La Tunisie marche sur la tête. Qui ne le sait pas ? C’est une lapalissade ! Un gouvernement non soudé, avec une partie des ministres non qualifiés mais choisis par une éminence grise sise à Carthage et dont le pouvoir, paraît-il, est tel que nous ne savons plus qui gouverne réellement notre pays. Un président complètement déconnecté de la réalité socioéconomique du pays et dont le point fort est un discours d’un tel populisme qu’il ne peut impressionner que ceux qui ignorent tout sur les subtilités de la gestion des affaires de l’Etat, ou encore ceux et celles émotives et facilement influençables qui pense que l’intégrité suffit pour diriger un pays.
L’ARP, elle, est l’arène des combats de coq et l’illustration parfaite de la précarité intellectuelle des élus. Une déficience patriotique associée à une tendance de plus en plus affirmée chez certains représentants du peuple opportunistes qui considèrent le parlement comme le lieu le mieux approprié pour servir leurs propres intérêts ou encore l’exutoire de leurs propres démons !
Aux dernières nouvelles, Samia Abbou du parti Attayar a déposé une requête pour le retrait de la loi de finances complémentaire 2020 pour inconstitutionnalité.
Selon “Al Bawsala“, l’ARP a voté, durant 7 ans, 42 lois dont 36 toutes relatives à des accords de prêts ou des conventions sans effort législatif majeur. Soit “une absence claire de volonté politique continue pour entamer les chantiers institutionnels et les réformes urgentes“. Une volonté qui s’exprime rapidement dès qu’il s’agit de bloquer le pays, comme c’est le cas aujourd’hui à travers la remise en cause de la loi des finances complémentaire à cause de l’article 4 de ladite loi qui aurait “révolté“ les âmes pures du parti Attayar considérant qu’il accorde à l’Administration la latitude d’arbitrer les conflits fiscaux sans recourir à la justice, d’où un risque de népotisme et de malversation.
Mais les batailles aux articles de loi ou des statuts ne se limitent pas à l’ARP, elles sont féroces au sein des partis ou encore et -au grand dam des syndicalistes- à l’UGTT.
Ainsi, au parti tunisien des frères musulmans (Ennahdha), réputé pour être très uni, l’article 31 où sa possible non application, a déclenché une guerre des tranchées, des écrits dénonciateurs du refus de Ghannouchi de céder la présidence du parti après avoir épuisé ses deux mandats. Un Ghannouchi pour lequel les pratiques démocratiques ne s’appliquent pas aux grands leaders (sic) comme lui.
La démocratie, c’est fait pour les autres !
Conséquence, le congrès d’Ennahdha a été renvoyé aux calendes grecques, celui qui se prend pour un prophète et qui tient la Bourse et les relations extérieures du parti avec les membres de sa famille campant sur ses positions. Les observateurs s’attendent à l’éclatement du parti islamiste que l’exercice du pouvoir a usé rapidement, en trois mouvements au moins.
Le mouvement des nahdhaouis “éclairés“ qui réalisent que, pour résister à l’épreuve du temps, il est impératif pour eux de muter vers un parti conservateur non adossé au socle religieux et capable d’attirer les compétences tunisiennes pour la construction d’un projet sociétal à même d’allier culture arabo-musulmane, progrès et modernité.
Un autre mouvement, celui des “extrémistes“ du parti qui se sentent trahis par le jeu mesquin de Ghannouchi qui sert ses discours à la carte selon que l’on soit djihadiste ou conciliant.
Le troisième est celui des “alliés inconditionnels“ de l’actuel président du parti, dont Noureddine Bhiri, qui livrerait une guerre à ceux qui se battent pour l’application de l’article 31 -parce que le favori de Ghannouchi pour le poste de secrétaire général. Pour ces gens-là, tant qu’il ne s’agit pas de coran, toutes les lois ou les articles statutaires peuvent être révisés.
Quid à l’UGTT ?
Autre lieu et mêmes règles : “l’article 20” des statuts de la centrale syndicale ouvrière. En effet, à l’UGTT, Noureddine Taboubi est confronté à une grande résistance de la part de certains membres du bureau exécutif à propos d’une probable révision de cet article pour lui permettre de briguer un troisième mandat consécutif de cinq ans au bureau exécutif issu du prochain congrès national prévu en 2021.
Conflit sur les statuts et non application des statuts
Alors que pour Noureddine Taboubi il s’agit d’assurer la continuité dans un climat socioéconomique et politique délétère pour le pays, les opposants à l’amendement estiment que si cela venait à se faire, on annoncerait la fin des pratiques démocratiques au sein de l’UGTT qui n’a jamais fait défaut à ses valeurs et à son éthique. Un précédent dont les conséquences pourraient être désastreuses sur la centrale dont la priorité est aujourd’hui de récupérer ses bases devenues indisciplinées et chez lesquelles les allégeances politiques sont en train de prendre le pas sur le travail syndical.
A l’UTICA, par contre, c’est la non-application des statuts qui prévaudrait. Nombreux sont les adhérents de la centrale et les présidents des fédérations qui commencent à se plaindre de l’absence totale de communication au sein de la centrale patronale. Aucun bureau exécutif n’a eu lieu, aucun conseil des Fédérations ou comité directeur ne s’est réuni même pour approuver le budget de l’UTICA, ce qui relèverait du pénal.
Ces tensions arrivent au moment où la Tunisie a besoin de sérénité et de paix au sein d’institutions aussi importantes que l’UTICA et l’UGTT pour trouver des solutions à une économie en berne.
Amel Belhadj Ali