À quoi nous aspirons en Tunisie? Est-ce que nous avons une ambition pour notre pays, une vision? De quelle Tunisie nous rêvons pour demain? Quelle Tunisie nous espérons laisser aux prochaines générations?
J’ai le sentiment que nous avons perdu le droit à l’ambition. Et ceci n’est pas permis dans un pays qui a fait tant de progrès depuis son indépendance, et qui doit aspirer à en faire davantage.
Le projet de loi de finances 2021 a été élaboré sur la base d’un certain nombre d’hypothèses dont un taux de croissance économique de 4%. Mais on nous avertit déjà que même ce taux pourrait ne pas être atteint. Certains critiquent même le projet de loi en considérant que ce taux est trop ambitieux et que cela ne sert à rien de continuer à élaborer un projet de loi de finances sur la base d’un taux de croissance économique « trop optimiste ». Où se trouve l’optimisme dans une telle hypothèse?
Il faut rappeler tout d’abord que la croissance économique se mesure en pourcentage par rapport à la période précédente. Donc le taux de croissance du PIB de 2021 se mesure en pourcentage d’augmentation du PIB de 2021 par rapport au PIB de 2020. Il faut rappeler aussi que l’on s’attend pour 2020 à un taux de croissance largement négatif, qui pourrait atteindre ou avoisiner les -10%. Ainsi, même si on prévoit un taux de croissance économique de +10% pour 2021, ce ne serait pas du tout ambitieux. On ne ferait que compenser la baisse observée en 2020 et revenir à fin 2021 au niveau du PIB de 2019 (oui 2019).
Où est donc l’ambition dans tout cela? Où est la Tunisie qui traçait des perspectives décennales, sur la base desquelles des plans quinquennaux étaient élaborés? Et sur la base des plans un budget économique (différent du budget de l’État) est élaboré, discuté et adopté annuellement. Et enfin, c’est sur la base de ce budget économique qu’est établi le projet de loi de finances et de budget de l’État.
En l’absence d’une telle cohérence au niveau national, chaque région semble chercher à identifier sa vanne et définir ses « aspirations » en conséquence. Le résultat est que le pays perd son pouvoir à avoir une ambition et ne sait plus dans quelle direction avancer.
Peut-on encore sauver notre pays. La réponse est oui, sans doute si l’on a la volonté sincère pour le faire.
Comme proposé et décrit à plusieurs reprises depuis plus de cinq ans, le sauvetage peut se faire en trois étapes:
1- un débat national devant aboutir à un diagnostic consensuel écrit de la situation. Ce débat ne doit pas durer plus que deux à trois semaines;
2- sur la base du diagnostic, il y a lieu d’élaborer un plan d’ajustement structurel permettant d’arrêter l’hémorragie. L’exécution de ce plan ne doit pas durer plus que 18 à 24 mois;
3- le plan d’ajustement structurel débouche naturellement sur un programme de grandes réformes qui peut durer en moyenne trois années.
POSSIBLE si nous pouvons encore avoir de l’ambition.
Ezzeddine Saidane