à l’ensemble de la population, comme en Asie ;
c) La restauration des capacités hospitalières et de médecine de ville dans les régions qui ont été les plus touchées ;
d) La mise en place d’un système de surveillance épidémiologique opérationnel pour les indicateurs les plus sensibles comme le nombre de nouveaux cas sur le territoire national et dans les lieux à risque d’épidémie ;
e) Le développement de capacités de diagnostic rapide d’infection aiguë et de rendu des résultats aux patients avec transfert des données en temps réel aux systèmes de surveillance épidémiologique ;
f) Le développement de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie ;
g) Le perfectionnement des modalités d’isolement des cas et de leurs contacts adaptées au contexte personnel ;
h) La protection des personnes vulnérables et susceptibles de faire des formes graves de la maladie ;
i) La protection des populations les plus à risque d’épidémie du fait de leur situation d’habitat (ex: migrants, prisons, personnes en institution);
j) Une politique de contrôle aux frontières ;
k) Se rajouteront éventuellement des traitements efficaces contre le virus, ou à plus long terme un vaccin ».
S’ils rejoignent certaines des treize batailles que nous avions proposées, chacun de ces élements/préalable de la sortie de crise nous semble devoir être confié à une équipe de travail pluridisciplinaire, qui rapporterait directement au chef du gouvernement et qui aurait à faire des compte rendus quotidiens sur son travail sur le terrain.
Par ailleurs, le conseil insiste également sur la nécessité de :
1. « Mettre en œuvre un confinement adapté et renforcé pour les personnes à risque.
2. Disposer à court terme de données permettant d’identifier les facteurs de risque de formes graves nécessitant une hospitalisation et une prise en charge dans un service de réanimation.
3. Élargir la disposition de Médecine de proximité et soins de santé primaire à l’ensemble des acteurs paramédicaux de soins de proximité.
4. Isoler les détenus présentant des signes cliniques, les détenus diagnostiqués et les détenus ayant été en contact avec eux, quand l’utilisation massive des tests sérologiques sera possible. Les tests diagnostiques devront être déployés sans délai dans les lieux de détention.
5. Permettre aux personnes en situation de grande précarité et non contaminées de pouvoir, comme l’ensemble de la population, vivre le confinement dans des habitats individuels ou familiaux, et donc non collectifs.
6. Mettre en place une méta plateforme téléphonique unique d’information et d’écoute.
7. Développer des mesures de prévention et de réponse aux violences conjugales et sur les enfants.
8. Mettre en place d’un dispositif de soutien aux endeuillés du Covid-19.
9. Pour les chercheurs et toutes les parties prenantes de la recherche, respecter les réglementations nationales et internationales encadrant la recherche publique et privée, en particulier dans le domaine des essais cliniques ».
Le Conseil Scientifique rappelle enfin, qu’il y a urgence à « inventer collectivement, avec l’ensemble des acteurs de la société française (soignants, communautés religieuses, grands courants de pensées, autorités spirituelles et culturelles, associations, etc.) des réponses à ces situations afin de renforcer la résilience individuelle et collective face à l’épidémie ».
On le voit, la guerre contre le COVID et notamment la bataille de la sortie du confinement, sont d’une complexité qui dépasse la seule question sanitaire. Gérér en tant de crise, c’est prévoir mais c’est aussi réagir en étant à l’écoute de ce qui se fait à côté de nous.
Cela nécessite une logistique et une organisation sans failles. Cela nécessite également une mobilisation collective et une confiance envers un leader qui n’a pas peur. Pourvu que ces recommandations et ces lignes directrices pour l’action publique ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd.
Pr. Karim Ben Kahla