Hier Adel Bouhoula du CNI, aujourd’hui Elyès Mnakbi de chez Tunisair. Anouar Maarouf, actuel ministre d’Etat du Transport et de la Logistique, s’est fait connaître par ses coups de force polémiques !

La dernière en date est celle d’Elyès Mnakbi qui a été informé de son limogeage, lundi 6 juillet 2020, de son poste de président directeur général de la compagnie nationale aérienne, Tunisair. Bien évidemment ce départ forcé fait couler beaucoup de salive, notamment en raison de la personnalité du ministre de tutelle qui n’est pas à son premier coup de limogeage polémique.

D’ailleurs, une certaine presse est allée jusqu’à qualifier ce limogeage de “décision erronée et anticonstitutionnelle“, tout simplement parce que Mnakbi lui-même estime que son «ministre de tutelle (Anouar Maarouf, ndlr) n’a pas le droit de le remplacer. Car c’est du ressort du chef du gouvernement de nommer et de démettre les PDG des entreprises publiques».

Sur ce point, des interrogations méritent d’être soulevées. D’abord, est-ce que Anouar Maarouf a décidé, de son propre chef, fût-il “ministre d’Etat“, de démettre Elyès Mnakbi de son poste sans se référer au chef du gouvernement ?

La deuxième question a trait au timing. Un confrère de la place pense que si Maarouf a choisi en ce moment pour opérer ce changement –plus qu’indispensable du reste-, c’est parce qu’il sait que le CDG n’est pas en position de force de pouvoir lui refuser cette demande, affaire dite de “conflit d’intérêts“ oblige. Et parce que notre «ministre islamiste se sent protégé par Rached Ghannouchi».

Troisième question, pourquoi dans la lettre qu’il lui a adressée, le ministre du Transport propose (déjà) son conseiller, Belgacem Tayaa, comme “gestionnaire de la compagnie en attendant la nomination d’un nouveau PDG, et ce conformément aux dispositions du Code des sociétés commerciales“ ?

Maintenant, est-ce que le ministre du Transport a outrepassé ses prérogatives dans cette affaire ? Aux spécialistes du droit (constitutionnel) de nous éclairer. Mais l’article 92 de la Constitution de 2014 stipule que « les nominations aux emplois civils supérieurs et leurs cessations relèvent de la compétence du chef du gouvernement et non des ministères ».

Et toujours selon le même article, «… les nominations et les révocations des hauts cadres civils ne peuvent être effectives qu’après être adoptées par le Conseil des ministres et publiées ultérieurement dans le JORT ».

D’ailleurs, la présidence du gouvernement vient d’apporter quelques précisions, mercredi 8 juillet, dans un communiqué: “la nomination d’un gestionnaire représentant l’Etat au conseil d’administration de Tunisair est une décision qui relève strictement des prérogatives du ministère du Transport, conformément au statut de la compagnie nationale”.

Comprendre par-là que la décision de limogeage du pdg de Tunisair a bien été approuvée par le chef du gouvernement, donc “… conforme aux dispositions du code des sociétés commerciales”.

Et d’ajouter: “Tunisair est un établissement public placé sous la tutelle du ministère du Transport et de la Logistique. C’est une société anonyme dans laquelle l’Etat tunisien détient plus de 50% du capital”.

Et de poursuivre: “En ce qui concerne sa gestion et la nomination des membres de son conseil d’administration, la compagnie aérienne nationale est soumise aux dispositions de la loi N°89-9 du 1er février 1989, relative aux participations, entreprises et établissements publics, ainsi qu’au code des sociétés commerciales”.

Si on ajoute à ces éléments le fait que Anouar Maarouf n’est pas à sa première en matière de révocations d’un haut cadre de l’administration, il y a de quoi s’interroger. On se rappelle de l’affaire Adel Bouhoula au CNI (Centre national d’informatique). Maarouf occupait un autre ministère dans un autre gouvernement. Aujourd’hui, les choses se répètent avec un autre gouvernement et un autre ministère. Malheureusement, on en a l’impression que, malgré les protestations, les condamnations, le ministre finit toujours par obtenir ce qu’il veut.

TB

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