Selon une étude animée et encadrée par l’économiste et sociologue Riadh Zghal, les artisanes et agricultrices du pays peuvent promouvoir leurs métiers en véritables leviers de développement local pour peu qu’elles soient aidées à s’organiser en cluster et à gagner en visibilité commerciale et économique.

Abou SARRA

Intitulée « chaîne de valeur et cluster, deux leviers pour la création de richesse et l’éradication de la pauvreté », cette étude, menée pour le compte du Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (CREDIF), définit les femmes ciblées comme étant généralement des femmes au foyer.

Qui sont les femmes ciblées ?

Il s’agit de « femmes qui, bien qu’elles n’aient pas fréquenté l’école ou trop peu, sont détentrices de savoir et de savoir-faire érigés en véritables métiers. Ce sont des métiers manuels-artisanat d’art et artisanat utilitaire, des métiers liés à l’agriculture et la transformation des produits agricoles. Des métiers qui sont multiples et qui ne sont pas élevés au rang de professions statistiquement visibles ».

L’étude a montré qu’en dépit de la qualité de leurs produits, « ces femmes restent confinées dans une économie de subsistance ou dans un marché étriqué accessible principalement à l’occasion des foires et expositions…».

Et l’étude d’ajouter : « Mais le manque d’opportunités pour l’accès à un vaste marché, à une clientèle exigeante et au pouvoir d’achat consistant ne permet pas à ces femmes d’être au fait des besoins des consommateurs, d’être innovantes au vu des nouvelles tendances et de créer suffisamment de richesses pour, selon le cas, sortir de la pauvreté ou monter en gamme dans leur mode de vie et celui de leur famille ».

Les tendances de consommation sont en leur faveur

Pourtant, les tendances de consommation et de production sont propices à l’accroissement de leur production et à son inscription dans la durabilité.

«Le vent souffle en leur faveur grâce à l’intérêt croissant pour les produits de terroir, le fait main, la proximité et la diversité des marchés extérieurs, le commerce équitable, les politiques de développement inclusif et régional… », lit-on dans l’étude.

Dans la perspective d’aider ces femmes à exploiter ces tendances-opportunités, l’étude recommande la clustérisation, voire leur organisation en cluster-pôle de compétitivité.

«L’objectif, note l’étude, est de passer d’une économie à petite échelle disloquée et sans maîtrise des leviers de création de richesse permettant de sortir de la situation de pauvreté, à une économie d’échelle tirée non pas par le gigantisme des entreprises mais par les externalités positives du contexte».

Concrètement, «ces externalités sont faites de synergie entre les institutions et les agents économiques, de diffusion de la technologie, de développement des compétences, de stimulation de la demande du marché, d’emploi créateur d’une masse critique de pouvoir d’achat».

S’inspirer des expertises étrangères

L’étude se réfère à des expertises de clustérisation menées avec succès en Allemagne, en France, en Italie, au Maroc, en Chine, au Brésil, en Inde…

« L’expérience dans plusieurs pays montre que l’on peut capitaliser sur les métiers traditionnels en les rajeunissant et en les revitalisant par un apport technologique, en design et en marketing. De plus, la création d’entreprises qui se positionnent sur les différents maillons de la chaîne de valeur et sur un même territoire aidera non seulement à réduire les coûts de production, à faciliter la commercialisation, mais aussi constitue la manifestation d’une dynamique économique nouvelle tirée par des métiers traditionnels », relève l’étude.

En définitive, cette étude, qui a comporté également des enquêtes sur terrain dans les régions de Siliana et Mahdia, constitue, à notre avis, une avancée pragmatique majeure sur la voie du développement local inclusif et de l’amélioration de la situation des artisanes et agricultrices.

Comme le signale la conclusion de l’étude, cette recherche se distingue par le fait qu’« elle intègre plus d’une dimension : celle de la valorisation d’un patrimoine matériel et immatériel, celle de la valorisation des métiers de femmes, celle de la modernisation d’un secteur à travers l’introduction de nouveaux designs et la digitalisation de la commercialisation, celle de l’entrepreneuriat et surtout celle de la synergie entre les artisanes et d’autres intervenants locaux et nationaux ».