La Banque centrale de Tunisie (BCT) vient de publier une circulaire relative aux conditions de fourniture des services de paiement mobile. Rendue publique lundi 18 mai 2020, cette nouvelle directive a couvert l’ensemble des relations entre les intervenants dans la chaîne des paiements mobile, qu’ils soient prestataires de services de paiements mobile, switch mobile, clients ou régulateur.
Le directeur général adjoint de la Surveillance des systèmes et moyens de paiement à la BCT, Mohamed Sadraoui, explique, dans une interview accordée à l’agence TAP, la portée de cette nouvelle circulaire et évoque les étapes suivantes sur la voie de la promotion du paiement mobile et de l’inclusion financière en Tunisie.
Dans quel cadre s’inscrit la nouvelle circulaire de la BCT et que prévoit-t-elle ?
Mohamed SADRAOUI : Cette circulaire s’inscrit dans le cadre de la stratégie menée par la Banque centrale de Tunisie pour le développement des paiements digitaux et la réduction de la circulation du cash ainsi qu’à la contribution aux efforts de l’Etat pour une croissance inclusive.
Cette stratégie repose notamment sur trois piliers, indispensables et interdépendants, pour asseoir un écosystème de paiement propice à l’atteinte de l’ensemble de ces objectifs.
Il s’agit de la modernisation du cadre réglementaire et des infrastructures de paiement ainsi que l’instauration d’une surveillance efficace du marché des paiements.
C’est dans ce sillage et avec l’enrichissement du paysage bancaire par la création de nouveaux opérateurs sur le marché, en l’occurrence les établissements de paiement, que la circulaire vient conforter les efforts déjà déployés pour s’atteler à résorber le retard constaté dans le développement des paiements digitaux en général, dont la part dans les opérations monétique ne dépasse pas 25% en nombre et 17% en valeur.
Cette circulaire permettra d’améliorer la protection des usagers des services de paiement mobile et renforcer la confiance dans l’usage de ces services
Cette circulaire permettra, également, d’améliorer la protection des usagers des services de paiement mobile et, de ce fait, renforcer la confiance dans l’usage de ces services.
In fine, il s’agit de promouvoir l’inclusion financière en prenant en compte les besoins des populations non bancarisées.
Aussi, elle consacre le rôle de la BCT dans la surveillance des systèmes et moyens de paiement qui est le garant de livraison de prestations de paiements dans des conditions transparentes, équitables, efficaces et sécurisées et garantissant la concurrence optimale.
D’ailleurs, la circulaire a couvert l’ensemble des relations entre les intervenants dans la chaîne des paiements mobile, qu’ils soient prestataires de services paiements mobile, switch mobile, clients ou régulateur.
Quel est l’apport de cette circulaire dans le développement du paiement digital et du decashing ?
La BCT a, depuis plus d’une année, ciblé dans le cadre de sa stratégie de digitalisation des paiements et du decashing et en concertation avec la profession, certaines mesures dont la concrétisation ou les effets tardent à se manifester. Ce retard est imputé, notamment, au manque de déploiement de prérequis techniques ou d’adhésion nécessaire à certains vecteurs de réussite, tel est le cas du modèle économique.
C’est par rapport à ce constat que la BCT a pris le devant en publiant cette circulaire qui apporte une réponse à certaines problématiques en instaurant certaines règles à la faveur des paiements digitaux, notamment mobile par rapport à l’usage du cash.
Dans ce sens, l’on distingue six règles essentielles. Je citerais, en premier lieu, l’interopérabilité entre les prestataires, les plateformes et les instruments de paiement, ce qui permettra de neutraliser les goulots et de fluidifier les transactions.
Ensuite, la consécration de l’instantanéité des transactions, qui constitue un levier essentiel pour le recours au paiement mobile, et ce contrairement aux autres solutions surtout ordinaires de règlement des transactions.
Sur le plan de la sécurité, l’on relève un renforcement des conditions de sécurité tant des données personnelles contre tout usage abusif que des transactions des clients à l’égard des risques cybernétiques, notamment de fraude et d’intrusion …
A travers cette circulaire, la question de modèle économique a été en grande partie solutionnée.
A travers cette circulaire, nous pouvons affirmer que la question de modèle économique, qui constituait l’une des problématiques majeures, a été en grande partie solutionnée.
Ceci a été possible par l’optimisation des coûts des transactions des paiements mobile par apport aux coûts de l’usage du cash en consacrant la gratuité pour certains services de paiement mobile et en maîtrisant les tarifs pour d’autres.
Parallèlement, l’on note le renforcement de la transparence et du service après prestation via l’amélioration des conditions de contractualisation, de l’éducation financière et de gestion des réclamations de la clientèle.
Last but not least, en vue de faciliter leur inclusion dans la cartographie des services bancaires, des traitements spécifiques à certaines populations non bancarisées ont été consacrés, en tenant en compte de leurs spécificités en matière de commercialisation des services, de sécurité et de tarification.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Il est indéniable que cette nouvelle circulaire constitue une étape importante pour l’encadrement des services de paiement mobile. Toutefois, pour atteindre les effets escomptés, elle requiert des efforts complémentaires d’accompagnement, notamment à travers le suivi d’effet de la conformité des prestataires aux exigences de cette circulaire, et ce par une surveillance rapprochée de la part du régulateur.
La modernisation de la plateforme de switching avec le déploiement d’une nouvelle infrastructure est à même de rehausser les performances de paiement mobile et répondre aux exigences de la réglementation.
Un travail de communication, de sensibilisation et d’éducation financière en matière de paiements digitaux reste à mener, conjointement entre la profession et l’Observatoire d’inclusion financière, dans le but d’inculquer la culture de l’usage du digital et vulgariser ses avantages.
Aussi, la Banque centrale de Tunisie estime primordiale l’adhésion des prestataires à l’approche qu’elle a adoptée. Il s’agit là de mettre à profit les apports de la nouvelle circulaire pour améliorer la qualité des services rendus aux clients et drainer un courant d’affaires additionnel, selon une logique qui considère la digitalisation des paiements et la satisfaction de la clientèle comme levier et niches de rentabilité.
Parallèlement, la Banque centrale s’attèle à accélérer la mise en œuvre de son plan d’actions et des projets inscrits dans le cadre de sa stratégie de digitalisation et du decashing.
Ces projets porteront, entre autres, sur les moyens de paiement liés au commerce électronique, notamment dans sa composante internationale, la modernisation des infrastructures des paiements et la régulation du marché en référence aux standards internationaux.