Une étude publiée vendredi 20 novembre 2020 par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et réalisée en partenariat avec Avocats Sans Frontières vient de démontrer que l’accompagnement de famille constituerait la principale raison de départ des migrants issus de quartiers plutôt défavorisés, alors que l’acquisition d’un logements et l’obtention de meilleures conditions de vie expliquent la sortie des migrants issus de quartiers plutôt aisés.
Dans le cadre de cette étude intitulée “pensée sociale et résonnances avec l’extrémisme violent”, un questionnaire a été adressé à 805 jeunes (âgés entre 18-30 ans) issus de quatre quartiers du Grand Tunis : Kabaria, Sidi Hassine, El Mourouj et El Menzah, et trois focus groupes avec des jeunes de ces quartiers.
Le choix des quartiers a été fait avec l’objectif de travailler sur deux types de quartiers, structurés et non structurés de Tunis.
Selon l’étude, c’est le souci d’accompagner la famille qui constitue la principale raison de départ des migrants dans les trois quartiers (El Mourouj, Kabaria et Sidi Hassine), alors qu’à El Menzah, l’acquisition de logements et l’obtention de meilleures conditions de vie expliquent la sortie des migrants.
C’est dire que dans les trois premiers quartiers, le départ à l’étranger est en quelque sorte une obligation familiale, un choix imposé, tandis que pour la population d’El Menzah, le départ à l’étranger relève plutôt d’une sorte de choix volontaire.
Les conditions de vie dans ces quartiers sont analysées à travers différentes données comme le niveau d’instruction, l’accès aux moyens de communication, le chômage et autres.
En effet, l’étude montre que presque la moitié de la population d’El Menzah (49,2%) ont atteint le niveau supérieur ce qui ne peut s’expliquer que par la situation aisée de cette population.
Ce qui n’est pas le cas pour les autres quartiers où ce taux est de 23,9% à El Mourouj et n’est que de 14% à Kabaria et seulement 7 % à sidi Hassine.
C’est aussi le cas pour le niveau primaire avec seulement un pourcentage de l’ordre de 13% à El Menzah, alors que dans les autres quartiers les taux sont plus élevés : 22,3% à El Mourouj, 28,9% et 37,3% respectivement à Kabaria et Sidi Hassine.
La même structure est observée auprès de ceux qui n’ont jamais été à l’école : 15,6% pour Sidi Hassine et 12,3% à Kabaria, mais seulement 5,5% et 4,5% pour respectivement pour El Mourouj et El Menzah.
Pour ce qui est de l’accès à internet, c’est à El Menzah et El Mourouj que les taux sont les plus élevés (respectivement 77,73% et 64,23%), alors que dans les quartiers pauvres ces pourcentages sont relativement bas (48,68% à Kabaria et 34,49% à Sidi Hassine).
Ce qu’il faut noter à propos des caractéristiques éducationnelles, ce sont les conditions de vie qui déterminent, dans une très large mesure, le classement des quatre quartiers ; classement selon l’ordre suivant : El Menzah, El Mourouj, Kabaria et Sidi Hassine. Ce qui veut dire que les quartiers les mieux classés sont ceux où il y a moins de pauvreté et, de ce fait, les conditions d’éducation sont meilleures.
Ainsi, à El Menzah, 7 occupés sur 10 ont le niveau du supérieur, alors qu’à Sidi Hassine seulement 1 occupé sur 10 a atteint le niveau supérieur. Pour les quartiers Sidi Hassine, Kabaria et El Mourouj, la proportion la plus importante de la population occupée a comme niveau d’instruction le secondaire (4 occupés sur 10).
C’est El Menzah qui se caractérise par un taux de chômage particulièrement faible, alors que c’est à Kabaria qu’il y a le taux de chômage le plus élevé avec 18,41, sachant que la moyenne nationale est de 15,50%. C’est dire que le niveau du chômage dans un quartier constitue souvent un indice crédible et significatif pour caractériser la situation économique et sociale dans ce quartier.
Dans cette analyse comparative, il est question de quatre quartiers dont les indicateurs socio-économiques sont différents. Mais, on peut remarquer qu’entre ces quartiers, il y des similitudes comme il y a des divergences très manifestes.
C’est le quartier d’El Menzah qui est le mieux loti, suivi par El Mourouj dont les conditions de vie sont moyennes.
Mais, c’est à Kabaria et surtout à Sidi Hassine que les conditions socioéconomiques sont les plus difficiles.
S’il est certain que le degré de pauvreté et de marginalisation de la population dans ces quartiers peut expliquer une certaine tendance à recourir à la violence, il est, en revanche, erroné d’établir une relation directe de cause à effet entre les conditions de vie difficiles et la pratique de l’extrémisme violent.
La thèse selon laquelle les conditions économiques et sociales difficiles ne peuvent constituer à elles seules les facteurs déclencheurs à l’engagement dans l’extrémisme violent. Il n’en demeure pas moins que ces conditions peuvent être perçues par les jeunes comme une source de marginalisation et donc de violence à leur égard.