Les systèmes culturaux en Ramli dans les lagunes de Ghar El Melh et les jardins suspendus de Djebba El Olia ont été reconnus comme “Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial” (SIPAM), une appellation gérée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), lit-on sur son site web.
Il s’agit de la deuxième reconnaissance SIPAM pour un site tunisien après les oasis de Gafsa en 2011.
Les deux sites reflètent des liens étroits entre les champs cultivés, l’écosystème naturel et la faune et la flore locale tout en faisant la promotion du savoir traditionnel et de la protection de la biodiversité. Leur reconnaissance en tant que SIPAM encouragera les communautés locales à continuer à en prendre soin et à protéger leur patrimoine pour les générations futures.
Les pratiques culturales en Ramli de Ghar El Melh
Les Ramli, dont le mot signifie ” sur le sable”, sont des pratiques agricoles qui consistent à cultiver sur des supports sableux. Uniques, non seulement en Tunisie mais à l’échelle mondiale, ces jardins ont été créés au 17ème siècle par la diaspora andalouse pour pallier au manque de terres cultivées et d’eau fraîche.
Ces pratiques ingénieuses sont basées sur un système d’irrigation passif où les racines des plantes se nourrissent grâce à l’eau de pluie stockée qui flotte à la surface de la mer suite aux ondulations des vagues.
Le savoir traditionnel préservé sur plusieurs siècles permet aux agriculteurs de maintenir de larges parcelles de lagunes grâce à une quantité précise de sable et de matière organique qui font en sorte que les cultures atteignent une taille adéquate et qu’ainsi les racines soient irriguées grâce à de l’eau fraîche, par opposition à l’eau salée et à ses effets négatifs.
Les haies d’arbres fruitiers et de buissons sur la barrière du lagon protègent les parcelles cultivées du vent et des embruns, favorisent le ralentissement de l’évaporation et améliorent le sable. Un système doté de tellement d’atouts rend possible la culture agricole tout au long de l’année sans avoir besoin de recourir à un approvisionnement en eau artificiel, et ce, même lors des périodes de sécheresse.
Aujourd’hui, la pêche et l’agriculture sont les principales activités de subsistance dans la zone. Les fermes de Ghar El Melh sont relativement petites (81 pour cent d’entre elles font moins de 5 hectares) et produisent principalement des pommes de terre, des haricots et des oignons “sur ramli”.
Les jardins suspendus de Djebba El Olia
Nichés sur les hauteurs du Mont el Gorrâa, les jardins de Djebba el Olia forment un système agroforestier unique. A 600 mètres d’altitude, les agriculteurs ont réussi à façonner ce paysage montagneux à leur avantage en intégrant l’agriculture sur les terrasses issues de formations géologiques naturelles ou en les construisant en pierres sèches.
Renforcés par un système d’irrigation efficace, les jardins suspendus sont des exemples d’agroforesterie innovatrice et résiliente aux besoins alimentaires des communautés locales tout au long de l’année.
Grâce à la préservation des forêts en altitude et à la multitude d’espèces dans la strate arborescente des jardins, Djebba El Olia bénéficie d’un microclimat particulier.
Basée sur les pratiques associant l’agroforesterie et l’agroécologie, la culture de figuier est le pilier d’un système divers, résilient et polyculturel favorisé par une production animale assez importante. Mis à part les figues, un grand nombre de légumes, de légumineuses et d’espèces fruitières sont produites dans les jardins y compris des plantes solanacées (la tomate, le poivre) mais aussi la courge, les fèves, l’oignon, le haricot ou encore les pommes de terre.
L’élevage de bétail représente également une grande partie de la biodiversité du site, en particulier une race locale de moutons appelée la “noire de Thibar”, qui s’adapte facilement aux terrains accidentés et la race bovine appelée la brune de l’Atlas connue pour sa robustesse.
Ces jardins bénéficient des forêts avoisinantes et des espèces de la flore et de la faune sauvages, assurant ainsi que les pollinisateurs sauvages contribuent à la biodiversité. L’art de gérer des espèces cultivées et sauvages constitue la base de savoir du site. La qualité des produits est très appréciée – les figues de Djebba et leur appellation AOC, les fruits frais et secs et les produits transformés (les confitures) sont très recherchés au niveau local et international et représentent une source importante de revenus.