Albert Einstein a qualifié de folie « le fait de se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ». C’est ce qui se passe dans le domaine de notre système universitaire. On continue à utiliser (1) le même système d’orientation des bacheliers (2), les mêmes méthodes de gestion des institutions universitaires et les mêmes programmes (3). En d’autres termes, on continue à former des «diplômés futurs chômeurs».
En universitaire ayant servi principalement dans des universités publiques en tant qu’enseignant et en tant que directeur d’institutions universitaires, sans prétendre donner une feuille de route pour la réforme de notre système universitaire, et en guise de contribution à mettre fin à cette situation, ci-dessous sont les principaux axes à considérer:
– Abandonner le système d’orientation universitaire des bacheliers, et ce pour deux raisons principales : (1) le nouveau bachelier n’a pas assez de maturité pour choisir un domaine de spécialisation professionnelle et (2) chaque programme universitaire a ses exigences qui ne correspondent pas nécessairement aux notes du Bac.
Laissons à chaque université la liberté de développer ses propres programmes et d’arrêter ses propres critères d’admission des étudiants à ses différents programmes. On pourrait s’inspirer du modèle de certaines universités nord-américaines où l’étudiant admis à l’université reçoit une formation générale d’une année. Ainsi, l’étudiant aura acquis plus de maturité et sera mieux apte à choisir une spécialisation pour son parcours professionnel.
– Abandonner le critère du nombre d’années d’études pour la validation des diplômes (Bac + 3, Bac + 5, etc.). Ce qui compte c’est l’acquisition des connaissances scientifiques et des compétences professionnelles inscrites dans le programme et non le nombre d’années passées à l’université.
– Pour stimuler les universités publiques à être plus performantes, l’allocation des budgets accordés par le ministère aux universités publiques doit tenir compte principalement (1) des accréditations internationales des programmes de l’institution, (2) du taux d’employabilité et du niveau des salaires de ses diplômés, et (3) de la qualité des recherches et des publications de son corps professoral.
– Pour la création d’un environnement multiculturel fort bénéfique aux étudiants tunisiens, inciter les institutions universitaires à réserver une partie de leur capacité d’accueil pour l’inscription d’étudiants internationaux. Au-delà des recettes de devises, l’étudiant international développe des liens d’amitié avec ses camarades tunisiens qui pourraient aboutir à des liens d’affaires ultérieurs et à des projets conjoints.
– Reconsidérer les lois régissant l’organisation et le fonctionnement des universités privées qui leur interdisent l’utilisation de l’appellation « université » et qui les limitent à une seule spécialité alors que le marché de l’emploi cherche la polyvalence des formations.
Les universités privées contribuent à la capacité nationale de formation sans recours au financement de l’état. Elles ont l’obligation d’être performantes pour assurer leur survie. Il est à rappeler que douze des vingt premières universités du classement de Shanghai sont privées dont Harvard, MIT, Stanford, Chicago et autres).
– Compte tenu de la rapidité des changements technologiques, encourager les universités tant publiques que privées à organiser des programmes de mise à niveau des cadres en exercice. De tels programmes permettent au corps professoral de mieux apprécier les problèmes et les spécificités des différents secteurs économiques et d’en tenir compte dans le développement de leurs programmes.
Un système universitaire répondant aux besoins des employeurs en compétences et aux aspirations des étudiants mettra fin à la formation de « Diplômés Futurs Chômeurs » et contribuera à faire de la Tunisie une destination éducationnelle de référence à l’échelle internationale.
Mahmoud Triki, Universitaire