” La Tunisie est contrainte d’adopter, durant la phase de déconfinement, des politiques audacieuses dans le cadre d’une logique d’économie de guerre. Elle doit faire preuve d’innovation et d’ingéniosité et s’éloigner d’anciens dogmes “.
C’est ce qui ressort d’un document intitulé ” L’Economie au cœur du confinement ciblé “, élaboré dans le cadre de la préparation de la première phase de l’Etude prospective intitulée “La Tunisie face au Covid-19 à l’horizon 2025 : fondements d’une stratégie conciliant l’urgence du court terme et les impératifs du moyen terme ” initiée le 15 avril 2020 par l’ITES (Institut tunisien des études stratégiques).
Selon les auteurs de ce document, ” Le déconfinement se présente comme un processus d’arbitrage entre la préservation des vies et le sauvetage de l’économie. Cette démarche prudente doit être accompagnée d’une série de mesures de politiques économiques et sociales, visant à renforcer la confiance et la résilience des entreprises, des ménages et des classes sociales les plus vulnérables”.
Du point de vue économique, ” il est recommandé aux pouvoirs publics d’adopter des politiques budgétaires, monétaires et fiscales expansionnistes, permettant de soutenir l’investissement et la consommation”.
Ainsi, soulignent-ils, “la politique fiscale doit veiller à préserver la trésorerie des entreprises et les emplois. Par le report du paiement des impôts et la promulgation de nouvelles exonérations fiscales, cette politique aiderait ainsi les entreprises à avoir la liquidité nécessaire, préserver l’emploi des salariés et soutiendrait le revenu des ménages”.
Par ailleurs, cette politique fiscale doit être ciblée, en priorisant les secteurs, comme le commerce, la construction, etc. et en soutenant les secteurs les plus sinistrés à l’instar du tourisme et du transport.
Il serait judicieux de promulguer rapidement, entre autres, le report de paiement des cotisations patronales, de rééchelonner les dettes douanières et de défiscaliser les investissements opérés par les SICAR et les FCP, notamment ceux orientés vers les industries stratégiques “.
D’autre part, ” la crise actuelle devrait être l’occasion d’amorcer une réforme fiscale audacieuse, en instaurant une plus grande progressivité de l’impôt par la mise en place de nouvelles taxes de solidarité, comme l’impôt sur les grandes fortunes et l’adaptation sans délai de la réglementation fiscale au télétravail “.
Selon ce document ” la politique budgétaire doit être expansionniste incluant des mesures de relance de la consommation des ménages et des investissements des entreprises”.
En effet, l’économie tunisienne a enregistré de faibles taux de croissance avant la crise et la relance économique sera difficile sans la mise en place de mesures relançant la consommation des ménages et l’investissement des entreprises.
En ce qui concerne les entreprises, “certaines mesures réclamées par les organisations patronales seront nécessaires telles que la mise en place d’une ligne de garantie afin de permettre aux entreprises de contracter des crédits de gestion et de travaux, la création d’un fonds d’investissement pour la recapitalisation des industries, potentiellement considérées comme les champions de demain, le paiement des dettes des entreprises et des professionnels ayant effectué des prestations pour l’Etat, l’accélération du remboursement des crédits d’impôts de TVA, la libération des cautions douanières “.
La politique monétaire doit également être expansionniste venant en aide aux entreprises et aux ménages en difficultés et protégeant la balance des paiements contre les chocs externes.
Dans ce cadre, la BCT doit veiller à ce que les ménages et les entreprises continuent à accéder aux crédits à des taux abordables.
A cet égard, l’institut d’émission doit continuer sa politique expansionniste en baissant davantage le taux directeur, en bonifiant les taux sur les crédits d’exploitation et d’investissement et en adoptant une politique de ” Quantitative Easing ciblé ” (achat de certains types de titres et certificats d’investissement).
Sur le plan de la Balance des paiements, la BCT doit faire face notamment au choc externe de perturbation de la chaîne de valeur mondiale ainsi qu’à la baisse des recettes touristiques et des transferts des Tunisiens Résidents à l’Etranger (TRE). En ce sens, elle doit pousser vers la promulgation de l’amnistie de change, annoncée au début du mois de février 2020.
Les auteurs de ce document pensent toutefois que l’efficacité de ces politiques publiques est conditionnée par une mobilisation suffisante des ressources financières.
A l’échelle nationale, une réallocation rapide du budget est plus que nécessaire. Cette réallocation doit être parallèlement soutenue par un financement direct du budget par la BCT.
A l’échelle internationale, un moratoire sur la dette s’avère particulièrement indispensable pour l’économie tunisienne.