Pour la quasi-majorité des chefs d’entreprise françaises off-shore, la mesure contenue dans le projet de loi de finances 2021, actuellement soumis à l’Assemblée des représentants du peuple, est inopportune, inappropriée, contre-productive et pourrait être lourde de conséquences.
Elle constitue un mauvais signal envoyé aux investisseurs étrangers en cette période d’incertitude généralisée et va certainement en conforter certains dans leurs démarches de réflexion sur l’opportunité de continuer à investir en Tunisie.
Manifestement, la nouvelle disposition ne prend pas en considération plusieurs postulats, en l’occurrence la gravité de la conjoncture que connaissent les entreprises, leur compétitivité et leur capacité à investir et à créer de nouveaux emplois.
Cette mesure, affirme la majorité des chefs d’entreprise interrogés dans le sondage effectué au cours de la troisième semaine d’octobre 2020, procède d’un choix de facilité qui consiste à mobiliser des ressources financières pour le budget de l’Etat quels qu’en soient le prix, les conséquences.
Si on connaît le poids du secteur off-shore en Tunisie dans l’économie, sa contribution à l’investissement et à l’emploi, l’on comprend la vigueur de la réaction suscitée par le relèvement de l’IS de 4,5% ( de 13,5% à 18%) d’un seul coup et le profond questionnement des chefs d’entreprise, durement touchés par les effets du COVID-19 et qui se voient aujourd’hui fortement pénalisés, voire même contraints à prendre des décisions douloureuses.
À cet effet, les résultats du sondage qui a concerné un échantillon de 100 entreprises off-shore françaises opérant dans divers secteurs d’activité industriels, services et autres renseignent fort le désagrément provoqué par cette augmentation de l’IS et la colère qui a gagné les chefs d’entreprise.
Ces derniers soutiennent que les pouvoirs publics n’ont pris en considération la particularité du contexte actuel que vit la Tunisie (crise de la Covid-19 et détérioration du climat des affaires), considérant que le relèvement pour les sociétés off-shore du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) à 18% serait contre-productif, voire même annonciateur de grands risques.
Outre la perte de compétitivité, dont le site tunisien des affaires souffre depuis maintenant plus de dix ans, ils estiment que la nouvelle mesure ne vient pas au bon moment. Elle risque en revanche de porter un coup dur à l’investissement étranger en Tunisie, notamment français qui représente actuellement environ 40% de l’investissement extérieur, et aussi à l’emploi.
Inopportune Inappropriée
Les chefs d’entreprise off-shore françaises en Tunisie ont été unanimes pour qualifier la disposition contenue dans le projet de loi de finances 2021 d’inconcevable et illogique au regard de la nature de leur activité et de la conjoncture actuelle, qui leur a occasionné des pertes considérables dans leur chiffre d’affaires et une augmentation significative dans leurs charges salariales notamment.
Cette disposition représente un danger pour les sociétés off-shore qui ont déjà investi en Tunisie sur la base des incitations fiscales qui étaient 0% sur l’IS mais qui voient ce taux changer à 10%, puis à 13,5% et actuellement à 18%. Elle ne fait que dégrader la compétitivité du site Tunisie dans un contexte où ces entreprises font face à une concurrence acharnée venant de pays comme le Maroc, le Portugal, le Mexique ou la Turquie…
Cela peut même contraindre certaines sociétés à opter pour des plans « B » comme des rapatriements, modèles très à la mode en ce moment où les pays européens donnent des subventions pour les entreprises qui acceptent de se relocaliser.
Jugé mal étudié et brutal, l’impact de ce relèvement est jugé contraire aux intérêts de la Tunisie, à sa compétitivité et à sa capacité d’attirer les IDE. Pour une entreprise opérant dans le domaine médical, il s’agit ni plus ni moins d’une très mauvaise nouvelle qui pourrait mettre en cause son projet d’extension initialement prévu pour un coût total de 5 millions d’euros.
Cette disposition met en lumière la problématique de l’instabilité du cadre fiscal. « On ne peut clairement pas changer les règles de fonctionnement des entreprises tous les 2 ans » affirme un chef d’entreprise qui soutient qu’une telle instabilité est l’ennemi de l’investissement et va à l’encontre du contexte de crise actuelle Covid-19, où la plupart des pays d’Europe de l’Ouest mettent en place des dispositifs d’aide à la relocalisation. En faisant de la sorte, la Tunisie favorise la relocalisation des sociétés exportatrices vers leur pays d’origine.
Le passage d’une imposition sur les revenus de 11% (10% IS+ 1% contribution exceptionnelle) en 2019 à 19% (18% IS + 1% contribution exceptionnelle) en 2021 est de nature à mettre en cause même le régime d’imposition des sociétés Off-Shore en Tunisie donnera raison à ceux qui disent que la TUNISIE est hors marché et annoncera la fin d’un des atouts d’attraction de la TUNISIE.
Lourde de conséquences
Pour la majorité des chefs d’entreprise, la mesure de porter le taux de l’IS à 18% pourrait donner un coup d’arrêt brutal aux investissements voir même provoquer un désinvestissement au profit d’autres sites, notamment dans un contexte de bataille féroce sur le peu de charge qui reste dans la construction aéronautique.
L’augmentation du taux d’imposition obligera d’autres à revoir leur stratégie de développement à moyen terme en Tunisie.
D’ailleurs, se demande un chef d’entreprise, «est-il pertinent de maintenir une activité en Tunisie, au regard des hausses perpétuelles sur le coût de la main d’œuvre, l’énergie, de l’instabilité de la politique fiscale, des difficultés de recrutement et l’accroissement des contraintes administratives ? ».
Avis partagé par un autre chef d’entreprise qui estime « nous pourrions être amenés à réduire fortement nos investissements sur notre site Tunisien ce qui pourrait à terme avoir un impact négatif de l’ordre de 40 à 50 % sur les emplois ».
Un autre soutient que son entreprise a budgétisé pour l’année 2021 sur ses 3 sites sur la base d’un taux d’IS à 13,5%, le changement du taux pourrait amener son entreprise à ralentir ses programmes d’investissements sur ces sites, et probablement réintégrer certaines productions sur ses sites en France ou en Espagne, ce qui se traduira inévitablement par la perte d’au moins 150 emplois.
Une autre entreprise française off-shore qui est en train d’étudier la possibilité de créer des extensions sur son site de Sousse, se trouve dans l’expectative. Il est fort possible qu’elle gèle ces investissements qui pourraient être à l’origine de la création de 300 nouveaux emplois.