Elle est née au début de l’année 2016. Elle lutte comme elle peut contre le décrochage scolaire. Son credo est que “tout enfant a droit à une deuxième chance pour apprendre”. Son slogan : “Tous ensemble pour prévenir le risque du décrochage scolaire“.
Elle, c’est l’Association de lutte contre le décrochage scolaire basée dans la région de Sousse, dirigée par Rekaya Hayouni. A l’occasion d’une tournée média organisée récemment par l’Agence française de développement (AFD), nous avons pu rencontrer ses fondateurs. Le cœur gros comme ça !, comme on dit.
Les journalistes présents ont échangé avec Mme Hayouni et ses collaborateurs. A les écouter, vous avez envie de leur donner tout l’argent de la Tunisie pour qu’il n’y ait plus d’abandon scolaire dans notre pays. Ils en parlent avec passion et détermination. De ce fait, même s’ils rencontrent de montagne d’obstacles, ils semblent déterminés à les franchir.
Alors, avant de continuer, sachez que l’Association de lutte contre le décrochage scolaire de Sousse –mais qui devrait porter, à notre avis, le nom d’“Association nationale de lutte contre le décrochage scolaire“- se fixe pour objectifs globaux, comme la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire, la prise en charge des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, le changement des représentations négatives sur la formation professionnelle, ou bien la protection des jeunes contre les risques de marginalisation.
Les actions de l’association ne s’arrêtent pas là, car elle fait également du suivi social et psychologique des jeunes scolarisés mais en difficulté, assure de la facilitation de l’accès à la formation professionnelle ou à l’apprentissage d’un métier. Et pour être efficace, elle travaille en réseau avec les services sociaux régionaux, et coopère avec des référents scolaires dans les établissements concernés.
Par ailleurs, même lorsque Mme Hayouni nous assure que son association a noué des partenariats entre autres avec l’Institut français de Tunisie, la municipalité de Sousse, la Direction régionale de l’Education du Sousse et celle de la Formation professionnelle et de l’Emploi, on perçoit, on sent une certaine “amertume“ dans sa voix. Car l’aide ou l’assistance qu’elle reçoit est insuffisante.
Pour la comprendre, il suffit de voir les chiffres sur le phénomène de l’abandon scolaire dans notre pays. En effet, il est dit qu’“en Tunisie, plus d’un adolescent sur quatre en âge d’être scolarisé au niveau du secondaire ne se trouve pas dans un collège ou dans un lycée. Environ 5% se trouve encore dans le primaire et le reste se trouve en dehors du système éducatif. Bien que l’école soit obligatoire jusqu’à 16 ans en Tunisie, 50 000 adolescents de 11 à 14 ne sont pas scolarisés et 55 000 sont scolarisés mais se trouvent en risque de décrochage (Etude OOSCI, Unicef 2014) “.
Mais Rekaya Hayouni estime que ces chiffres sont en-deçà de la réalité. La preuve. Eurostat soulignait en 2015 que plus de la moitié des jeunes tunisiens âgés de 18 à 24 ans ont quitté l’école prématurément. Et une étude de l’Observatoire national de l’emploi et des qualifications (ONEQ) de 2014 estime à plus de 10% la proportion de jeunes entre 15 et 19 ans entrant dans la catégorie «NEET» (Not in Education, Employment or Training), soit environ 93 000 individus. Selon la Banque mondiale, environ 1/3 des Tunisiens entre 15 et 29 ans se trouvent dans cette situation.
Comme vous aurez compris, ces chiffres datent de 5-6 ans, autrement dit la situation à la date d’aujourd’hui est plus catastrophique.
Que demandent Mme Hayouni et son équipe ? Des moyens, de l’attention de la part des pouvoirs publics, de la société civile, des hommes d’affaires, des médias et/ou de toutes les bonnes volontés. Si elle avait la toute-puissance, nous avons l’impression qu’elle décréterait la lutte contre le décrochage scolaire comme « cause nationale ». Mais à défaut (de cette capacité), c’est le nouveau chef du gouvernement qui devrait, pensons-nous, inclure dans son agenda la lutte contre l’abandon scolaire. Dans les faits et non dans les discours… seulement. Il devrait promettre et s’y engager.
En attendant, un grand bravo à cette équipe de bénévoles qui, dans l’adversité et le manque de moyens, ne jure pourtant que par l’atténuation voire l’éradication de l’abandon scolaire en Tunisie.
TB
A propos du Programme Concerté Pluri-Acteurs (PCPA)
Les trois axes d’intervention du PCPA sont l’éducation, l’insertion socioprofessionnelle et l’économie sociale et solidaire, puis la démocratie participative.
Avec un seul objectif : réduire les inégalités d’accès aux droits.
Pour ce programme, l’AFD a accordé une subvention à Solidarité Laïque (gestionnaire du programme PCPA) qui, à son tour, a distribué la subvention à des associations tunisiennes (y compris l’Association du décrochage scolaire à Sousse).
Voici les trois phases du programme :
2012-2014 : Phase pilote du programme “Soyons Actifs/Actives“. Elle a consisté à identifier les problématiques et parties prenantes, diagnostiquer les besoins et le contexte, initier des partenariats nord-sud : 26 organisations membres du programme, 8 diagnostics territoriaux réalisés, 5 000 citoyens et citoyennes mobilisés, et 1 capitalisation et une autoévaluation accompagnée réalisées…
2014-2015 : Phase de construction du Programme Concerté Pluri-Acteurs “Soyons Actifs/Actives“. 47 membres – Renforcement de l’ancrage partenarial et de la culture du travail en commun -Définition d’une vision à 2025 visant un changement profond des mentalités et des pratiques et des stratégies thématiques ambitieuses basées sur un diagnostic partagé – Identification collective de thématiques prioritaires fédératrices et mise en place des 2 pôles thématiques (éducation et insertion socioprofessionnelle).
2015-2025 : Phase opérationnelle du Programme Concerté Pluri-Acteurs “Soyons Actifs/Actives“ – Agir, apprendre et construire des partenariats.
Le programme comptait 81 membres en 2018 – 50 initiatives territoriales ou pluri-territoriales soutenues et accompagnées – 200 sessions de formations et d’accompagnement des organisations membres du programme – Réflexion collective entre acteurs du programme et Mise en œuvre collective des stratégies des 2 pôles thématiques « éducation » et « insertion socioprofessionnelle » – Au moins deux documents de capitalisation produits – Stratégie de plaidoyer lancée à travers 5 textes collectifs de plaidoyer formulés par le programme “Soyons Actifs/Actives“.