Selon un sondage effectué dans un pays du Golfe, «les Maghrébins ne seraient pas des Arabes». L’information a été commentée par de nombreux internautes tunisiens. Ceux qualifiés de “laïcs progressistes“ l’ont bien accueillie. Ils y ont perçu même «une bonne nouvelle», et surtout, une reconnaissance historique de la défiance historique du leader Bourguiba vis-à-vis du monde arabe.
Par Abou SARRA
En fait, cette problématique de l’arabité et de la non-arabité de la Tunisie n’est pas nouvelle. Elle date depuis les années cinquante lorsque que le fondateur de la première République tunisienne, Habib Bourguiba, a aboli la monarchie et promulgué le Code du statut de la femme tunisienne (CSP). Ces deux principales décisions, inspirées du monde occidental, n’étaient pas particulièrement du goût des monarchies et des pays conservateurs du Golfe et du Moyen-Orient en général.
Les Tunisiens à 88% berbères
Abstraction faite de cet artefact produit par un sondage, la non-arabité de la Tunisie et du Maghreb en général a fait l’objet de beaucoup d’études.
D’un point de vue purement historique et scientifique, la non-arabité des Tunisiens est bien établie. Les études génétiques menées par le National Geographic en Tunisie ont démontré assez clairement que la population est amazighe (berbère) à 88%, d’origine européenne à 5%, arabe à 4%, africaine 2%.
Conséquence : les Tunisiens sont ainsi classés comme étant arabes sans l’être vraiment. Il y aurait, semble-t-il, un grave malentendu historique que les Arabo-musulmans au pouvoir cherchent à occulter à tout prix.
Sur le plan historique, il est très difficile de se prononcer de manière catégorique sur l’arabité des Tunisiens, en ce sens que la Tunisie a connu, tout au long de son histoire, un brassage de civilisations et un mixage de populations tels qu’il est vraiment impossible d’attribuer aux Tunisiens un seul élément d’identité.
Pour mémoire, la Tunisie a été occupée par les Puniques (libanais moyen-orientaux), Romains (méditerranéens), Wisigoths (peuples barbares germains), Vandales (germains). L’ensemble de ces peuples avaient pris pied dans notre pays bien avant l’arrivée des Arabes, il y a 14 siècles. Les Arabes qui sont venus arabiser les Berbères de Tunisie par l’Islam ont été relayés par les Siciliens, Génois, Ottomans, Espagnols, et tout récemment Français en 1881.
Conséquence : le Tunisien est une sorte de cocktail de tous genres, une chakchouka où on trouve le Berbère, l’Arabe, l’Africain, l’Ottoman, le Français, l’Italien, le Germain…
Résilience de la civilisation arabo-musulmane
Néanmoins, il faut reconnaître que de toutes les civilisations qui se sont succédé en Tunisie, c’est celle arabo-musulmane qui a le plus marqué les Tunisiens. Cet apport civilisationnel, qui pour certains historiens aurait évité aux Tunisiens l’acculturation, est défendu jusqu’à ce jour par des mouvements politiques conservateurs puissants, en l’occurrence les nationalistes arabes et la mouvance intégriste islamiste.
Ces deux marqueurs idéologiques et culturels arabo-musulmans sont, aujourd’hui, visibles au Parlement et au gouvernement tunisiens. Ils y sont représentés par le parti d’obédience islamiste, Ennahdha, et le parti panarabe, le Mouvement du peuple.
Avec l’avènement des élections démocratiques, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, ces partis conservateurs se hissent régulièrement au pouvoir, ce qui en dit long sur leur ancrage dans le pays. Même si leur poids tend à s’amenuiser, au fil des années, ces mouvements ont tendance à s’imposer, démocratiquement parlant, comme des forces incontournables.
Abstraction faite de ces éléments d’histoire à la faveur desquels il est prouvé que les Tunisiens n’ont pas le sang arabe, la question qui se pose dès lors est de se demander sur la qualité de l’apport de la civilisation arabo-musulmane pour les habitants autochtones de Tunisie, et ce après 14 siècles d’«occupation» ou de présence.
Un apport insignifiant
D’emblée, on peut avancer sans aucune hésitation que cet apport en termes de réalisations, de progrès et de développement est insignifiant. Les représentants politiques de cette civilisation arabo-musulmane l’ont bel et bien prouvé lorsqu’ils ont pu accéder par les urnes au pouvoir.
Globalement, il se résume pour leurs aïeuls à l’édification, depuis 14 siècles, de 6 000 mosquées dans le pays et à l’incapacité, pour leurs jeunes héritiers, de servir le pays en raison de leurs accointances avec la mouvance islamique internationale. Plus grave, les nouveaux dirigeants qui se réclament de cette civilisation, une fois au pouvoir, privilégient la violence pour perdurer. A cette fin, ils incitent au chaos à travers l’encouragement du terrorisme, la contrebande et le crime organisé.
Cela pour dire que leur bilan est le moins qu’on puisse dire catastrophique. Le moment est, désormais, venu pour qu’on réfléchisse sérieusement sur l’apport de cette civilisation arabo-musulmane. Le sondage précité en haut constitue une bonne occasion pour méditer sur le sujet.