L’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre la Tunisie et l’Union européenne devrait changer de forme et de fond, dans ce contexte de crise de la Covid-19. C’est en tout cas ce que recommande le président de l’Initiative méditerranéenne pour le développement “Mediterranean Development Initiative” (MDI), Ghazi Ben Ahmed.
Sur la forme, Ben Ahmed, qui s’exprimait lors d’une interview accordée à l’agence TAP, sur les perspectives des négociations Tunisie-UE sur cet accord de libre-échange, propose d’adopter l’acronyme “APTE”, c’est-à-dire Accord de partenariat pour la transition économique, en lieu et place d’ALECA.
” Ceci reflète mieux la volonté de se donner les moyens (l’aptitude) de relever les défis de plus en plus complexes et les opportunités nouvelles aux niveaux régional et global qui façonneront le devenir de l’espace euro-africain et euro-méditerranéen. Il s’agit, notamment du développement économique et humain, inclusif et équitable, l’innovation et le partage des connaissances, la protection de l’environnement et le développement durable, la sécurité, le dialogue interculturel, la mobilité et la migration”, a-t-il expliqué.
Sur le fond, Ben Ahmed estime que “APTE” signifie aussi rendre la Tunisie apte à partager une vision audacieuse de long terme, cumuler les avantages comparatifs pour coproduire et relocaliser une partie des chaînes de valeur en Tunisie, s’y préparer convenablement et entreprendre les réformes nécessaires pour aller (à notre rythme) vers une économie de marché. En somme, il s’agit de quitter l’immobilisme et mettre en synergie les nombreuses complémentarités entre les deux rives de la Méditerranée pour un “grand partenariat” et une “nouvelle histoire commune” avec l’Afrique.
Un pas supplémentaire de la part de l’UE
L’UE doit faire un pas supplémentaire : arrimer la Tunisie à l’espace européen avec une vision concertée à long terme, explicite et ambitieuse, et mettre en place de nouveaux instruments financiers qui accompagnent la mise en œuvre de cette vision, indique encore le président de la MDI.
D’après lui, cette vision de long terme est nécessaire pour rendre crédible la notion de partenariat, valoriser l’expérience de la Tunisie, et inciter aux réformes à mettre en œuvre. La plus crédible des incitations sera, à terme, les quatre libertés (biens, services, capitaux et personnes), dans une sorte de “tout sauf les institutions”, étant donné que la Tunisie n’a pas vocation à adhérer à l’Union européenne. Cela pourrait être l’horizon (symbolique) 2056 qui marquera le centenaire de l’indépendance de la Tunisie.
” Dans un avenir incertain et mouvant, où nous sommes condamnés à vivre avec de nouveaux virus émergents, l’UE devrait associer les pays du voisinage aux discussions sur la résilience alimentaire régionale, la réforme de la PAC, la mobilité des saisonniers, les nouveaux défis, en particulier le Pacte vert européen, la nouvelle stratégie européenne ” De la Ferme à la table “, ou encore la création et la gestion commune de stocks stratégiques pour garantir la sécurité alimentaire, dans le cadre d’une coopération accrue et d’une meilleure efficience face aux crises “.
“Nous devons aussi impérativement changer de paradigme et aller vers une gestion commune de certaines cultures méditerranéennes comme l’huile d’olive. La concurrence n’est plus intra-méditerranéenne mais viendra de l’extérieur avec les centaines de millions de pieds d’oliviers plantés par les pays de l’hémisphère sud et autres. Nous devons pour cela mettre en place une indication géographique commune huile d’olive méditerranéenne”.
L’UE devrait envisager, toujours selon Ben Ahmed, de revaloriser (dans un contexte post-Covid-19) et renforcer l’agriculture méditerranéenne en aidant les pays du voisinage à moderniser leurs agricultures, et retrouver ainsi un socle plus solide que la seule liberté de commercer.
Est-ce que les Européens sont ou seront du même avis? Rien n’est moins sûr.
Dossier à suivre.