Depuis 2011, la Tunisie n’a pas cessé de voir tous ses indicateurs économiques, financiers et sociaux se dégrader gravement jusqu’à atteindre des niveaux qui étaient impensables, inimaginables il y a quelques années.
Déjà avant la pandémie de la Covid-19, les trois moteurs de la croissance, de la création d’emplois et de la création de richesses (investissements, exportations et consommation) étaient déjà en panne.
Le taux de croissance réalisé durant le second semestre de 2019 était zéro, et le taux de croissance réalisé durant le premier semestre de cette année était -2,2% (oui moins -2,2%).
La pandémie a certes aggravé la situation. Mais attention, il ne faut surtout pas mettre tout sur le compte de la pandémie, comme le font si vite plusieurs responsables (ou irresponsables) politiques et administratifs.
C’est aujourd’hui prouvé: nous avons très mal géré la crise née de la pandémie sur les plans économique, financier et social. La meilleure preuve pour cela sont les chiffres annoncés par l’INS un certain Samedi 15 août, date à ne pas oublier.
Il semble pourtant que nous avons vite oublié la date et les chiffres qui étaient un véritable tremblement de terre. Une croissance de -21,6% sur le deuxième trimestre 2020 en glissement annuel, c’est à dire par rapport au même trimestre de l’année 2019.
Oui vous avez bien lu: -21,6%. Une récession (c’est à dire aussi un taux de croissance négatif) de -11,9% sur le premier semestre de cette année comparé au premier semestre de 2019.
Et plus grave que tout: la Tunisie a perdu 161.000 emplois en trois mois (avril, mai et juin 2020).
Oui 161.000 emplois perdus en trois mois, et donc le chômage qui passe en trois mois de 15,1% à plus de 18%.
N’est-ce pas la preuve que nous avons mal géré la crise de la Covid-19 du point de vue économique, financer et social? N’est-ce pas la preuve que notre politique monétaire a été complètement hors-jeu et contre-productive?
Avec tout cela, nous assistons, hébétés, à des événements qui dépassent l’entendement. Des compagnies pétrolières étrangères, excédées par la mauvaise gestion du pays sur tous les plans, décident de quitter la Tunisie.
Il faut être clair sur trois choses:
– le départ de ces compagnies est un message négatif, mais très fort, adressé à nos pouvoirs publics. Le message est aussi adressé aux autres compagnies pétrolières, aux investisseurs locaux et étrangers, aux institutions financières internationales leur disant en termes clairs: regardez ce qui se passe dans ce pays;
– nous sommes incapables d’exploiter nos ressources pétrolières par nous-mêmes. Nous en sommes incapables car nous n’avons ni le savoir-faire, ni la capacité technique, ni les moyens financiers nécessaires. Faute de compagnies étrangères, que le monde entier cherche à attirer, notre pétrole et note gaz restent enfouis dans le sous-sol. Entre-temps nous devons importer les hydrocarbures nécessaires au maigre fonctionnement de l’économie. Mais avec quels moyens financiers. Avec des crédits bien sûr ! Le pays est déjà bel et bien en situation d’endettement excessif;
– La Tunisie couvrait environ 100% de ses besoins en hydrocarbures en 2010. Elle n’en couvre qu’environ 35% maintenant. Vous savez certainement pourquoi.
Mais il n’y a pas que ça. La Tunisie, pays traditionnellement exportateur d’ammonitrate, a décidé il y a trois jours d’en importer 60 000 tonnes. Oui il faut bien tenter de sauver la campagne céréalière. Ces 60 000 tonnes d’ammonitrate vont, elles aussi, être payées en devises empruntées avec un coût très élevé. La Tunisie, traditionnellement pays exportateur de phosphates, décide maintenant d’en importer afin que le Groupe Chimique ne s’arrête pas totalement.
Je ne fais pas là un diagnostic. Je fais un constat, très partiel d’ailleurs. Ne me demandez pas de solutions s’il vous plait. Je n’ai pas cessé d’en proposer depuis plusieurs années. Il est clair pour moi que la Tunisie est actuellement: un pays qui se suicide économiquement, financièrement et socialement. A quand le réveil et le sursaut?