Le président d’Ennahdha rêve peut-être secrètement de pouvoir, en cas de succès de Mohamed Ghariani dans sa nouvelle mission, la concrétisation de la réconciliation nationale, convaincre une partie des Destouriens de voter pour lui en 2024. Pour que son rêve présidentiel ait plus de chance de se concrétiser.

Si les intentions de Rached Ghannouchi concernant la manière dont il voit son avenir politique et entend l’organiser n’étaient pas très claires jusqu’à il y a quelques mois, le doute n’est plus permis à ce sujet. En effet, il est clair aujourd’hui que le programme du président d’Ennahdha consiste à tout faire pour se maintenir aux commandes du parti pour pouvoir partir à la conquête de la présidence de la République.

Rached Ghannouchi sait pertinemment qu’il va devoir surmonter au moins deux obstacles de taille pour atteindre cet objectif. D’abord l’opposition d’une partie des dirigeants de son parti politique à l’amendement de ses statuts pour faire sauter le verrou de l’article 31 qui limite à deux le nombre des mandats de tout membre d’une des structures dirigeantes. Ensuite l’impopularité du président d’Ennahdha attestée par tous les baromètres et sondages réalisés au cours des dernières années et où il figure toujours en bas du classement.

Près d’un mois et demi après que la guerre de succession au sein du mouvement Ennahdha a été étalée sur la place publique par 100 cadres et dirigeants du parti à leur président pour l’appeler à renoncer à amender ses statuts pour se maintenir à ce poste, le bras de fer entre partisans et adversaires du maintien de Ghannouchi aux commandes de la formation islamiste se poursuit encore.

Le deuxième casse-tête du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du mouvement Ennahdha n’est pas moins lourd de conséquence : la très grande étroitesse de sa base électorale. Outre qu’il est assez plausible qu’il ne puisse pas faire le plein des voix nahdhaouis -surtout si la fracture actuelle au sein de sa formation n’est pas colmatée-, Rached Ghannouchi ne semble pas pouvoir glaner des voix en dehors de sa famille politique pour se faire élire à la présidence de la République. En tout cas pas suffisamment pour pouvoir battre l’actuel titulaire du poste, Kaïs Saïed, encore donné, malgré un bilan de sa première année que d’aucuns considèrent comme très en-deçà de ses promesses et des attentes de ses électeurs, large vainqueur de la présidentielles de 2024 avec plus de 65% des voix.

Y a-t-il une solution magique à cette situation ? Apparemment, le président du mouvement Ennahdha croit l’avoir trouvée en la personne de Mohamed Ghariani, le dernier secrétaire général du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), le parti de l’ancien régime. Certes, en l’intégrant à son cabinet, le président de l’ARP, Ghannouchi, lui a confié une mission qui ne semble pas avoir de lien avec sa probable future candidature à l’élection présidentielle : mener à bien le dossier de la réconciliation nationale. Or, en réalité l’ancien secrétaire général du RCD se trouve au cœur de la stratégie électorale du président d’Ennahdha.

En effet, les bénéficiaires de cette hypothétique réconciliation nationale ne sont autres que les partisans de l’ancien régime, c’est-à-dire ceux de l’ex-RCD. En se faisant le champion de la réconciliation nationale, le président d’Ennahdha rêve peut-être secrètement de pouvoir, en cas de succès de Ghariani dans sa nouvelle mission, convaincre une partie des Destouriens -une partie seulement car Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre (PDL) en a déjà enrôlé beaucoup dans sa croisade anti-Ennahdha- de voter pour lui en 2024. Pour que son rêve présidentiel ait plus de chance de se concrétiser.

Moncef Mahroug