Les répercussions de la crise de la Covid-19 sur le secteur de l’artisanat sont de plus en plus perceptibles, car 90% des entreprises seraient en situation de blocage total et 40% d’entre elles ont même mis la clé sous la porte, s’est alarmé, mercredi 7 octobre, le président de la Fédération de l’artisanat relevant de l’UTICA, Salah Amamou.
Cité par l’agence TAP, il a assuré que “le secteur traverse une crise sans précédent. La situation est pire que celle qui prévalait pendant la crise économique de 2008 ou pendant la guerre du Golfe. Nous n’avons jamais connu de pareilles difficultés. Des appels à l’aide nous parviennent quotidiennement d’artisans qui se sont trouvés obligés de quitter leurs locaux, faute de pouvoir payer leurs loyers”.
Il explique: “le secteur de l’artisanat vit grâce à deux marchés, l’intérieur et l’extérieur, intimement lié au tourisme. Pour ce qui du marché local, le pouvoir d’achat les tunisiens s’est tellement détérioré que les produits artisanaux sont devenus un luxe inaccessible. Pour ce qui du marché extérieur, l’activité touristique est quasiment à l’arrêt. Résultat: les artisans ne trouvent aucune issue pour leurs productions et donc ne produisent plus, car pour la majorité d’entre eux, l’option de stocker les produits pour des temps meilleurs, n’est pas envisageable car trop coûteuse”.
Pour le président de la Fédération de l’artisanat, la réouverture des frontières le 27 juin 2020, a porté un coup fatal au secteur. “Après les difficultés rencontrées lors de la période du confinement général, certains artisans, notamment les plus jeunes d’entre eux, ont commencé à se créer de nouvelles issues de commercialisation à travers le recours au “social selling ” ou la vente via les réseaux sociaux. Mais l’explosion du nombre des cas de contaminations au Covid-19 générée par la décision irréfléchie de rouvrir les frontières a de nouveau sapé les espoirs de ces artisans “.
D’après lui, ” le secteur attend toujours le déblocage des crédits dans le cadre de la ligne de crédit de 10 millions de dinars mise à la disposition du secteur de l’artisanat pour fournir de la liquidité aux artisans. Pour ce qui est de la toute petite indemnité de 200 dinars, décidée en faveur des petits commerçants et des artisans via la plateforme des demandes de compensation ” batinda.gov.tn “, nous ne savons toujours pas, à qui elle a profité ” .
Qualifiant de “positive” la dernière séance de travail tenue, mardi, avec le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Habib Ammar, et le directeur général de l’Office national de l’artisanat, Faouzi Ben Halima, en présence d’autres responsables du secteur, Amamou a fait savoir que les revendications formulées à l’autorité de tutelle concernent essentiellement ” le déblocage immédiat de crédits, sans intérêts, aux artisans dans le cadre de la ligne de crédit destinée au secteur “.
Ces revendications concernent aussi et surtout l’application des décisions du Conseil ministériel restreint du 15 février 2016, notamment la mise en place d’une structure pour l’approvisionnement en matières premières et pour la commercialisation des produits du secteur dans le cadre d’un partenariat public-privé, la création d’un système de formation professionnelle propre au secteur de l’artisanat, sous la tutelle de l’office national de l’artisanat et la transformation du centre technique du tapis et du tissage en une agence disposant des compétences nécessaires pour fournir les matières premières et commercialiser le produit pour le secteur du tissage et du tapis.
Amamou a également, déclaré avoir discuté avec les responsables du secteur, de la nécessité de renoncer à la suppression du régime forfaitaire pour les artisans et son remplacement par un régime réel selon les zones géographiques.
“Cette proposition une fois validée, risque de saper tous les efforts que nous avons fait jusque-là pour convaincre les artisans de sortir de l’ombre et de disposer d’un matricule fiscal ” patente “.
Le régime forfaitaire, de par sa simplicité, est le mieux approprié aux petits artisans, dont la majorité est incapable de passer sous le régime réel, trop compliqué et inadéquat avec leurs niveaux de bénéfices “.
” Les entreprises artisanales qui réussissent à agrandir leur activité et à accroître leur niveau de bénéfices passent automatiquement, sous le régime réel, car elles ne peuvent exporter qu’en se soumettant à ce régime.
Alors pourquoi rendre la vie encore plus dure aux petits artisans, au risque de les pousser à revenir vers l’informel ou à abandonner leur gagne-pain ?”, s’est-il amèrement interrogé.
Pour Amamou, l’instabilité gouvernementale et les changements de vis-à-vis gouvernementaux a également, retardé la résolution des maux du secteur ” qui se meurt à petits feux, à défaut d’une réelle volonté de le redresser “.