La Tunisie n’est pas près de sortir de l’auberge, c’est-à-dire de la crise politique dans laquelle elle se débat depuis des années. Car aucun des trois acteurs -actuellement aux commandes du pays ou susceptible de le devenir aux prochaines élections-, c’est-à-dire le mouvement Ennahdha, le président de la République, Kaïs Saïed, et le Parti Destourien Libre (PDL) -donné vainqueur par les sondages des législatives à venir- n’a de programme qui tient la route et qui est susceptible d’emporter l’adhésion d’une majorité de Tunisiens.
Va-t-on s’en sortir un jour ? Cette question de plus en plus de Tunisiens se la posent. Ils ont récemment -et pour la énième fois depuis le 14 janvier 2011- caressé l’espoir à l’occasion de la formation du nouveau gouvernement de voir enfin la Tunisie commencer à se redresser et leur situation s’améliorer en conséquence. Mais cet espoir a fait long feu, car avant même d’être officiellement formé, c’est-à-dire avant d’obtenir la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le 2 septembre 2020, le gouvernement de Hichem Mechichi a été happé par la crise politique dans laquelle le pays se débat depuis près d’une année.
Pris dans le tourbillon du bras de fer opposant aujourd’hui ouvertement le président de la République, Kaïs Saïed, et celui de l’ARP et du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, le nouveau chef du gouvernement risque fort de ne pouvoir rien faire pour régler les problèmes du pays.
La solution viendrait-elle de l’organisation de nouvelles élections législatives ? C’est possible, mais à condition que, préalablement, la loi électorale -certains disent la Constitution aussi- soit amendée, dans le but (mais pas seulement) de changer le mode de scrutin, pour que la même cause -l’impossibilité que le vainqueur des élections obtienne la majorité absolue- produise le même effet, à savoir une Assemblée fragmentée et la formation de coalitions gouvernementales contre-nature -à l’instar de celle réunissant actuellement Ennahdha, Qalb Tounes et Al-Karama.
De nouvelles élections législatives qui se tiendraient dans ce nouveau contexte pourraient effectivement permettre l’émergence d’un groupe parlementaire majoritaire à l’ARP, par voie de conséquence, la formation d’un gouvernement stable et ayant les moyens de gouverner, donc de réaliser les grandes réformes dont le pays a besoin.
Malheureusement, ce n’est pas pour autant que la Tunisie sortirait de l’auberge. Certes, l’instabilité parlementaire et politique prendrait fin, mais pas la crise. Celle-ci ne ferait que changer de visage.
Le pays serait alors confronté à l’absence d’acteur porteur d’un projet politique, économique, social et culturel lui-même porteur de solutions opérantes aux problèmes du pays susceptibles d’emporter l’adhésion d’une majorité de Tunisiens et, last but not least, et ne faisant pas courir à la Tunisie de risques politiques majeurs.
Or, aucun des trois acteurs politiques dominant la scène aujourd’hui ne répond à cette exigence. Qu’il s’agisse du mouvement Ennahdha et de Kaïs Saïed -au pouvoir sans discontinuer depuis décembre 2011 pour le premier, et depuis octobre 2019 pour le second. Ou du Parti Destourien Libre (PDL) et de sa présidente, Abir Moussi.
(Suite)
Moncef Mahroug