Observateur de la vie politique, économique et financière aidé par ma longue expérience dans le domaine de la banque et de la finance, expérience matérialisée par une série d’articles et d’essais, j’ai suivi avec intérêt les dernières déclarations de l’expert financier et ancien ministre du développement et de l’Investissement, Fadhel Abdelkefi.  

L’analyse présentée reflète une parfaite maîtrise des événements que traverse actuellement la Tunisie. D’ailleurs, Maurice BLONDEL ne disait-il pas que “L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare”. 

PAR HAMADI MOKDADI *

En effet, la vision du futur de Fadhel Abdelkefi repose essentiellement sur cinq idées force, à savoir :

– un nouveau modèle économique et social,
– une nouvelle approche du rôle de l’Etat dans les différents circuits de décision,
– la problématique de l’endettement et du financement du budget,
– la lutte contre le chômage et la pauvreté et l’insertion des jeunes dans la vie économique,
– la gestion des biens de l’Etat,
– un retour impératif de la confiance entre investisseurs, citoyens et les politiques ainsi qu’avec l’administration.

Dans cette dynamique, il a pu exposer plusieurs exemples très concrets sous forme de messages aux actuels décideurs.

Il déplore le fameux handicap d’explorer à bon escient les terres domaniales (problème foncier) ou encore les sites archéologiques ou touristique comme la karraka de la Goulette, pour lesquels il propose une concession pour les jeunes qui ne trouvent pas d’embauche dans leurs spécialités.

Il suggère la création d’un fonds foncier géré par l’Etat pour la réalisation et le suivi de tous les transferts de biens.

Il évoque aussi la restructuration des entreprises publiques, à l’instar de la STIR, la CPG, etc. Ce qui l’amène à évoquer, à juste titre, le cas de nombreuses réussites de privatisations qui ont marqué les esprits : les cimenteries, les banques (BS, UIB…), la distribution (Magasin Général…) pour ne citer que ces exemples.

Il fait d’autres propositions intéressantes : 

  • Résoudre l’épineux dossier de Sama Dubaï apres le succes du projet du lac de Tunis avec un retour sur investissement très apprécié par les bailleurs de fonds.
  • Mieux desservir l’aéroport de ennfidha par des trains par exemple et récupérer les terrains de l’actuel aéroport de Tunis carthage
  • Pour le phosphate et autres secteurs stratégiques, il propose l’ouverture du capital aux privés
  • Le transport, comme Transtu qui n’a pas le moyen d’augmenter le prix du ticket !!c’est un handicap aux investissements dans le secteur.
  • La très ancienne loi des changes devrait être mise à jour pour attirer le maximum de transfert de fonds de la diaspora tunisienne,
  • Quand aux promesses du 20/20 de 34 Mill de dinars, les pays donateurs tiennent encore leurs engagements mais attendent de voir les premiers coups de pioche !!!
  • Les travaux de rénovation de la grande mosquée okba à kairouan et la mosquée zaytouna et la construction d’un hôpital à kairouan par un don de l’Arabie saoudite sont toujours bloqués!!

Ceci étant, il demeure confiant dans le potentiel de notre pays à être compétitif et capable d’attirer des investisseurs étrangers. Toutefois, c’est à l’administration de s’adapter et d’être en mesure d’absorber ces IDE.

Il aborde aussi l’article 96 qui présente un handicap majeur bloquant les initiatives des dirigeants politiques et des entreprises publiques. C’est le cas du dédoublement de l’autoroute Siliana qui a pu être réalisé avec une prise de risque par les décideurs.

Analyse

Je suis intimement convaincu que les mêmes phénomènes se répètent depuis des décennies à une échelle gigantesque, bien que la société tunisienne soit faite d’institutions parentes, de mode de vie semblables, d’appartenance à une même religion et de souvenirs communs. Sachant que cette civilisation plonge dans un passé commun de l’héritage qu’il légua.

L’administration paie le frais de cette composante réputée donner une meilleure fluidité aux interventions de l’Etat dans tous les circuits socioéconomiques.

Les conséquences sont visibles : la grande industrie fortifiée alors que les PME/PMI s’écrouler et classe moyenne durement frappée et la population des villes profondes souffrent de manque de moyens pour mener une vie paisible et digne.

Par ailleurs, une industrie ancienne avec un outillage vieilli et qui a pris un retard technique sur des concurrents mondiaux qui ont su d’adapter.

Résultat : inévitablement une production industrielle de plus en plus cher sans concession de la part des patrons qui ne cèdent rien sur leurs profits, d’où une extension des grèves et du chômage.

Cette situation est aggravée par la politique financière et monétaire suivie depuis quelques années.

Sur l’échelle internationale, les pays cessent de se développer séparément. Les sociétés humaines ne peuvent plus s’isoler, car se retrancher du reste du monde constitue un acte suicidaire. Les échanges entre les peuples ont tissé des liens trop étroits.

La modernité impose aux pays en quête de développement d’emprunter les techniques et les méthodes des acteurs le plus avancés.

Ainsi, des questions difficiles à résoudre restent posées :

– comment s’assurer dans le futur un sentier de croissance soutenue ?
– quelle politique pour que la croissance ne soit pas sous l’effet direct de la modération de la demande ?
– quelles stratégies pour faire face aux contraintes croissantes sur la capacité de résilience de l’économie (productivité, accélération de l’inflation et compétitivité à l’export) ?

J’appelle donc à structurer un nouveau plan de développement ambitieux et vigoureux. C’est certainement la meilleure réponse à toutes les interrogations avancées par M.Abdelkefi.

Volet engagement politique

Monsieur Fadhel Abdelkefi est préoccupé par l’avenir de notre pays impacté qu’il est par la Covid-19, sachant que l’Etat n’a pas encore enregistré les dépenses générées par cette épidémie.

Quant à son adhésion à Afek Tounes, il déclare porter un projet politique, économique et social en vue de le proposer aux instances du parti lors de l’élection d’un nouveau président.

C’est tout un programme qu’il devrait soumettre au consentement de tous les adhérents de son parti et par ricochet de tous les Tunisiens le moment opportun.

Il faut bien s’accrocher à ses convictions. L’avenir nous le dira.

* Diplômé en 3ème cycle des universités parisiennes en économie, banque et finance. Ancien directeur de banque et PDG de diverses sociétés financières, formateur et auteurs de plusieurs articles et essais.