La dette publique tunisienne a quadruplé en 10 ans. Elle est passée de 25 milliards de dinars en 2010 à 100 milliards de dinars en 2020. Le taux d’endettement qui était aux débuts de l’an 2000 de 60% avait été réduit en une décennie à 40%, avant de remonter, depuis 2011, à 90% en 10 ans.

Le budget de l’Etat, pour l’année 2020, est passé de 47 milliards de dinars à plus de de 49 milliards de dinars. Pour l’année 2021, on prévoit un budget de l’ordre de 55 milliards de dinars, soit près de 50% du PIB (120 milliards de dinars). 

«Ce que nous voyons-là est totalement incohérent pour nous autres économistes, la cohérence des chiffres est importante et apparemment, elle n’entre pas en ligne de compte pour ceux censés gérer les finances publiques. Il faut avouer que l’incompétence que nous avons observée ces dernières années est ahurissante. Et ceux-là mêmes qui dénoncent la “corruption“ oublient que la mauvaise gestion des affaires de l’Etat, c’est aussi une forme de corruption car l’incompétence a détruit la Tunisie», explique Mohamed Souilem, ancien directeur général de la politique monétaire à la Banque centrale lors d’un forum économique organisé en marge du sit-in du Parti destourien libre (PDL), vendredi 27 novembre 2020.

Et c’est, entre autres, à cause de l’incompétence et très souvent de la mauvaise gestion que la Tunisie n’arrive plus à contrôler ses dépenses et exploiter ses ressources comme il se doit.

Pour boucler l’année 2020, la BCT s’est résolue à financer le budget de l’Etat à hauteur de 2,810 milliards de dinars en une seule fois et sans intérêts après adoption de la loi des finances complémentaire dont l’article 5 porte autorisation de l’ARP.

Pour le budget 2021, on s’attend à ce que le Titre II soit totalement absent, et sans investissements publics, le secteur privé traînera des pieds.

Quelle croissance dans ce cas et comment financer l’économie ?

Il sera difficile de lever des fonds à l’international avec une notation souveraine qui a reculé de plusieurs crans. Entre 2010-2020, la Tunisie a vécu une décennie noire sur les plans économique et des équilibres des finances publiques, et a reculé de 7 crans dans sa notation souveraine.  « La Tunisie était alors notée « Baa2 » par l’agence de notation Moody’s, « BBB » par S&P et Fitch, soit 7 crans de plus qu’aujourd’hui.

Quant au secteur bancaire, comme signifié par Moez Labidi, économiste, il est piégé entre le choc Covid-19 et la dégradation structurelle des fondamentaux macroéconomiques.

Le taux des créances accrochées en Tunisie avoisinerait les 20%, ce qui signifie que le 1/5ème des engagements des banques sont des créances non productives, sans parler de l’impact négatif sur la rentabilité.

Plus le gouvernement retarde les réformes, estime M. Labidi, plus l’économie se déforme (la réforme devient très difficile), et plus l’effort d’ajustement pèse sur la Banque centrale. « L’action de l’autorité monétaire pourrait sortir le pays provisoirement de l’impasse financière et de la crise de liquidité pour le plonger, très vite après, dans les méandres de l’insoutenabilité de la dette et du dérapage inflationniste. La situation est très délicate. Et il est urgent de réagir. Seule la rupture avec la main tremblante, avec le syndicalisme de blocage et avec le populisme, pourrait nous aider à échapper au pire des scénarios ».

Le gouvernement Mechichi osera-t-il ?

Les dernières déclarations du ministre de l’Intérieur à l’ARP ne sont pas rassurantes. Il a décrété que l’Etat n’agira pas contre les contestataires. Ce qui revient à dire que l’on peut fermer les sites de production, les vannes et barrer les routes sans aucun risque, puisque l’Etat et les différents gouvernements n’ont pas respecté leurs engagements et que les revendications des protestataires sont justifiées.

On aurait dit un ministre de l’Intérieur qui fait du militantisme et de l’opposition de l’intérieur du gouvernement, car même s’il soutient les revendications sociales, rien ne l’oblige à déclarer ses postures face à des mouvements sociaux dont beaucoup manipulés par des acteurs politiques aux desseins douteux.

Le pire des scénarios, nous sommes en plein dedans ! Des comités révolutionnaires dans toutes les régions du pays, aujourd’hui rassurés par les propos du ministre de l’Intérieur qui pourraient empêcher la STEG de distribuer de l’électricité et la SONEDE de l’eau parce qu’ils défendent une cause sociale.

What else !

A.B.A