Nommé attaché auprès de la présidence de la République chargé de la communication audiovisuelle, ce diplômé en droit et sciences politiques, fraîchement sorti de l’université, n’a pas les références et l’expérience nécessaires pour exercer cette fonction.
Sept mois après la prise de fonction de Kaïs Saïed, le feuilleton des nominations au sein de la présidence de la République se poursuit. Dernier arrivé en date, Ihsen Sbabti, nommé le 1er avril 2020 attaché chargé de la communication présidentielle. Donc, a priori, un expert en la matière. Sauf qu’une recherche rapide révèle qu’il n’en est rien. Le tout nouveau M. Communication digitale de la présidence de la République n’a pas les qualifications et l’expérience requises par ce poste.
Sur le profil Linkedin de ce jeune, nous ne trouvons nulle trace d’une formation suivie dans cette spécialité et encore moins de l’exercice de ce métier par le passé.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Les responsables de la présidence de la République, Kaïs Saïed en tête, ont-ils commis une erreur de casting ?
Le Palais de Carthage ayant multiplié les loupés depuis l’arrivée du président Kaïs Saïed, on se dit peut-être que c’est encore le cas. Sauf qu’en poussant la lecture du profil du néo-attaché à la présidence de la République, on relève un autre fait qui ajoute à la perplexité : le jeune homme a un profil et plus particulièrement une éducation et un parcours susceptibles éventuellement de lui permettre d’être un … conseiller en communication, voire politique.
Venant de l’antenne tunisienne du think tank américain Carter Center, Ihsen Sbabti détient trois diplômes : une licence fondamentale en droit public (2018) et un master en science politique de l’Université de Carthage – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, et un deuxième master en relations internationales et diplomatie de l’Union européenne à Europacollege. Il a également participé en 2018 à un programme d’échange à Portland State University centré sur la résolution de conflit et l’engagement communautaire.
Ce qui incite Ihsen Sbabti à se proclamer non pas comme expert en communication digitale mais comme quelqu’un qui a une expérience de travail dans le monde associatif «compétent en matière de planning stratégique, de prise de parole en public, de management de projets et d’équipes».
De fait, avant d’être recruté en juillet 2019 par Carter Center Tunis, comme chef de projet, son premier job, M. Sbabti a effectué un stage de cinq mois à Al Bawsala comme analyste juridique.
S’il n’a pas les moyens –sauf s’il les a acquis jusqu’à un certain point sur le tas- d’exercer les prérogatives du poste auquel il a été nommé, que va faire l’attaché à la présidence de la République au sein de cette instance ? Etre un conseiller en communication tout court sans en avoir le titre que détient Rachida Ennaifar ? Si l’on accepte cette hypothèse pas saugrenue, on pourrait alors peut-être mieux comprendre les raisons de la nomination de l’attaché chargé de la communication numérique.
Tout le monde le sait et Rachida Ennaifar l’a confirmé dans des interviews, le président de la République et sa conseillère en communication se connaissent de longue date et ont travaillé ensemble –peut-être même sont-ils amis. Et le fait que la plupart de ceux que le locataire du Palais de Carthage ait recruté, pour ne pas dire tous, parmi ses anciens étudiants ou ex-collaborateurs, nous renseigne sur l’un des ressorts du chef de l’Etat : la fidélité à ceux qu’il a connus et appréciés tout au long de sa carrière. Et Mme Ennaifar est sans nul doute l’une d’entre elles.
Mais d’un autre côté, on peut imaginer facilement que le chef de l’Etat ne soit pas indifférent aux critiques de plus en plus nombreuses qui sont faites à son action, plus particulièrement à la politique de communication de la présidence, donc à Mme Ennaifar qui en a la charge. Normalement, dans pareil cas on change l’équipe ou la personne qui ne gagne pas. Mais autant par fidélité que par timidité, un autre trait de caractère que ceux qui le connaissent prêtent au chef de l’Etat, celui-ci ne semble pas être du genre à tailler dans le vif.
Sous cet angle et pour ces raisons, la nomination de Ihsen Sbabti et le libellé de sa fonction incitent à se demander si le chef de l’Etat n’a pas cherché à couper la poire en deux : améliorer sa communication sans devoir désavouer publiquement et encore moins limoger son ex-collègue et amie –de vingt ans-, comme l’a présenté le quotidien gouvernemental La Presse de Tunisie en octobre 2019.
Moncef Mahroug