Les marchés publics représentent 17% du PIB, soit 17 milliards de dinars et 40% du budget de l’Etat. Des milliards d’euros sont mis à la disposition de l’Etat tunisien par des bailleurs de fonds et des organismes financiers internationaux et sont suspendus, dont certains sont des dons.

Ces montants faramineux, bloqués par une machine administrative paralysée et paralysante et par le diktat de députés et de partis politiques inquisiteurs et non législateurs, ne sont pas la pire des choses dont souffre la Tunisie.

Depuis 2011, nous assistons à une invasion sans précédent des entreprises étrangères qui s’appuient sur des lobbys locaux pour arracher les marchés publics nationaux en manipulant des fois les cahiers des charges en vue d’écarter les locaux.

De 3% en 2012, les internationaux ont atteint la part des 33% des grands projets en 2014. C’est dire. Des exemples plus qu’édifiants sont ceux de l’académie de police d’Enfidha attribuée à des Turcs, et la station de dessalement de Sfax prise Orascom.

Le plus triste est que les bailleurs de fonds ne se soucient plus de la posture des officiels nationaux, ils imposent leurs choix et leurs critères face à des cadres administratifs timorés et incompétents et à l’absence d’une réelle volonté politique pour sauvegarder le tissu économique national, entreprises et emplois.

Les entreprises tunisiennes sont complètement ignorées. Par exemple, elles n’ont pas été consultées sur le projet initié par le promoteur qatari «Majida Holding » à Gammarth, estimé à plus de 300 millions de dollars et qui a été « offert » à des Turcs.

Le projet est pourtant dans les cordes des promoteurs tunisiens, grands spécialistes des projets touristiques et commerciaux. Mais depuis quelques années, les Turcs agissent en Tunisie en pays conquis et soumis. Ils prennent ce qu’ils veulent, là où ils veulent en l’absence d’un Etat soucieux de ses intérêts et ceux des acteurs économiques.

Conséquences : des entreprises tunisiennes, jadis les fleurons du secteur de l’immobilier et du BTP, sont aujourd’hui au bord de la faillite. Nous pouvons citer à ce propos les milliers d’emplois perdus et une haute expertise technique de disparue.

Absence de coordination et incohérence des acheteurs publics et numérisation en berne

En l’absence d’une politique cohérente des achats publics dans la haute administration et d’un manque de coordination manifeste, chaque acheteur public agit à sa guise ou se soumet aux pressions de politiques, soutenant tel ou tel acteur économique aux dépens de l’intérêt public.

Nous avons assisté à des présidents de grandes entreprises imposer le choix de tel ou tel ministre au président de la République ou au chef de gouvernement parce qu’il a financé des campagnes électorales et est le mieux habilité à servir leurs intérêts.

Résultat des courses : la Tunisie vit sa pire époque en matière de népotisme et de clientélisme !

D’autres défaillances de l’administration publique sont à citer, tels les délais impartis entre l’élaboration du projet et le démarrage de sa mise en œuvre qui est de plus de 8 ans, ce qui est inconcevable. Conjugué au temps d’attente pour l’obtention des financements qui s’étale sur 2 à 4 ans, la tâche devient risquée au vu de l’évolution des prix et du changement des contextes sans oublier les milliards de dollars ou d’euros qui sont en attente ou en suspens.

Lorsqu’on s’adresse aux acteurs concernés par les marchés publics dans le privé et dans le public, on parle de dématérialisation des procédures comme moyen de mettre un terme au dévoiement de ces marchés. Aujourd’hui l’Etat tunisien ne peut plus se permettre des défaillances au niveau du système TUNEPS tels les problèmes d’interconnexion des réseaux d’information : Tuneps – Adab – Injez, ou le blocage de l’application de la digitalisation des bons de commandes.

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Sauver le tissu entrepreneurial national

Entreprendre des politiques visant plus de transparence, d’efficience et de patriotisme dans la gestion des marchés publics et des appels d’offres internationaux est aujourd’hui n’est plus une nécessité mais une question de vie ou de mort.

Ceci parce que seules les entreprises tunisiennes sont garantes de l’emploi de la main-d’œuvre nationale et de la pérennisation de l’emploi dans un contexte économique international des plus difficiles.

Aujourd’hui, sauver l’économie nationale et gagner des points de croissance dépend du courage et de la force de frappe des autorités publiques pour activer les projets en suspens et sécuriser le périmètre de ceux en cours ou à venir pour donner leurs chances aux nationaux d’y être.

Les prêts disponibles en Tunisie, à ce jour, en termes d’études et de financement sont de l’ordre de 3 milliards de dinars. Sachant que chaque million de dinars pour la réalisation d’infrastructures et de logements crée 25 emplois sur les sites et 25 autres dans le reste du secteur.

Plusieurs milliards d’euros de financement international seraient bloqués en raison du manque d’efficacité de l’administration dans la résolution des problèmes, en particulier fonciers et ceux d’ordre réglementaire. Ceci alors que les entreprises nationales peuvent assurer la réalisation des projets concernés de bout en bout, ce qui nous amène à appeler à ce que des bureaux d’études et des banques d’affaires nationales assurent leur suivi.

L’investissement dans les infrastructures s’élève à un milliard de dollars par an, tandis que dans des pays similaires, économiquement et au niveau de la population, tels que le Portugal et l’Équateur, il était de 10 milliards de dollars lorsqu’ils étaient au même niveau de croissance.

Mettre en place des mécanismes clairs pour donner la plus haute priorité aux entreprises nationales dans les grands projets (plus de 20 millions de dinars, par exemple) ainsi que dans les projets complexes afin d’acquérir une expertise et de faire bénéficier l’économie de la valeur ajoutée et des devises fortes, serait le meilleur moyen de donner un coup de fouet à un marché brimé et une économie en souffrance.

A.B.A