Au moment où la presse écrite, toutes disciplines confondues, se désertifie et où des titres généralistes séculaires comme La Presse de Tunisie et Assabah risquent de passer la clef sous le paillasson, une éditrice ayant une forte propension au risque, en l’occurrence Zeineb El Aouni, directrice de la maison d’édition “Dar Rouaâ Li Nachr“ vient de lancer une revue littéraire, d’excellente facture, en langue arabe « Rouaa El Adab » (visions littéraires ou visions de littérature ».
Dans un très bel édito émouvant, le rédacteur en chef, Kamel Ayadi, « the king », qui est lui-même éditeur, romancier et critique littéraire, se dit suicidaire d’avoir accepté d’animer la revue. Il estime, toutefois, que le pari est jouable et promet de ne ménager aucun effort pour donner corps à cette renaissance littéraire en Tunisie, au Maghreb et dans le monde arabe.
Les articles bien documentés sont classés par genres littéraires : poésie, roman, théâtre, recoupements de genres (roman-cinéma), notes de lectures d’anciens écrivains, poètes et hommes de théâtre (Mahmoud Messadi, Laroussi Metaoui, Ouled Ahmed, Ali Douagi…).
La religion est présente dans la revue à travers quelques articles traitant des non-dits dans le Coran, de la portée du soufisme dans la poésie, l’insurrection contre le pouvoir religieux dans la poésie d’Ouled Ahmed…
Toujours à propos du soufisme, vision mystique de l’Islam, la poésie Djalāl ad-Dīn Muḥammad Roumi est valorisée dans cette revue à travers la plume de l’intellectuel égyptien Ahmed Kandill.
A travers le choix des écrivains et poètes cités dans ce premier numéro de Rouaâ El Adab, la ligne éditoriale se veut, sans ambages, laïque et républicaine.
Une diaspora de penseurs et intellectuels y participent
D’éminents intellectuels tunisiens, égyptiens, marocains, libyens, palestiniens ont collaboré au premier numéro de la revue.
Parmi les Tunisiens, figurent Moncef Ouhaibi (poète et universitaire), Olfa Youssef (écrivaine et chercheuse universitaire), Seif Allah Tarchouni (chercheur), Moez Ouhaibi (universitaire et chercheur), Mahmoud Tarchouna (universitaire et romancier), Hamadi Ouhaibi (universitaire, chercheur et homme de théâtre), Lassad Ben Hassine (écrivain et scénariste), Hassen Ben Othman (écrivain et journaliste)…
S’agissant des collaborateurs égyptiens, il y a lieu de signaler Chaker Abdelhamid (critique littéraire et ancien ministre de la Culture), Souhir M’sadeka (romancière), Iheb Ouerdani (poète) et Wahaid Ettaouila (romancier et journaliste).
Au rayon maghrébin, on trouve les Marocains Zouhour Karrem (romancière, critique littéraire et académicienne), Yassine Adnane (poète et journaliste). La Libye est représentée par Jomaâ Fakhri, poète et ancien ministre de la Culture.
Il y a l’écrivaine et journaliste palestinienne Anouar El Anouar.
Mention spéciale pour la collaboration féminine à cette revue. Plusieurs romancières et poétesses ont apporté de précieuses contributions. Il s’agit notamment de Faten Hamoudi (Syrie), Hayet Erraies (Tunisie), Noura Abid, Nebiha Aissa (romancière), Henda Mohamed (Tunisie).
La revue est ouverte sur la littérature étrangère. Des hommages sont rendus aux romanciers, poètes, nouvellistes, hommes de théâtre américains (Philip Roth, Willam Faulkner…), français (Milan Kundura…), sud-africain (Breyten Breytenbach…).
In fine, cette revue est un véritable régal pour tous les férus de littérature et de savoir. En cette période de grisaille et de désert culturel, nous ne pouvons que saluer son équipe.
Bonne chance.