La cellule d’information de l’Agence française de développement (AFD) en Tunisie a récemment convié à un groupe de journalistes à visiter des projets qu’elle finance, ou au financement desquels elle participe.
La tournée baptisée “AFD MEDIA TOUR“, qui s’est déroulée les 25, 26 et 27 août 2020, nous a conduits dans trois gouvernorats (Sousse, Kairouan Ariana et Bizerte).
A noter que tous les projets financés par le Groupe AFD sont importants, mais deux méritent qu’on s’y attarde, en l’occurrence celui du cluster mécatronique de Sousse «Novation City» et l’Ecole nationale d’ingénieurs de Bizerte (ENIB).
Dans le premier, l’AFD a injecté 750 000 euros comme fonds d’amorçage, et 15 millions d’euros pour le second.
Le cluster mécatronique de Sousse «Novation City» montre si besoin est que la Tunisie regorge de talents, de têtes pensantes, comme dirait l’autre. Il s’agit de la première expérience de clusterisation en Tunisie, qui a démarré en 2012 en partenariat avec l’AFD -laquelle a décaissé 750 000 euros. Sachant que la création du pôle lui-même remonte à janvier 2009.
Tout au long de notre visite, Hichem Turki, le directeur général de Novation City, apportait une explication par-ci, une précision par-là. En fait, il nous a expliqué que la vision et l’objectif de Novation City c’est de créer un écosystème d’innovation dans le secteur mécatronique -combinaison synergique et systémique de la mécanique, de l’électronique, de l’automatique et de l’informatique en temps réel-, formant une dynamique et une synergie d’ensemble entre l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et les entreprises. D’où du reste le symbole en forme de triangle de Novation City.
Et le résultat est on ne peut plus promoteur au vu du rendu, car ledit cluster a permis de développer une douzaine de projets collaboratifs entre des start-up, des entreprises de grande taille et l’Ecole d’ingénieurs ou les centres de recherche, explique M. Turki. Fier, il ajoute : «ces produits sont aujourd’hui commercialisés à l’étranger, ce qui a permis le développement et la montée en puissance de certaines start-up».
Aujourd’hui, le pôle de compétitivité de Sousse constitue une pépinière fertile d’innovation que certains qualifient de « Silicone Valley » tunisienne, tant sont nombreuses les solutions technologiques innovantes qui y sont conçues par des start up tunisiennes.
Et comme dit le proverbe français, à quelque chose malheur est bon (parfois), la crise liée à la pandémie de la Covid-19 a constitué une opportunité pour l’écosystème de montrer tout son potentiel d’innovation. Il y a eu entre autres de la conception et de la fabrication de robot dont l’un a servi dans la lutte contre la propagation de l’épidémie. Deux ont font office de nettoyage et de sécurité.
A noter que la valeur ajoutée ou taux d’intégration au sein de la technopole est d’environ 80% (contre 25-30% en moyenne nationale). Et la collaboration avec l’AFD a permis la création de 150 compétences directes.
Parmi les start up installées au sein du cluster, on peut citer entre autres «Enova Robotics» et «Valomnia».
A l’occasion de la crise sanitaire, la start up Evona Robotics a beaucoup fait parler d’elle pour avoir conçu et fabriqué le robot intelligent de sécurité « Pguard » qui a été déployé par le ministère de l’Intérieur pour faire respecter le confinement.
Les ingénieurs Evona Robotics ont également fabriqué un autre bijou de classe, un robot d’accompagnement familial baptisé «OGY» qui est doté, lui aussi, d’une intelligence artificielle lui permettant de s’adapter aux besoins de son propriétaire.
Autre prouesse de la start up : la conception, toujours pendant la période du confinement, du robot « Jasmin », un robot d’accueil dans les services Covid-19. Sa particularité : il effectue la présélection des patients à leurs arrivées grâce à un questionnaire auquel le patient est invité à répondre pour décider s’il doit être orienté vers le service Covid-19 ou vers un autre service. On nous expliqué ce projet a été développé avec une autre start up, I compass, qui a travaillé sur le ChatBot.
Du coup, selon les responsables d’Evona Rovotics, cette start up aurait aujourd’hui un carnet de commandes bien rempli ; Airbus aurait commandé deux robots bourrés d’intelligence artificielle.
Pour sa part, la start up «Valomnia», qui a pignon sur rue à Novation City, a bénéficié d’un financement qui lui a permis de développer de solutions technologiques innovantes dans deux domaines différents, notamment des solutions de dématérialisation du processus de vente des cartes SIM, comme nous l’a expliqué Tahar Jarboui, son directeur général.
Selon lui, le déclic est survenu en 2012, lorsque la filiale de la multinationale sud-africaine, MTN (pour Mobile Telephone Networks) au Nigeria, a été confrontée à problème de recensement de ses clients (5,8 millions de clients non identifiés), ce qui lui a valu une lourde amende de la part du régulateur national nigérian, c’est-à-dire mille dollars par client non identifié, soit 5,8 milliards de dollars).
M. Jarbaoui a expliqué que « le problème de l’identification venait principalement de l’acte commercial parce que les cartes SIM téléphoniques étaient en train d’être vendues un peu partout sans qu’il ait des moyens fiables permettant d’identifier la personne associée à cette carte SIM. Nous avons commencé à développer une solution avec un opérateur en Tunisie ».
Seulement il y avait un petit hic : l’entreprise ne possédait pas une partie de la solution, à savoir comment packager le produit ensemble. Mais «… grâce au financement qu’on a eu à travers ce projet collaboratif, nous avons pu travailler avec d’autres acteurs qui se sont penchés sur la partie matérielle (Valomnia a développé la partie logiciel qui était son point fort), ce qui a permis de mettre en place un produit compétitif sur le marché », dit-il. Et de fil en aiguille, Valomnia a repris le marché MTN Côte d’Ivoire qui rencontrait elle aussi une situation semblable à celle de MTN Nigeria…
Il faut souligner au passage que MTN Group est une multinationale télécom sud-africaine. Elle a été créée en 1994 et est présente dans 22 pays en Afrique et au Moyen-Orient.
C’est le premier opérateur télécom africain en termes de revenus et d’abonnés mobiles, qui comptait 240 millions d’abonnés mobiles en 2016 pour un chiffre d’affaires de 10,3 milliards d’euros.
TB