Le gouvernement tunisien a annoncé l’émission d’un emprunt obligataire solidaire national, dont la valeur totale n’a pas encore, été fixée, et ce conformément au décret-loi relatif aux procédures de renforcement des fondements de la solidarité nationale, pour pallier aux répercussions de la propagation de la pandémie du coronavirus
L’article 9 du décret-loi n°2020-30 du 20 juin 2020 prévoit l’émission par l’Etat d’un emprunt obligataire solidaire pour couvrir une partie du budget de l’Etat pour l’exercice 2020 (lequel s’élève à environ 47 milliards de dinars), lequel sera remboursé en dinars tunisiens.
La souscription à cet emprunt se fera via des comptes ouverts à cet effet, auprès des intermédiaires en Bourse et des banques agréés. Elle est réservée aux personnes physiques, sous un ensemble de conditions, notamment la fixation de la valeur nominale unitaire de l’obligation à 100 mille dinars et la période de remboursement à 10 ans et à terme échu (remboursement intégral en fin de période).
Le taux d’intérêt nominal annuel est fixé à 4%. Les souscripteurs seront exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de la retenue à la source ainsi que de l’impôt au titres des revenus des capitaux mobiliers.
Les dates d’ouverture et de clôture des souscriptions seront fixées par un arrêté du ministre des finances.
Pour rappel, la Tunisie a déjà émis depuis l’indépendance trois emprunts obligataires nationaux (en 1964, en 1986, en 2014); le nouvel emprunt sera le quatrième.
Commentant cette émission, l’expert-comptable Anis Wahabi estime que les critères ne sont pas compréhensibles, surtout avec la fixation de la valeur unitaire de l’obligation à 100 mille dinars, précisant qu’elle va limiter la participation des investisseurs et aura par conséquence un faible rendement.
En outre, le taux d’intérêt nominal de 4% est plus bas que ceux habituellement pratiqués par l’Etat lors d’émissions précédentes, mais aussi par rapport au niveau du taux d’inflation (6,3%).
Pour Wahabi, la période de remboursement de 10 ans est très longue pour les investisseurs qui comptent participer à cet emprunt obligataire solidaire, d’autant plus que la valeur nominale élevée de l’action n’encouragera pas à y souscrire, sauf “si le gouvernement va utiliser d’autres moyens pour obliger certaines catégories à participer à cet emprunt obligataire solidaire national, réservé aux personnes physiques”.
Comparant avec l’emprunt obligataire émis par le gouvernement Mehdi Jomaa, Wahabi a précisé que l’emprunt de 2014, d’une valeur de 500 millions de dinars, avait été rentable, vu l’élan de solidarité nationale suscité à cette époque et les conditions d’émission de cet emprunt qui étaient meilleures que le nouvel emprunt national. Il considère que le gouvernement actuel ne sera pas capable de renouveler cet élan de solidarité s’il continue dans sa politique unilatérale, sans associer les autres parties et à axer sur les mesures avant les visions et les conceptions globales.
De son côté, le conseiller fiscal Mohamed Salah Ayari a déclaré que le gouvernement ne semble pas avoir réuni les conditions de succès pour cet emprunt, expliquant que l’opération de souscription se limite aux personnes physiques alors que son élargissement aux personnes morales permettrait d’obtenir un meilleur résultat.
Il s’est interrogé sur la pertinence du choix adopté de fixer un seuil minimal de 100 mille dinars pour la valeur nominale de l’obligation, alors que si ce seuil était abaissé à 10 ou 20 mille dinars, l’emprunt intéresserait un plus grand nombre de citoyens.
De même, la fixation d’un taux d’intérêt de 4% n’est pas incitatif, puisque l’investissement dans les SICAV permet de bénéficier d’un taux d’intérêt de 5 à 6%.
En résumé, il apparaît que l’ensemble des conditions de cet emprunt peut constituer un frein a la réussite de son émission, alors qu’avec des conditions plus souples, il a des chances de susciter un engouement chez les citoyens et de générer les ressources financières attendues par le gouvernement.