Le président de l’Observatoire du tourisme tunisien, Afif Kchouk, pense l’activité touristique enregistrera, d’ici la fin de décembre 2020, une baisse de près de 80% par rapport à 2019.
Cité par la TAP, il explique les raisons de son inquiétude: “la situation du secteur touristique est difficile, voire alarmante. Nous faisons face à une situation réellement dramatique pour des raisons qui n’incombent pas au tourisme tunisien. Toutefois, l’hypothèse que le tourisme tunisien est un secteur fragile est infondée, car le secteur est victime des aléas extérieurs”.
Pour lui, “… le tourisme tunisien est victime de facteurs exogènes: la révolution du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, l’attentat de Djerba (Ghriba le 11 avril 2002), ceux de Sousse et du Musée du Bardo en 2015, et aujourd’hui la pandémie du COVID-19”.
M. Kchouk ajoute: “Au début, durant la phase de gestion de la pandémie du Covid-19, nous étions très optimistes, mais avec la poursuite de la propagation de la pandémie, nous devenons plus pessimistes”. Car, le marché algérien -qui est le premier marché de la Tunisie- est très contaminé. Ensuite, les autres marchés de l’Europe de l’Est ne sont pas eux aussi au beau fixe: le marché russe est au rouge, ceux tchèque et hongrois sont à l’orange…
En outre, plusieurs facteurs ont bouleversé le déroulement de la saison touristique, tels que le retardement des cours de l’enseignement en Tunisie et en Algérie et même en Europe ainsi que la consommation des congés par les employés dans les pays d’Europe suite à la décision de confinement, en plus de la détérioration du pouvoir d’achat du consommateur.
La Tunisie doit exploiter ses atouts historiques et géographiques
Afif Kchouk estime que “la Tunisie a des atouts historiques et géographiques qui sont pérennes. Notre marché est face à nombre de marchés potentiels qui ont besoin de se déconnecter, et la Tunisie est une terre idéale qui se situe au milieu de la Méditerranée et est proche de l’Europe. Elle doit exploiter ces atouts et s’adapter face à cette crise mondiale, d’où le rôle important des professionnels”.
Pour ce faire, le président de l’Observatoire du tourisme appelle les professionnels du secteur à s’organiser et à être solidaires, en créant des groupements d’intérêt économique qui leur permettront de faire des économies d’échelle, de vendre par conséquent leurs produits à des prix plus avantageux et d’affronter, par ailleurs, le marché étranger et la concurrence.
Ensuite, il faut commercialiser le produit touristique avec les nouveaux moyens de communication basés sur les nouvelles technologies (internet, réseaux sociaux …).
D’après Kchouk, l’autre voie consiste à s’appuyer sur le consommateur, partant du principe “le client est roi”. Avec l’apparition de la pandémie du coronavirus, le client a changé de motivation, et ses besoins ont également changé. L’hôtelier doit vendre un séjour, tout en fournissant les moyens de protection nécessaire contre la transmission de ce virus (la bavette, le gel hydroalcoolique et le savon).
Donc, explique M. Kchouk, cette pandémie a précipité ce changement dans les habitudes d’hygiène, lesquelles devraient être préservées même avec l’avènement du vaccin, car nous ne pouvons pas revenir en arrière.
Le marché intérieur ne représente que 30% des nuitées
La situation du secteur hôtelier est difficile, suite à la baisse des arrivées aux frontières, à savoir celles des Algériens, des Libyens et des Tunisiens résidant à l’étranger. En 2019, le taux des arrivées aux frontières était de l’ordre de 68% (tous ne logent pas dans les hôtels), contre un taux de 30% représentant les nuitées passées par les Tunisiens.
Sur 12 millions de Tunisiens, seulement deux millions peuvent aller dans les hôtels, soit par leurs propres moyens, soit dans le cadre des associations et amicales. Ceci montre que l’industrie hôtelière est tributaire des marchés européens.
Le tourisme alternatif, un produit à développer bien que coûteux
Ces deux millions des Tunisiens représentent le tourisme hôtelier, or le marché local ne se contente pas uniquement du tourisme hôtelier, mais compte également sur un autre tourisme qui se développe très bien, le tourisme alternatif (les excursions, les circuits, les randonnées…).
Bien qu’ayant le vent en poupe, ce mode de tourisme n’est pas en mesure de répondre aux objectifs de l’industrie économique touristique, souligne le président de l’Observatoire du tourisme. Parmi ces objectifs, il cite notamment l’entrée des recettes en devises, la création d’emplois directs et indirects et la création, par conséquent, des effets d’entraînement multiplicateurs pour dynamiser l’économie nationale ainsi que l’exportation sur place.
En outre, la construction d’une maison d’hôte est coûteuse pour l’Etat du fait qu’il doit fournir en parallèle l’infrastructure routière, sanitaire et sécuritaire nécessaires au profit d’une telle structure,située habituellement dans des endroits exotiques mais parfois enclavés.
Aujourd’hui, il existe une vision du tourisme alternatif, sauf que la continuité de la politique dans ce domaine fait défaut, car chaque ministre veut faire le contraire de son prédécesseur.
En revanche, nous comptons aujourd’hui près de 23 mégaprojets touristiques qui sont bien étudiés et prêts, dont certains d’entre eux sont des composantes du tourisme alternatif (gîtes ruraux, maisons d’hôtes…), a-t-il conclu.