Cette réflexion peut nous permettre de déployer une vision panoramique de l’enseignement à distance que la situation actuelle nous invite à mettre en œuvre: mieux prendre en considération nos élèves, choisir les bons outils, s’adapter aux laptops, scénariser, accompagner, rendre autonome, évaluer.
Les difficultés rencontrées dans cette situation d’urgence sont porteuses de leçons et de défis. Devant ce contexte qui nous a orienté implicitement vers le numérique, il devient impératif de renforcer la formation de nos enseignants(es) pour leur permettre de développer habileté, maîtrise et culture numériques.
Les enseignants, de certaines écoles privées dont l’Académie du Lac, se sont trouvés dans une situation d’enseignement à distance forcée, de crise, d’urgence, non préparée pour une continuité d’apprentissage. Cette continuité consiste, au moins dans un premier temps, à créer et conserver un lien à distance avec les élèves et à faire en sorte qu’ils conservent un lien avec les apprentissages, en proposant des activités numériques.
Le 22 mars 2020, la décision de confiner la population a été soudaine et a pris tout le monde au dépourvu devant une situation inédite.
Néanmoins, tout projet de digitalisation ou d’enseignement à distance qui se respecte devrait démarrer par une analyse du projet, et notamment l’identification des risques et leur gestion. Dans le cas présent, cette étape a été zappée. Cette phase d’analyse n’a pas eu lieu et nous avons été contraints de nous y engager par obligation.
Ainsi, non préparés, nous nous sommes retrouvés à gérer des risques qui, honnêtement, n’étaient pas simples. Ces risques ont été rapidement maîtrisés grâce au dévouement, à l’acharnement et à l’implication sans faille de la direction de l’Académie du lac, particulièrement de notre ZORO : l’enseignant d’informatique.
Malgré tout, s’il s’agit d’une période difficile, elle est aussi très passionnante et constitue tout de même un beau challenge professionnel.
Assurer la continuité d’apprentissage n’est pas une sinécure. Autre difficulté, celle de tisser le lien social et pédagogique avec les élèves et la direction. La distance s’est pour un certain nombre d’élèves, heureusement minoritaire, transformée en absence. Vous imaginez aisément la difficulté que cette situation représente pour les enseignants qui étaient éloignés de ces problématiques. Mais grâce à cette situation inattendue et imprévisible, tout le personnel enseignant (ainsi que la direction) s’y est attelé pour en faire un autre moyen à généraliser dans le proche futur.
L’autonomie de l’apprenant dépendait de l’âge des enfants et de la présence des parents au moins partiellement. Il ne s’agit pas de dire que l’autonomie est un prérequis aux apprentissages mais que, dans cette situation, c’est un levier facilitateur.
Nous étions heureux de constater la réaction positive de la majorité de nos élèves. D’autant plus qu’il ne faut pas perdre de vue que l’autonomie est un des axes du projet d’établissement de l’Académie du Lac.
Dans le cadre de la digitalisation des contenus d’enseignement et en temps normal, il faut, au préalable, s’assurer de l’acquisition des compétences numériques nécessaires au déploiement du dispositif. Il faut donc pallier au problème en amont. L’épisode du CORONAVIRUS a permis de prendre pleinement conscience de nos insuffisances en termes de culture numérique.
Le constat a permis de relever ces insuffisances. Mais il a permis aussi de constater la GIGANTESQUE volonté de nos enseignants d’intégrer ce volet du numérique dans l’urgence. La rapide adaptation de l’équipe est tout simplement INCROYABLE. La crise a donc réaffirmé la nécessité d’envisager de mettre les bouchées doubles autour du développement de ces compétences pour nos élèves grâce à des activités pratiquées dans les enseignements.
On constate, sans grande surprise, que nos usagers (élèves, enseignants et direction) sont devenus rapidement familiers du numérique et qu’ils s’en sont emparés sans grosses difficultés. La transition vers le numérique a été moins difficile pour nos apprenants que prévu. Sans vouloir lancer de fleurs à nos enseignants, ils ont fait preuve d’une volonté et d’une implication à toute épreuve. Ils ont surtout réalisé, en très peu de temps, un pas de géant dans l’enseignement à distance.
Dans le futur proche, la direction misera sur la formation au numérique de nos enseignants pour conforter et rationaliser les acquis. Ces formations seront dispensées par des formateurs compétents afin de découvrir les outils, s’y former, concevoir des ressources, développer de bonnes pratiques professionnelles, déployer auprès des élèves tout en les accompagnant, à distance.
Les enseignants doivent pouvoir alterner entre des phases de formation présentielle et à distance.
Des référents numériques, présents dans chacun de nos établissements, devront constituer le levier essentiel dans la communication autour du numérique pédagogique et du co-pilotage du projet numérique en coordination étroite avec les directions.
Concernant les élèves et afin de soutenir leur motivation, il faudra, du moins au début, prévoir des activités pédagogiques un peu plus ludiques et sortant un peu du cadre scolaire classique. Cette question liée aux modalités et aux types d’activités amène à parler de l’autonomie, comme premier objectif pédagogique pour nos élèves. Ce principe déjà prégnant en présentiel devient incontournable à distance.
Penser à concevoir des activités pédagogiques sociales, organiser des réflexions en groupe à l’instar des réseaux sociaux, faciliter les échanges et l’aide par le corps enseignant sont des éléments qui restent sous-exploités alors qu’ils sont souvent un autre facteur de réussite dans des dispositifs de digital learning.
En enseignement à distance, encore plus qu’en présence des élèves, la notion d’évaluation est un des piliers de conception pédagogique. Il ne s’agit pas de l’évaluation en fin de parcours mais surtout les notions d’évaluation diagnostique ou formative. Or, malheureusement, l’évaluation revêt encore pour un certain nombre d’enseignants mais aussi pour les élèves ou les parents d’élèves une valeur sommative uniquement et non pas d’un outil de repérage pour l’enseignant.
Aussi, quand il s’agit de mettre en place des activités « non notées », représentant un outil de suivi de l’investissement des élèves, ou comme valeur formative pour évaluer l’avancée de l’élève dans son apprentissage, des incompréhensions naissent de tout bord. L’évaluation et la valeur que nous lui donnons dans le système éducatif actuel est totalement à reconsidérer.
Ainsi, l’évaluation ne doit pas représenter uniquement la sanction d’un travail mais plutôt devenir un véritable outil d’accompagnement aussi bien pour l’élève que pour l’enseignant.
Pour revenir à l’enseignement à distance, cette nouvelle situation vécue constitue une immense expérimentation, qui permet de s’interroger sur l’évolution de ces pratiques. Il serait dommage de s’en priver ! Il n’est pas non plus à exclure que ce confinement ne soit pas le dernier.
A court terme, à la reprise des cours, il s’agira certainement de considérer que le temps d’enseignement en présentiel est précieux. Une deuxième vague ou d’autre(s) pandémie(s) de ce type ne sont pas à exclure ou à éliminer définitivement, et donc d’un éventuel re-confinement, et que travailler les compétences d’autonomie et de méthodologie de nos élèves, entre autres dans le domaine du numérique, permettra de disposer d’un sérieux atout dans sa manche.
La réflexion pour « tirer des leçons » peut être axée notamment sur 3 points : l’intégration des outils numériques dans l’enseignement, la conception de nos dispositifs d’enseignement mais aussi le rôle et la posture de l’enseignant.
De manière plus large, quelle sera la place que pourra prendre le numérique dans l’avenir dans l’enseignement ? Les enseignants passeront-ils tout simplement à autre chose, considérant que la crise est terminée, et qu’ils ont eu leur dose de numérique ? Ou au contraire, en ayant une vision plus optimiste, cet épisode permettra-t-il d’apercevoir le potentiel des outils numériques, la manière dont on peut proposer d’autres modalités aux élèves, aboutissant à des modifications de pratiques, à une hybridation des cours articulant davantage ce qui est fait en classe et ce qui peut se faire à l’extérieur de la classe à l’aide d’outils numériques ? La posture de l’enseignant fera-t-elle peau neuve, se traduisant par des enseignements moins transmissifs, plus explicites et plus accompagnants ?
La question de l’après-Covid-19 en enseignement et en formation reste probablement entière.
Moralité : la sagesse et le rationnel nous dictent le devoir de généraliser la maîtrise des usages, des outils du numérique et des méthodes d’enseignement à distance entrant dans le cadre des compétences du 21ème siècle.
Ridha JABER, chef d’établissement scolaire privé – Les berges du lac de Tunis