Fidèle à leur sport favori, la zizanie, le cynisme et la provocation, les troupes propagandistes d’Ennahdha s’amusent à narguer, en cette période délicate de guerre contre la pire des pandémies, le Covid-19, les deux têtes de l’exécutif, le président de la République, Kaïs Saïed, et le chef du gouvernement, Elyès fakhfakh.
Objectif : mettre la pression sur eux soit pour tenter de les déstabiliser, soit pour les pousser, semble-t-il, à sortir de leurs gonds et à commettre des erreurs qui leur seraient fatales pour le reste de leur parcours politique.
Une évidence : le projet de faire du tort aux deux présidents est on ne peut plus clair. Les détails.
Ghannouchi double Kaïs Saïed
Concernant,le président de la République, Rached Ghannouchi a été d’une indécence criante en diffusant, sans aucune gêne, le 26 avril 2020, l’information sur l’entretien qu’il a eu avec son maître turc, «le sultan», Recep Tayyip Erdoğan. Le gourou a été tout simplement insolent.
Abstraction faite de la teneur de cet entretien qui aurait porté sur «la lutte contre le Covid-19 et la situation dans la région», Ghannouchi, en osant contacter directement par téléphone un chef d’Etat étranger, a dépassé toutes les lignes rouges et a provoqué de manière frontale et grossière le chef de l’Etat, en grignotant sur ses prérogatives. C’est du jamais vu dans une démocratie, fût-elle encore balbutiante.
Pis, cet entretien touche à la haute sécurité de la Tunisie en ce sens où il ne serait pas étranger au développement, ces derniers jours, de la situation en Libye où les milices de Fayez el-Sarraj (président du gouvernement d’Union nationale de Libye) viennent de remporter, à la faveur des drones turcs, quelques batailles contre les troupes du maréchal libyen, Khalifa Haftar.
Face peut-être au refus de Kaïs Saïed de fournir des facilités à Erdogan pour envahir la Libye à partir de la Tunisie, il n’est guère étonnant d’imaginer que la secte de Ghannouchi, laquelle a toujours appuyé les milices du GUN soutenu par les mêmes sponsors qu’Ennahdha, à savoir la Turquie et l’Etat de Qatar, serait tentée, pour sa survie, d’offrir ses services au tandem Erdogan–Sarraj.
Dans ce contexte, certains observateurs se sont légitimement interrogés sur le timing et la nature des marchandises que ce fameux navire de 300 conteneurs aurait acheminé, ces derniers jours, à Tripoli, à partir du port de Sfax. Cela pour dire qu’il y aurait, peut-être, des loups dans la bergerie.
Ghannouchi doit s’expliquer sur ses dépassements. Il faut qu’il sache que pour les Tunisiens, même si certains d’entre eux n’ont pas voté pour lui, Kaïs Saïed demeure l’unique chef de l’Etat habilité à parler de la sécurité extérieure de la Tunisie et qu’il est le seul habilité, après concertation avec le Conseil national de sécurité, à prendre des décisions concernant le dossier libyen.
Ennahdha veut mettre Fakhfakh devant le fait accompli
S’agissant du chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, les nahdaouis n’ont pas trouvé mieux pour le provoquer que de lui rappeler l’engagement pris auprès d’Ennahdha, pour nommer deux ministres conseillers nahdhaouis dans son cabinet, et ce lors des tractations concernant la formation de son gouvernement en février.
Comble du cynisme, sans attendre la décision définitive du chef du gouvernement, le parti Ennahdha a donné le feu vert aux deux personnes choisies par lui de se manifester. Il s’agit d’Imed Hammami et d’Oussama Ben Salem, deux personnes controversées et fortement contestées.
Le premier pour être une enseigne d’échec. Depuis son émergence en 2011, il a été trois fois ministre (Emploi, Industrie et Santé) sans réaliser le moindre résultat ou très peu en tout cas.
Plus grave, son nom est associé au scandale de la pénurie des médicaments et à l’anecdote que tous les Tunisiens se rappellent. Imed Hammami, alors ministre de la Santé, pour rassurer les Tunisiens que les médicaments étaient disponibles dans le pays, aimait dire à tous ceux qui voulaient l’entendre que «son chauffeur trouvait tout en pharmacie».
Le second, Oussama Ben Salem, fils de l’ancien ministre nahdhaoui de l’Enseignement supérieur au temps de la Troïka (décédé) qui s’était auto-signé un décret de “professeur universitaire” avec effet rétroactif à partir de novembre 1987, a reçu une retraite à 90% du salaire de ministre calculée sur une carrière fictive.
Fondateur de la chaîne de télévision Zitouna, une chaîne hors-la-loi au financement occulte selon la Baqnue centrale de Tunisie (BCT) citée par la HAICA, ce nahdhaoui digne hériter de son père est simplement un personnage contesté tout autant que son gourou.
L’idée de faire profiter ces nahdhaouis qui n’ont rien donné au pays et qui vont recevoir, chacun, des émoluments annuels de 120 000 dinars, selon le juge Ahmed Souab sur les ondes de radio Express fm, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux.
La situation risque de dégénérer pour peu que le chef du gouvernement entérine cette décision.
Pour tempérer, le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Mohamed Abbou, a été chargé, lundi 27 avril 2020, par Elyès Fakhfakh, d’apporter des éclairages.
Il a précisé qu’«aucune décision dans ce sens n’a été rédigée ni signée». Il a ajouté que la présidence du gouvernement compte à ce jour cinq conseillers sur un total de 12 prévus.
Il a reconnu, par la même occasion, qu’une Instance constitutionnelle a adressé un courrier à la présidence du gouvernement à propos d’un nom, pour lequel Fakhfakh devrait incessamment prendre une décision (allusion apparemment à Oussama Ben Salem et à ses démêlés avec la Haica).
In fine, il est permis de dire que ces provocations nahdhaouies ne manqueront pas d’attiser les animosités déjà vives entre les palais de Carthage et de La Ksabah, d’une part, et le palais du Bardo, fief du parti Ennahdha, d’autre part.
Pour le moment, la question est de savoir comment les deux têtes de l’exécutif vont réagir à cette tentation de passage en force des troupes de Ghannaouchi.
Affaire à suivre…