Reconnaître vocalement un mot du dialecte tunisien comme par exemple le mot “3asselama” et le traduire facilement et correctement sur Google, en anglais ou en d’autres langues, pourrait être désormais possible.
C’est l’un des objectifs du projet de “dataset” baptisé “Tunizi”, et développé par la start-up tunisienne iCompass, spécialisée dans l’intelligence artificielle, plus particulièrement dans le domaine du traitement du langage naturel (TLN).
Il s’agit d’une base de données qui comporte 9 000 phrases écrites en dialecte tunisien et qui regroupe le premier grand ensemble de données d’analyse du sentiment, utilisé sur les réseaux sociaux.
La finalité du projet et bien d’autres en voie de développement en Afrique et dans le monde arabe est de créer des bases de données annotées et développer et soumettre des ensembles de données de tout dialecte sous-desservi et sous-représenté en vue de les utiliser dans les futures applications de NLP comme la traduction automatique, les agents conversationnels (Chatbot) ou la reconnaissance vocale.
Pour l’intelligence artificielle, cette démarche est nécessaire parce que les ensembles de données annotés conditionnent désormais la réussite des algorithmes utilisés comme base d’apprentissage.
De l’Arabizi à “Tunizi”
En effet, les internautes adeptes des réseaux sociaux et du “chat” dans le monde arabe ont tendance à s’exprimer, dans leurs dialectes locaux, auxquels les égyptiens ont choisi le nom ” Arabizi “, un mot prononcé en arabe en mixant arabe et anglais (ÇäÌáíÒí+ÚÑÈí) .
Les études analytiques cherchent à explorer et à reconnaître les opinions en ligne dans le but de les exploiter à des fins de planification et de prédiction telles que la mesure de la satisfaction du client et l’établissement de stratégies de vente et de marketing. Cependant, ces études basées sur le Deep Learning sont gourmandes en données.
Or, les langues et dialectes africains y compris le dialecte tunisien, sont considérés comme des langues à faibles ressources.
Jusqu’à ce jour, il n’existe aucun ensemble de données de taille significative annotées sur le dialecte tunisien, selon iCompass.
Dans une enquête réalisée en 2018 pour évaluer la disponibilité des ensembles de données du dialecte tunisien, citée par iCompass, les auteurs ont conclu que tous les ensembles de données tunisiens existants utilisent des lettres arabes et qu’il y a un manque d’ensembles de données annotés sur l’Arabizi tunisien.
En 2014, un recueil multidialectal de cinq dialectes arabes (égyptien, tunisien, jordanien, palestinien et syrien) afin d’identifier les similitudes et les différences possibles entre eux, les résultats ont révélé que le dialecte tunisien a le moins de ressources et qu’il est nécessaire de créer des ensembles de données tunisiens pour des études analytiques.
Rendre le dialecte tunisien assimilable par les systèmes informatiques
Concrètement, iCompass a procédé à la collecte de données à partir des commentaires sur le réseau social Youtube.
Les vidéos choisies comprenaient des sports, de la politique, de la comédie, des émissions de télévision, des séries télévisées, des arts et des vidéos musicales tunisiennes de sorte que l’ensemble de données soit représentatif et contienne différents types d’âge, de formation, d’écriture, etc.
Selon Ahmed Nouisser, co-fondateur et CEO d’iCompass, “le principe général est d’offrir à l’écosystème tunisien, maghrébin et africain plus de datas annotés, appelés “datasets”, pour les exploiter dans le développement des recherches (sociales, scientifiques, humaines et autres…) “.
” Notre rôle est de travailler sur les langues et dialectes en Afrique pour rapprocher les peuples du continent à l’évolution technologique et à l’innovation “, a-t-il dit.
Il a expliqué à TAP, que l’intelligence artificielle ne peut se développer que s’il existe des datas annotées d’une taille significative, organisées et précises.
La start-up tunisienne œuvre, à cet effet, à développer Tunizi pour le rendre un très large Dataset annoté et le mettre à la disposition des chercheurs, des universités et d’autres structures d’analyses à travers les systèmes informatiques et l’intelligence artificielle, a encore indiqué Ahmed Nouisser.