“Donner une assise politique plus confortable au gouvernement par l’élargissement de sa base parlementaire est dans l’intérêt du gouvernement et non du mouvement Ennahdha”, affirme Belgacem Hassan, député et membre du bureau politique d’Ennahdha.
Pour lui, le refus de la proposition d’Ennahdha par le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, ne changera rien, dit-il dans une déclaration accordée à l’agence TAP, mardi 16 juin, faisant savoir que Fakhfakh avait exprimé au mouvement sa certitude dans le fait qu’une assise politique élargie serait bénéfique mais que pour le moment, il préfère poursuivre le travail avec la même composition gouvernementale.
Le membre du bureau politique d’Ennahdha rappelle dans ce sens que le document de “stabilité et de solidarité gouvernementale” qui n’a pas été signé jusque-là comportait un point mentionné par Ennahdha concernant “l’intention d’élargir la coalition gouvernementale” dans le but de garantir une base parlementaire confortable au gouvernement à même de faciliter l’adoption de projets de loi.
Ce point a essuyé le refus des autres partis de la coalition gouvernementale et du chef du gouvernement.
Ce dernier avait assuré dimanche dernier (14 juin 2020) dans une interview télévisée qu’il n’y a pas de place pour le parti ” Qalb Tounes ” dans son gouvernement.
Cette proposition a été finalement retirée du document gouvernemental qui a été soumis par Fakhfakh depuis mai dernier à ses partenaires au gouvernement pour renforcer la solidarité entre eux.
Une majorité parlementaire en harmonie avec celle du gouvernement
” Nous voulons que toutes les forces parlementaires soient unies face à celui qui prend pour cible le régime politique du pays et nous appelons à ce que la majorité parlementaire soit en harmonie avec celle du gouvernement, mais il n’en est rien aujourd’hui “, a-t-il regretté.
A la question de savoir pourquoi Ennahdha a accepté la composition du gouvernement actuel malgré ses réticences, Belgacem Hassan a expliqué que son parti n’a cessé d’appeler à intégrer d’autres composantes au gouvernement en place.
Le mouvement Ennahdha n’a de problème ni avec le ” mouvement Echaab “, ni avec le chef du gouvernement, ni avec le président de la République. Son but est de convaincre ces acteurs politiques quant à l’importance d’élargir la coalition gouvernementale afin de faire prévaloir l’intérêt national, a-t-il insisté.
il a indiqué dans ce sens que le mouvement Ennahdha n’a pas demandé à exclure le mouvement Echaab pour le remplacer par Qalb Tounes, mais exige l’ajout de ministres à la composition actuelle du gouvernement pour le bien de l’intérêt général.
” Il est du droit de la deuxième force politique au parlement (Qalb Tounes) d’être dans le gouvernement. Il est inconcevable de voir le premier parti vainqueur aux élections dans le gouvernement et le deuxième dans l’opposition, a-t-il soutenu.
Qalb Tounes pas intéressé…
De son côté, le député et membre du bureau politique de Qalb Tounes, Jawhar Mghirbi, a fait savoir que sa formation politique n’est pas concernée par la participation au gouvernement et que cette question ne fait pas partie de ses priorités.
“Le parti ne cherche pas à reproduire un projet perdant et nous ne voulons pas partager l’échec avec celui qui gouverne actuellement. Nous voulons une évaluation réelle de la situation économique et sociale dans le pays, qui nous permettra, a posteriori, de nous décider s’il faut prendre part à ce gouvernement ou non, et sur le principe d’un gouvernement de salut national comportant toutes les parties sauf celui qui s’exclut lui-même “.
Mghirbi a fait observer que son parti ne partage pas les visions politiques du chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh. “Qalb Tounes estime que le chef du gouvernement suit la même démarche que celle qu’il a emprunté en 2013 quand il était ministre des finances. Cette démarche est basée sur des impôts abusifs, le gel des salaires et autres mesures qui visent à porter préjudice au pouvoir d’achat des catégories sociales moyennes et vulnérables”, a-t-il indiqué.
Le membre du bureau politique de Qalb Tounes a évoqué à cet effet le dernier rapport de la Banque mondiale sur la Tunisie, qui fait état d’une difficulté majeure relative à la gouvernance du service public.
Qalb Tounès n’a pas d’engouement sur le pouvoir et ne perçoit pas le gouvernement comme de simples quotas partisans
Mghirbi a ajouté que Qalb Tounès n’a pas d’engouement sur le pouvoir et ne perçoit pas le gouvernement comme de simples quotas partisans. Il appelle le gouvernement à présenter les vrais chiffres concernant la situation financière et économique ainsi que sur la situation des entreprises et institutions publiques.
Ennahdha en colère contre Echaab et Tahya Tounes
Ennahdha a de nouveau proposé l’élargissement de la composition gouvernementale au lendemain du vote, par le mouvement Echaab de la motion présentée par le Parti Destourien Libre (PDL) sur le refus de toute ingérence étrangère en Libye.
Lors d’un entretien sur la chaîne de télévision privée Nessma TV, le 8 courant, Rached Ghannouchi avait qualifié d’anormale de voir des partis de la coalition au pouvoir s’opposer les uns aux autres lors de la séance plénière du 3 juin. Pour lui, le vote des mouvements Echaab et Tahya Tounès pour la motion du PDL contre Ennahdha n’est pas compréhensible d’où, selon lui, le besoin d’un changement dans la structure du pouvoir pour que la majorité parlementaire corresponde au mieux avec la majorité gouvernementale.
le vote des mouvements Echaab et Tahya Tounès pour la motion du PDL contre Ennahdha n’est pas compréhensible
De son côté, le président du groupe Ennahdha au Parlement Noureddine Bhiri a tenu à préciser que son parti n’a pas signé le document de solidarité gouvernementale après la demande des représentants du mouvement Echaab de retirer la partie relative à la solidarité parlementaire.
Le président du groupe Ennahdha a également ajouté que certaines parties au sein du mouvement Echaab avaient adressé de graves accusations au parti et soutenu la présidente du PDL, Abir Moussi, qualifiant cette attitude de “coup de poignard dans le dos”.
Non au “gouvernement du président” pour Echaab…
De son côté, le secrétaire général d’Echaab, Zouheir Maghzaoui, a réitéré le refus de son parti de ce qu’il qualifie de ” gouvernement du président “, affirmant qu’aucun changement ne sera apporté à la composition de la coalition gouvernementale. Dans ses déclarations, Maghzaoui a mis Ennahdha devant deux choix retirer ses ministres ou s’adresser au parlement pour retirer la confiance au gouvernement Fakhfakh.
Le dirigeant et député du mouvement Echaab, Khaled Krichi, a pour sa part relevé que Ennahdha veut le retrait des mouvements Echaab et Tahya Tounès du gouvernement. Il s’agit, selon lui, d’une réaction politique à l’attachement de son parti au “gouvernement du président” et son refus de voter l’équipe Habib Jemli. Ce dernier a été proposé par Ennahdha.
Fakhfakh “dédouane” le président de la République
Lors d’un entretien télévisé dimanche dernier, le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, a affirmé que le président de la République, Kaïs Saïed, ne lui a jamais demandé d’éloigner Qalb Tounès de l’actuelle coalition gouvernementale. Il a ajouté que ce parti n’a pas, à présent, de place dans l’équipe gouvernementale et que l’élargissement de la composition du gouvernement ne s’avère pas utile en cette conjoncture.
Selon lui, le gouvernement a jusqu’à ce jour réussi à gérer les affaires du pays, citant en particulier la lutte contre la propagation du Covid-19. Un changement ministériel demande plus de temps pour mieux évaluer la situation, a-t-il dit.