Refoulements aux frontières, conditions d’hébergement désastreuses et déficience de la prise en charge médicale, tel est le tableau de l’accueil, ou plutôt du ” non-accueil ” des personnes migrantes venues chercher protection en Tunisie, selon un rapport intitulé à juste titre ” POLITIQUES DU NON-ACCUEIL EN TUNISIE “.
Elaboré par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et le réseau d’associations euro-africain “Migreurop”, le rapport évoque également le manque d’informations, d’entraves à la demande d’asile, d’absence de transparence et de garanties lors de la procédure de détermination du statut de réfugié, outre le racisme, les difficultés d’accès au marché du travail et à l’éducation, les expulsions en plein désert, les pressions pour le retour dans le pays d’origine ainsi que les intimidations et abus de pouvoir de la part des organisations les prenant en charge …
Publié récemment, le rapport s’appuie sur plus de 90 entretiens avec des personnes migrantes (35 entretiens avec des exilés basés en Tunisie représentant 16 nationalités différentes), et des représentants d’organisations et d’organismes locaux et internationaux, ainsi qu’avec des chercheurs mais aussi des journalistes.
Que la gestion des migrants soit assurée de plus en plus par des organisations de la société civile ou des organisations onusiennes n’est manifestement pas le gage de qualité de l’accueil qui leur est offert, souligne le rapport.
La même source signale que si l’argument du manque de fonds est souvent mis en avant par ces organisations pour justifier le ” non-accueil “, cela ne saurait occulter la complaisance dont elles font preuve dans la mise en œuvre de politiques gestionnaires et sécuritaires des Etats européens.
Depuis plusieurs décennies, l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a intégré les politiques migratoires des Etats du Nord et accepte, pour réaliser ses objectifs, les outils du contrôle migratoire : tri des populations, identification biométrique, en campement, pressions sur les bénéficiaires, avec toutes les violations des droits fondamentaux des personnes migrantes que cela implique…, ajoute le rapport.
Quant au rôle endossé par l’OIM en Tunisie, la même source indique qu’il contribue clairement au contrôle des frontières et à l’éloignement des personnes, via ses programmes de retours ” volontaires “.
Acteurs à part entière de politiques migratoires inhospitalières, ces organisations en sont en même temps l’instrument et la couverture : instrumentalisées par les Etats, elles fournissent un vernis humanitaire à des politiques ultrasécuritaires. Alors que la quasi-totalité des organisations locales tunisiennes travaillant sur les questions migratoires dépendent financièrement de ces organisations onusiennes ou de financements de l’Union européenne, la société civile, à de rares exceptions, peine à assurer son rôle critique.
La Tunisie, cible privilégiée pour les politiques d’externalisation des frontières
Identifiée comme pays potentiel de départ pour les migrantes et les migrants subsahariens et occupant une position géographique stratégique dans une région instable, la Tunisie est devenue, ces dernières années, une cible privilégiée pour les politiques d’externalisation des frontières de l’Union européenne en Méditerranée, note le rapport.
Les mauvaises conditions réservées aux migrants qui viennent chercher refuge en Tunisie peuvent alors s’interpréter de deux manières distinctes, mais complémentaires. Le rapport explique que pour l’Union européenne, il s’agit de faire de la Tunisie un lieu où les personnes migrantes fuyant la Libye peuvent être accueillies, et en même temps contrôlées: accueillies un peu, mais pas trop, pour ne pas non plus les attirer aux portes de l’Europe.
Du côté des autorités tunisiennes, il se pourrait que le ” non-accueil ” soit précisément utilisé comme outil de résistance aux politiques européennes : se désengager de la gestion des migrations au maximum, pour éviter à tout prix de devenir le garde-frontières aux ordres de l’Union européenne.
En plus d’occuper une position stratégique en Afrique du Nord qui fait d’elle une cible importante des politiques migratoires vers l’Union européenne, la Tunisie présente, selon le rapport, une autre particularité géographique : alors que ses côtes se situent en aval de courants marins, elle est devenue l’un des réceptacles des corps des migrants qui ont fait naufrage sur la route de Méditerranée centrale.