Par l’effet de l’irresponsabilité de nombre de cadres administratifs du pays, les drames se sont multipliés ces derniers temps. En l’espace d’une année et demie, la Tunisie a été le théâtre de crimes crapuleux et de graves accidents dont certains sont dus au laxisme et au laisser aller qui prévalent dans notre administration.

Nous en rappelons quelques uns pour que les Tunisiens n’oublient pas l’atrocité de ces drames et l’incompétence de leur administration.

Le premier et le plus dramatique a été le décès, entre le 7 et le 15 mars 2019, suite apparemment à une défaillance humaine, d’une quinzaine de nourrissons au Centre de maternité et de néonatologie Wassila Bourguiba de l’hôpital Rabta à Tunis.

L’enquête médicale a blanchi le personnel dudit centre en révélant que les décès ont été provoqués « par une infection nosocomiale dont l’origine n’est pas encore connue ». Espérons que l’enquête judiciaire sera plus précise, plus équitable et plus exhaustive sur la détermination des responsabilités.

Comble de la négligence et du mépris de l’être humain dans cette affaire, la remise par ce centre de maternité des dépouilles des bébés morts à leurs familles dans des cartons. Cette pratique avait suscité une grande indignation dans l’opinion publique ; pratique considérée comme une humiliation pour les parents et un manque de respect pour les défunts.

Peu de choses auraient suffit pour sauver les gens

Le deuxième drame a eu lieu le 14 novembre 2019 à Fernana au nord-ouest. Ce jour-là, l’élève Maha Gadhgadhi (12 ans) a été emportée par les eaux en crue de l’Ouled Mofda à Fernana (Jendouba).

Ce drame, qui avait ému les Tunisiens, aurait pu être évité si la direction régionale de l’équipement de Jendouba avait accompli son job, lequel consistait à poser un simple daleau sur cet oued conformément à des textes publiés en 2016 par le ministère de l’Equipement.

Selon ces textes, des ponts et passerelles devaient être érigés sur les oueds jouxtant les établissements scolaires. Il a fallu que le génie militaire s’en occupe conformément aux ordres du président de la République, Kaïs Saïed, lors de sa visite il y a quelques semaines sur les lieux du drame.

Le troisième drame meurtrier est celui de l’accident d’Amdoun, survenu le 1er décembre 2019, entre la localité montagneuse Snoussi à Aïn Draham (gouvernorat de Jendouba) et Amdoun (gouvernorat de Béja). Cet accident a fait 30 morts et 16 blessés.

Là aussi, la responsabilité de l’administration est totale. Un centre de visite technique aurait accordé un faux certificat de visite technique attestant du bon état du véhicule à l’origine de l’accident. De ce fait, l’enquête menée par la police sur les causes de cet accident a révélé que les pneus du bus étaient inexploitables et que les patins de freins étaient usés.

Les autres drames sont de date récente. Il s’agit du tragique accident de Farah, petite fille de 10 ans décédée le 4 octobre 2020, à Bhar Lazrag (La Marsa) suite à une chute mortelle dans une bouche d’égout, qui était couverte par une plaque en contreplaqué. L’absence de maintenance des bouches des égouts dans cette zone urbaine engage l’entière responsabilité des administrations concernées (ONAS et la municipalité de La Marsa.

Il y eut aussi l’assassinat, le 25 septembre 2020, de Rahma Lahmar (29 ans). Le décès de cette jeune fille a provoqué un grand émoi dans tout le pays. Une citoyenne sur le chemin de retour à son domicile après une journée de travail se retrouve face à un monstre qui ne s’est pas contenté de la voler, mais l’a étranglée jusqu’à mort s’en suive.

Son corps a été retrouvé dans un fossé à Aïn Zaghouan, dans la banlieue de Tunis, quatre jours après que sa famille a signalé sa disparition.

A l’origine de ce crime, l’insécurité qui prévaut dans la zone où le forfait a été accompli, laquelle insécurité était perceptible à travers la densité d’une végétation sauvage et l’absence d’éclairage public et d’entretien de « cet espace dit vert ».

C’est seulement cinq jours après la découverte du corps de Rahma que le gouverneur de Tunis, Chedly Bouallègue, s’est rendu, le 1er octobre 2020, sur le lieu du crime et superviser les travaux de nettoyage et de réaménagement de cette zone verte.

Des négligences assassines

Signalons également le drame de Sbeitla lorsqu’un homme, Abderrazak Khachnaoui, est décédé sous les gravats de son kiosque -construit illégalement- sur la voie publique lors de sa démolition par la police municipale.

Là aussi ce drame aurait pu être évité si le conseil municipal était intervenu en amont et interdit dès la pose de la première pierre pour la construction dudit kiosque.

Et pour ne rien oublier, le scandale du service de la morgue à l’hôpital régional de Menzel Bourguiba. Des agents hospitaliers employés dans ce service se sont trompés dans l’identification du corps du défunt originaire de Menzel Bourguiba, inhumé le 13 octobre 2020 à Sejnane, tandis que la dépouille de l’autre défunt, originaire de Sejnane, est restée à la morgue de l’hôpital.

Sévir et encore sévir

Par-delà l’indignation que ces dérapages assassins ont suscité auprès de l’opinion publique, nous pensons que le moment est venu pour mettre le holà et de sanctionner sévèrement les responsables.

Contrairement aux gouvernements précédents, celui de Mechichi semble avoir saisi le message. C’est dans cet esprit qu’il faudrait peut-être comprendre la célérité avec laquelle il a limogé les premiers responsables administratifs et sécuritaires de la délégation de Sbeitla dont le maire et le chef du district de police auraient été, aux dernières nouvelles, accusés de meurtre volontaire.

C’est dans cette perspective qu’il faudrait comprendre, aussi,  la décision du ministre de la Santé de suspendre le directeur de l’hôpital régional à Menzel Bourguiba de ses fonctions en attendant les résultats des deux missions d’inspection médicale et administrative ordonnées suite à l’erreur commise lors de la remise de la dépouille d’une personne décédée à sa famille et la détermination des responsabilités dans cette affaire.

Cela pour dire au final que la responsabilité est une lourde charge qu’il faudrait assumer avec beaucoup de discipline et de vigueur. Haro au laxisme.

Abou SARRA