Plusieurs dizaines de quartiers précaires ont surgi à la périphérie des grandes villes tunisiennes, particulièrement autour de Tunis, où des habitations informelles ont été construites souvent dans l’urgence, sans plan ni décision des autorités.

Conséquence: des cités banales, sans âme, ni ville ni campagne, des quartiers insalubres manquant de transports, de structures sociales, de maisons de culture, d’espaces verts… Les habitants, parmi lesquels de jeunes chômeurs, sans opportunités pour se développer économiquement, y traînent leur ennui.

C’est dans cet esprit de faire revivre ces quartiers qu’est née l’idée du projet “Shawarie” porté par la Maison de l’image. Il s’agit d’une série documentaire en plusieurs épisodes réalisée par l’équipe de Vision Solidaire qui plonge le spectateur dans une palpitante aventure où l’on découvre le portrait de huit quartiers du Grand Tunis à travers les rues et les âmes qui les habitent.

Les avertis et curieux auront rendez-vous avec un nouvel épisode consacré cette fois à Bhar Lazreg à La Marsa, et ce le vendredi 2 octobre à 18h avec au programme un débat après la projection du film documentaire, un court-métrage de 15 minutes réalisé par Ayoub Mnasri et Zeineb Chaabouni.

Le film revient sur le parcours de cette région qui dans les dernières décennies a intégré par étapes les espaces agricoles au tissu urbain. Les habitants, nomades à l’origine, ont été rejoints par de nouveaux migrants venus peupler ce quartier délimité par Gammarth et la sebkha de l’Ariana au nord, Sidi Daoud et La Soukra à l’ouest.

La région avait une vocation strictement agricole, des champs de sorgho, de gombos (gnaouia) de maïs et des vergers à perte de vue. Le quartier attire de par sa centralité et son dynamisme économique. Depuis plus d’un an y naissent de plus en plus d’initiatives sociales et culturelles. Les activités économiques y prennent des dimensions vertigineuses, le paysage architectural hétérogène reflète les multiples identités du quartier; des édifices ayant différentes vocations selon les quartiers, agriculture, habitat, commerces et services, reflètent l’évolution des goûts et des tendances et la diversité des habitants.

“Vision solidaire”: la valeur d’un projet

Ils sont trente jeunes, âgés de 18 à 28 ans, issus de quartiers marqués par des situations sociales handicapantes. Bénéficiaires du projet “Vision Solidaire”, ils ont la passion en bandoulière et la réussite en ligne de mire ; ils se lancent dans une première expérience professionnelle baptisée “Shawarie” ou rues, un projet conçu, concocté et réalisé par la Maison de l’Image qui a pour but de parfaire leurs connaissances dans les métiers de l’image.

Les jeunes sont encadrés par des professionnels chevronnés. Ces articulations liées à l’image et sa mise en œuvre aident à réaliser et finaliser des reportages dans huit quartiers, relevant des délégations de La Marsa, Oued Ellil, Fouchana/Naassen, Mhamdia/Fouchana, Sidi Thabet et Douar Hicher.

Tout le monde convient que la crise économique, sociale et culturelle provoquée par le covid-19 a bouleversé la vision de la société ; depuis cette catastrophe qui a touché le monde entier et fragilisé les esprits, il y a dans l’air comme un soudain regain d’intérêt pour les valeurs portées par les mouvements solidaires.

Beaucoup d’institutions, de fondations, d’associations, n’ont pas attendu l’apparition du virus pour fonder un mouvement basé sur le concept de solidarité: “Vision Solidaire” en est un exemple approprié : depuis trois ans, la Maison de l’Image a lancé, avec le soutien de la Fondation Drosos, un projet ambitieux qui a pour but de former des jeunes issus de milieux défavorisés aux métiers des arts visuels ; stagiaires, formateurs, premiers responsables se sont jetés corps et âme dans la concrétisation de ce projet.

La formation rassemble à chacune des trois sessions d’un an, 30 jeunes issus de quartiers populaires du Grand Tunis et a pour but de les aider à renforcer leur expérience, mieux, à animer leur ambition, et surtout à leur donner les moyens techniques et théoriques pour intégrer la vie professionnelle.

La Maison de l’image revendique deux expériences inédites de projet de fin de formation de deux sessions précédentes. Le premier projet, baptisé “Baddel Essoura”, consiste à utiliser des photos, des vidéos et des illustrations pour montrer les faits d’armes des citoyens, héros qui font l’admiration de leurs proches et transforment leurs proches.

Le deuxième projet s’appelle “Fatchata”. Quatre commerces et commerçants ont été choisis pour éclairer et faire valoir l’expérience qui consiste à croiser les points de vue et les regards portés par les jeunes et les riverains à travers les histoires des marchands choisis. Une exposition et un city tour en bus ont été organisés montrant au public les réalisations de “Vision Solidaire” dans le quartier.

La mise en place du troisième et dernier projet de Fin de Formation se base sur l’expertise acquise durant l’élaboration de ces deux projets.

Réalisé avec comme partenaires l’AFD (Agence française de développement), la fondation Drosos, l’Arru (Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine) avec le soutien de l’Union européenne, le projet “Shawarie” a mobilisé les jeunes, les a plongé dans 8 zones urbaines désavantagées et en pleine transformation du Grand Tunis à travers l’intervention de l’ARRU dans le cadre du PRIQH (programme de réhabilitation des quartiers d’habitation informels) en Tunisie.

Il s’agit des quartiers Sfaxi/ Oued Dabbegh à Douar Hicher dans le gouvernorat de Manouba, Bhar Lazreg à la Marsa dans le gouvernorat de Tunis, Saïda/Ennassim à Oued Ellil, dans le gouvernorat de Manouba, Chbebda à Fouchana/Naassen dans le gouvernorat de Ben Arous, Essaada à Mhamdia/Fouchana dans le gouvernorat de Ben Arous et El Bokri à Sidi Thabet dans le gouvernorat de l’Ariana.

“Shawarie” permet ainsi de mettre sous les projecteurs ces quartiers où les regards ne se portent pas habituellement, de donner l’opportunité aux habitants de se présenter et de présenter leur quartier comme eux les connaissent, de témoigner des transformations urbaines actuelles, représentatives des transformations que connaissent un bon nombre de quartiers à travers tout le territoire.

Après Bhar Lazreg, le rendez-vous de “Shawarie” se poursuit le 10 octobre à El Bokri (Sidi Thabet) et le 16 octobre à Essaada (Mhamdia).