Quelque 7 000 candidats au baccalauréat 2020 ont obtenu un “zéro pointé“ en français. Cette contreperformance n’est guère surprenante : elle illustre le bas niveau de notre enseignement.
Abou SARRA
Néanmoins, la question qui mérite d’être posée est de savoir comment les élèves concernés ont pu atteindre le niveau du bac sans pouvoir maîtriser, un tant soit peu, une langue de travail comme le français. Les enjeux de maîtrise de cette langue sont de taille dans la mesure où elle constitue un passeport pour décrocher un job, suivre une formation professionnelle ou des études supérieures.
Au regard de ce résultat effrayant, tout donne à croire que ces élèves n’étaient pas suivis ni par leurs professeurs de français, ni par les pédagogues de leurs lycées ni par leurs parents. Une défaillance générale.
Il faut cependant reconnaître que la maîtrise de cette langue n’est pas facile mais elle n’est pas impossible. Nos instituteurs et professeurs des années soixante nous ont bien appris la langue de Voltaire. C’est grâce à eux que toute une génération de cadres a été formée et que le pays a pu fonctionner normalement des décennies durant.
Si Houcine Saïdani, un instituteur hors pair
A titre indicatif, personnellement, j’ai appris le français dans une école rurale, « l’Ecole Islah », à Ben Metir (nord-ouest de Tunisie), grâce à la compétence et l’abnégation d’un instituteur hors pair, Si Houcine Saidani. La méthode pédagogique de ce grand maître d’école était d’une étonnante modernité et n’a rien à envier aux normes universelles instituées, de nos jours, par le célèbre Programme international pour le suivi des acquis des élèves, plus connu sous l’acronymie “PISA“.
A la faveur d’un suivi rigoureux, il faisait tout pour que les écoliers de cette contrée enclavée puissent, à la fin des études primaires, savoir lire un conte, écrire correctement en français et surtout s’exprimer. Notre maître nous demandait constamment de s’exercer et de raconter des histoires.
Le résultat ne se sont pas faits attendre. Le taux de réussite au concours de la sixième dans cette école rurale était le meilleur de toute la région de Jendouba. C’était la promotion des années 1961-62. Les élèves de cette école, qui faisaient des kilomètres et des kilomètres, pieds nus, pour suivre quotidiennement les cours en français, sont devenus, aujourd’hui, par l’effet de l’ascenseur social, de hauts cadres du pays : médecins, ingénieurs, grands journalistes, professeurs d’université…
Actuellement, Si Houcine Saidani vit sereinement sa retraite à Ain Draham. Il est réputé pour sa grande solitude et ses longues marches à pied quotidiennes.
Investir dans la bonne formation des enseignants
Cela pour dire, in fine, que dans le système éducatif, la composante la plus importante, c’est indéniablement l’enseignant, voire l’instituteur, le professeur. Si ce dernier est motivé et bien formé, il ne peut que former d’excellents élèves, quel que soit l’environnement dans lequel ils évoluent (urbain ou rural).
Est-il besoin de rappeler ici qu’à l’origine de la performance multiforme d’un tout petit pays comme Singapour, c’est l’excellent niveau de ses instituteurs. L’enseignement dans ce minuscule pays est connu pour être un des plus performants du monde. Singapour ressemble beaucoup à la Tunisie dans la mesure où elle a pour seule ressource naturelle l’intelligence de ses habitants.