L’accès à la propriété foncière est retenu par l’actuel gouvernement comme une niche à même de dynamiser les affaires et de contribuer à la relance de l’économie du pays.
Abou SARRA
Dans cette perspective, le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, a annoncé, le 25 juin 2020, un programme social visant à céder à un prix symbolique à quelque 300 000 familles des terrains domaniaux sur lesquels elles ont construit leurs logements, depuis des décennies.
Il s’agit des agglomérations, quartiers populaires et autres villages collinaires qui ont été aménagés et édifiés au temps de Bourguiba et de Ben Ali dans le but de lutter contre la disparité de l’habitat dans le pays et de grouper, pour des raisons de coût, les prestations publiques (éducation, services administratifs, soins…).
Des centaines de milliers de familles et d’agriculteurs concernés
Ce programme social, qui va durer cinq ans, intervient après une initiative similaire entamée au temps du gouvernement Youssef Chahed. Cette dernière tendait à faire accéder, à la légalité de l’appropriation des parcelles domaniales, des milliers d’agriculteurs locataires qui exploitent, sans titre de propriété, ces terres depuis plus de 50 ans.
Ces parcelles domaniales sont cédées de deux manières. La première consiste à octroyer de “titre de propriété“ aux locataires devenus, du coup, propriétaires. C’est le cas, à titre indicatif, des agriculteurs de la localité Nasr à Meknassy (gouvernorat de Sidi Bouzid).
Ces derniers exploitaient, depuis les années 70, en qualité de “locataires des parcelles domaniales à vocation agricole“ sans détenir des attestations de propriété. Aujourd’hui c’est fait. Avec cette main levée, ces agriculteurs ont désormais des documents officiels reconnaissant leur droit de propriété sur ces terres.
Quant à la seconde, elle porte sur la régularisation de l’exploitation de terres domaniales dans le cadre de la nouvelle loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS). C’est le cas des palmeraies domaniales de Jemna (gouvernorat de Kébili au sud de la Tunisie).
Dans ce contexte, un accord a été conclu, le 8 juillet 2020, entre l’Etat, représenté par le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, et l’Association de la sauvegarde des oasis de Jemna qui exploite cette oasis sans en être la propriétaire.
Cet accord met fin aux hostilités enclenchées entre l’Etat et l’Association depuis que cette dernière, soutenue par les habitants de l’oasis, avait pris possession, le 12 janvier 2011 (soit deux jours avant la fuite de Ben Ali), de cette oasis de 306 hectares, dont 185 plantés de palmiers dattiers.
Les 8 000 habitants de cette petite oasis avaient créé une vive polémique dans le pays en squattant l’oasis sous prétexte que leurs ancêtres ont acheté ces terres au début des années 1960.
Conférer au capital mort un dynamisme innovant
Par-delà ces deux exemples qui ont valeur de symbole, ce programme national visant à faire accéder à la propriété des centaines de milliers d’exploitants agricoles locataires de terres domaniales, depuis les années soixante, et d’habitants résidant dans des logements construits sur des terres de l’Etat, constitue une avancée majeure en Tunisie.
Il vient paver le terrain à la démocratisation de la propriété qui a fait la grandeur de pays développés comme le Royaume-Uni du temps de l’ancien Premier ministre Margaret Thatcher, et de pays émergents comme l’Inde et la Chine.
Ce programme met également fin à cette situation absurde où des centaines de milliers de Tunisiens ne sont ni propriétaires ni non propriétaires, une situation qui ne leur permet ni de vendre, ni de transmettre, ni de s’en servir (hypothèque) pour augmenter leur richesse et produire du capital. C’est ce que les économistes appellent “le capital mort“.
Avec ce programme de démocratisation de l’accès à la propriété, ce capital mort va gagner en dynamisme et en innovation et va surtout contribuer à la création de nouveaux emplois et sources de revenus.