Une trentaine d’associations et organisations de la société civile et plus d’une vingtaine de médecins lancent un appel aux pouvoirs publics pour assurer la fourniture des médicaments dans les structures sanitaires publiques et permettre à un million de malades chroniques d’accéder à ces médicaments.
Les signataires appellent, dans un communiqué conjoint publié mardi 5 mai, toutes les parties concernées, en premier lieu les autorités publiques, à prendre une décision politique immédiate suivie de manière urgente par des mesures et mécanismes efficaces permettant, aux patients d’obtenir leurs médicaments de manière complète et ininterrompue, conformément à leurs droits constitutionnels, et de ne pas se suffire de mesures d’efficacité limitée.
” Nous sommes également prêts à coopérer avec les autorités publiques concernées pour proposer des procédures et des mécanismes qui permettent d’assurer sur le terrain la fourniture de médicaments à tous les patients qui en ont besoin “, ajoutent-ils.
Le communiqué précise que malgré les mesures annoncées récemment par le gouvernement pour assurer un stock stratégique de l’ensemble des médicaments couvrant une période de plus de trois mois, la réalité montre que ces mesures n’ont pas eu d’impact sur les patients qui consultent dans les centres de santé de base et les hôpitaux publics et qui souffrent plus que jamais d’être privés de leur droit d’accès aux médicaments conformément à leurs modes de couverture sociale.
D’après la même source, le manque de médicaments dans les centres de santé de base et les hôpitaux est devenu presque permanent et touche d’une manière sans précédent les médicaments les plus fréquemment utilisés, comme les médicaments de diverses maladies chroniques, les médicaments du système digestif, les médicaments de la douleur, de la fièvre et d’autres maladies.
Les patients concernés appartiennent aux couches populaires et la plupart d’entre eux n’ont pas d’autre recours et restent de ce fait sans traitement, met en garde le communiqué.
Même quand ils peuvent acheter dans certains cas leurs médicaments dans les pharmacies privées, c’est généralement de manière partielle et intermittente, en raison du manque de ressources financières qui s’est particulièrement aggravé suite au confinement généralisé.
Le communiqué rappelle que la prise régulière de médicaments pour les personnes atteintes de maladies chroniques est une nécessité vitale pour éviter de graves complications de santé, et que le déséquilibre de ces maladies résultant de l’arrêt de l’utilisation régulière de médicaments augmente la gravité du risque d’infection par le Covid-19.
De plus, ne pas prendre les médicaments prescrits pour des maladies aiguës ou récurrentes expose à davantage de souffrances et à un recours excessif aux urgences, notent les signataires.
Le communiqué précise que les centres de santé de base, dont la plupart reprennent actuellement une activités normale et les hôpitaux de circonscription, sont chargés de délivrer périodiquement des médicaments à plus d’un million de patients chroniques (dont plus de 800000 atteints de diabète et / ou d’hypertension) suivis dans l’ensemble des structures sanitaires publiques.
Ces patients chroniques se répartissent comme suit: environ 600 000 patients consultant dans les centres de santé de base, et près de 400.000 consultant dans les hôpitaux.
Les structures sanitaires de première ligne sont également appelés à fournir des médicaments pour les consultations médicales qu’elles assurent (environ 10 millions de consultations par an, soit les deux tiers de toutes les consultations médicales publiques non urgentes) ainsi que la fourniture des premiers soins nécessaires (y compris les médicaments) pour plus de 3 millions de patients qui consultent dans les services d’urgence des hôpitaux de circonscription.
Le manque de médicaments dans les structures sanitaires publiques est d’autant plus incompréhensible que la plupart des médicaments manquants sont fabriqués dans notre pays et sont généralement disponibles dans les pharmacies privées, estiment les signataires.
Cette situation donne aux patients concernés le sentiment qu’ils sont des citoyens de seconde zone, étant donné que leurs homologues assurés sociaux dont la situation financière leur a permis de choisir la filière privée de soins ou la filière du remboursement des frais, ont le droit d’acquérir ces mêmes médicaments dans les pharmacies privées avec une prise en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie d’une grande partie de leur coût (selon les dispositions de chaque filière et selon la nature de la maladie).
Une telle situation renforce, chez les personnels, le sentiment de la marginalisation en permanence du secteur public de la santé, notamment en ce qui concerne la problématique des médicaments, ajoutent-ils.
Si la pénurie chronique de médicaments en première ligne du secteur public s’explique principalement par la faiblesse des budgets alloués aux médicaments (qui ne couvrent qu’un tiers des besoins), faiblesse en relation avec des choix et des orientations que la société civile a appelé à maintes reprises à réviser, la situation a été aggravée ces derniers temps par le non respect de certains laboratoires de fabrication de médicaments de leurs engagements à l’égard le la Pharmacie centrale de Tunisie conformément aux résultats des appels d’offres pour les besoins des structures sanitaires publiques ouverts en 2019 (pour 2020 ou 2020-2021) auxquels ils ont participé et qui les ont retenus, explique le communiqué.
Parmi les signataires, l’Association Tunisienne de Défense du Secteur Public de la Santé et du Droit de ses Usagers, l’Association Tunisienne de Défense du Droit à la Santé, la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme, Mourakiboun, l’Association Tunisienne de Défense des Droits de l’Enfant, et le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux.