Les dépotoirs contrôlés et aléatoires en Tunisie reçoivent, chaque année, environ 140 000 tonnes de déchets du textile, dont des vêtements usagés de sources inconnues et des friperies, selon l’Agence nationale pour la gestion des déchets (ANGED). D’énormes quantités de ces déchets sont brûlées de manière nocive pour l’environnement.
Aussi, les usines du textile en Tunisie produisent également des tonnes de déchets. Les magasins et marchands de tissus ont également beaucoup de stocks de vêtements invendus en raison du mouvement de la ” Fast Fashion “.
Ces déchets, pourtant embarrassants et encombrants pour la nature et l’homme, constituent un potentiel valorisable et beaucoup de matières premières à recycler, pour faire fonctionner des ateliers de couture, lancer des marques locales et de nouvelles modes respectueuses de l’environnement et non destructrices pour la planète.
Le site idéal pour un business modèle circulaire
“Alors nul doute que le meilleur endroit pour lancer un modèle économique basé sur les principes de l’économie circulaire et du développement durable dans le secteur de la mode est la Tunisie!”, déclare à l’agence TAP, la jeune Tunisienne Hasna Kourda qui, gère, aujourd’hui, depuis son siège londonien, la startup, ” Save your Wardrobe “, qui favorise un comportement responsable des consommateurs et plus respectueux de l’environnement.
Hasna fait partie d’un groupe de startups et de jeunes innovateurs et créateurs d’applications dans le monde de la mode en Tunisie, qui promeuvent la ” Slow Fashion ” et mettent en garde contre les effets de la “Fast Fashion” sur l’environnement.
Ces jeunes hommes et femmes ont adhéré à l’initiative ” Moudha Okhra ” ou ” La Mode Autrement “, lancée et financée par l’institut allemand “Goethe-Institute-Tunisie” et le groupe “PonTalent”, qui œuvre pour établir les principes de récupération et de l’économie circulaire dans le secteur de la mode.
L’initiative encourage l’utilisation de matériaux usagés pour l’innovation et le design et plus particulièrement la gestion des invendus de vêtements qui peuvent être réutilisés, économisant ainsi les matériaux, l’eau et l’énergie dont l’industrie du textile a besoin.
Maysa Ben Fraj, représentante du collectif ” PonTalent “, partenaire du projet ” La Mode Autrement “, a expliqué à TAP, que ce projet vise la sensibilisation du grand public et prévoit une formation de deux mois et demi pour les jeunes designers et porteurs de projets. ” 5 designers seront ensuite sélectionnés et bénéficieront d’un accompagnement pour les aider à lancer des “marques durables” et à présenter des collections de mode durable en défilés “.
“Nous essayons de contribuer à changer la perception des consommateurs de la mode en Tunisie et les aider à faire des achats intelligents”, a-t-elle ajouté.
Plusieurs écoles de mode en Tunisie ont lancé déjà des initiatives pour encourager la mode durable.
Dans ce cadre, un concours “Vecosterre” pour jeunes créateurs a été organisé à l’Ecole de Mode de Bizerte (Nord Tunisie), le 10 septembre 2020, avec l’appui de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH), l’Institut du Maghreb pour le Développement Durable et l’organisation de microfinance, Enda Interarabe.
Lors du concours, les créateurs ont été invités à créer un vêtement prêt-à-porter en utilisant des vêtements anciens ou usagés pour les encourager à adopter le principe de rationalisation du design et à s’engager dans l’économie circulaire
Tous pollueurs !
Il est très peu probable que pendant que nous achetons un nouveau vêtement et dans nos courses à suivre les nouvelles tendances de la mode, nous pensons à l’impact de notre comportement sur l’environnement. L’industrie textile, est pourtant, le deuxième plus gros pollueur d’eau au monde après l’industrie agricole, selon Greenpeace.
Aussi, peu d’entre nous se demandent comment nos vêtements ont été fabriqués? Et de quels matériaux sont-t-ils composés? Combien d’énergie et d’eau leurs fabricants ont-ils utilisé? Quel est leur destin, une fois devenus anciens et ” démodés “.
Le coton, par exemple, est le matériau le plus utilisé pour fabriquer des tissus, mais il est le plus destructeur de l’environnement de la planète.
Or, selon le WWF, la production de coton, à elle seule, consomme 25% des pesticides et 10% des herbicides.
La majorité du coton produit traditionnellement est aspergé de pesticides pour tuer les insectes et d’engrais chimiques pour accélérer sa croissance et donc non seulement, la production peut nuire à la santé des travailleurs des champs de coton, dont beaucoup travaillent dans de très mauvaises conditions, mais aussi elle génère des résidus chimiques qui restent dans le tissu tout au long de la vie du vêtement.
En plus du coton, un seul vêtement en matières synthétiques (comme le polyester, le nylon ou l’acrylique) libère 1900 microfibres à chaque lavage, a constaté l’écologiste Mark Brown en 2011.
Des alternatives !
” Oui, il existe des alternatives, selon Hasna Kourda, la jeune créatrice de la start-up “Save Your Wardrobe”, qui a lancé une application sur le système “Android” pour aider les consommateurs à organiser leurs vêtements pour une semaine entière tout en restant branchés.
D’après cette jeune entrepreneure, “tout le monde peut contribuer à rendre l’industrie du vêtement et de la mode plus durable et respectueuse de l’environnement. Il suffit de changer de comportement et de réfléchir chaque fois que j’achète de nouveaux vêtements, en ai-je vraiment besoin? Ai-je besoin de tous ces vêtements ou puis-je juste les ajuster, les réparer ou les repenser ? “.
Le créateur de mode durable tunisien Chemseddine El Mechri estime, lui que les concepts de la mode doivent changer aujourd’hui. ” Ils doivent prendre en compte les aspects les plus sociaux, éthiques et environnementaux “.
Il a déclaré dans un entretien avec l’agence ” TAP ” qu’il répétait toujours devant ses élèves dans les écoles de mode et de design, “même si cela prend beaucoup de temps, le changement se produira, et si certaines personnes nous frustrent, d’autres nous encourageront.”
Parce que la durabilité signifie fabriquer avec des matériaux et des coûts moindres tout en respectant les droits des travailleurs, en produisant des matériaux qui ne nuisent pas à la santé et de manière écologique.
” Pourquoi ne pas utiliser d’anciennes techniques des artisans? Nous devons les aider à s’améliorer et à développer leurs techniques ancestrales, car c’est une vraie richesse qui devrait être conservée “, conclut le jeune créateur et enseignant de design.