Dans le dernier rapport d’activité relatif à l’année 2019, le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, établit un diagnostic de la situation économique en Tunisie sous l’effet d’une conjonction de facteurs économiques et politiques externes et internes défavorables.
En 2019, la Tunisie aurait dû continuer sur le trend ascendant de croissance amorcé depuis 2017, n’eût été la conjonction d’un ensemble de facteurs défavorables aussi bien internes qu’externes, se traduisant par un faible taux de croissance de 1% seulement contre 2,5% une année auparavant.
En effet, l’environnement international n’a pas été clément pour notre économie nationale. La croissance mondiale étant à son plus bas niveau depuis la crise financière internationale, soit 2,9% au titre de l’année 2019. Les principaux facteurs de cette décélération sont relatifs aux incertitudes liées aux tensions commerciales et géopolitiques ainsi qu’au Brexit affectant de plein fouet les échanges mondiaux. Même les politiques monétaires, largement accommodantes, n’ont pas réussi à dynamiser cette croissance anémique.
Outre cet environnement extérieur difficile, l’économie tunisienne s’est fortement ressentie d’un contexte national marqué par le prolongement de la phase de transition politique et des échéances électorales, ainsi que par la persistance d’un climat politico-social tendu. Le retard accusé dans ces échéances a créé un vide politique d’environ six mois ayant induit le report des réformes économiques.
Dans ce contexte morose, la croissance a subi, en particulier, l’effet de la baisse de la demande extérieure surtout sur les industries manufacturières, l’impact des conditions climatiques défavorables sur la récolte d’olives à huiles, ainsi que de la persistance des difficultés au niveau des industries extractives affectant, entre autres, la balance des paiements courants et les finances publiques avec un important manque à gagner qui se creuse d’année en année. La croissance économique a été cependant repêchée par le secteur touristique qui a pris des couleurs durant l’année 2019 et ce, en retrouvant globalement les performances d’avant 2011.
Du côté de la demande, une perte de vitesse a marqué la consommation privée conjuguée à une baisse de l’investissement et des exportations affectant non seulement la croissance de la période en cours mais aussi la croissance future du fait, notamment, que l’investissement, déjà sur un sentier baissier durant la dernière décennie, reste criblé par un taux d’épargne toujours en chute, soit 8,8% du RNDB (Revenu National Disponible Brut).
En outre, cette faible performance économique n’a pas permis de consolider significativement les créations d’emplois qui, malgré leur reprise, demeurent insuffisantes pour résorber le chômage dont le taux reste préoccupant, en dépit d’une certaine baisse, soit 14,9% en 2019 contre 15,5% un an plus tôt.
Cependant, et malgré les indicateurs qui demeurent inquiétants, force est de constater que les efforts de stabilisation menés ces dernières années ont permis d’éviter un dérapage des déséquilibres globaux qui auraient approfondi les difficultés pesant sur les marges de manoeuvres budgétaires et financières déjà limitées avec, en particulier, une baisse des déficits jumeaux. En effet, le déficit courant est revenu à 8,5% du PIB contre 11,2% en 2018 en relation notamment avec l’amélioration des recettes touristiques de plus de 35%, d’une année à l’autre, et des transferts des tunisiens résidents à l’étranger de 15%, outre la contraction des importations en liaison avec le ralentissement de l’activité économique.
Egalement et grâce à un effort important en matière de recouvrement des recettes fiscales, le déficit budgétaire a été réduit de 1,3 point de pourcentage revenant à 3,5% du PIB ce qui a impacté positivement les ratios de la dette publique. Néanmoins, l’équilibre public reste caractérisé par une grande rigidité des dépenses courantes, notamment les rubriques « Traitements et salaires » et « Compensations » ce qui est de nature à évincer les dépenses d’investissement, étant donné les limites budgétaires des finances publiques.
(Extrait du Mot du Gouverneur – Rapport Annuel 2019 de la BCT)