Le secteur touristique vit actuellement une crise sans précédent en partie en rapport avec la Covid-19 et les mesures prises qui n’ont fait qu’aggraver une situation déjà difficile.
Le tourisme local a été particulièrement impacté, comme l’atteste la grave récession dans la zone Tozeur-Kébili, ce qui a eu de terribles incidences sur les travailleurs et l’ensemble des intervenants dans le secteur, dont les agences de voyages, les artisans et les autres métiers.
Zone Tozeur-Kébili : de mal en pis
Dans ce cadre, Adel Dhouibi, membre de la Fédération régionale du tourisme de Tozeur affiliée à la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), souligne que la situation n’est pas seulement alarmante, mais elle va de mal en pis. Selon lui, le tourisme saharien est une activité saisonnière qui permet d’animer la région dans des proportions acceptables et offre aux professionnels la possibilité de réaliser des résultats au diapason de leurs obligations.
Un secteur quasiment à l’arrêt
Après la révolution, et bien des années avant ’apparition la pandémie de coronavirus, près de 50% d’établissements hôteliers ont fermé, a-t-il ajouté. Avec la pandémie, dit-il, cette proportion a atteint les 98%. Depuis décembre 2019, le secteur est quasiment à l’arrêt, et même les 2% encore ouverts ne fonctionnent que de façon limitée.
Et Adel Dhouibi d’ajouter : « Lorsqu’on évoque le tourisme, l’on ne parle pas seulement des unités touristiques qui en forment l’ossature, mais aussi des agences de voyage, du secteur de l’artisanat ainsi que d’autres secteurs connexes. Aujourd’hui notre secteur est sinistré, puisque sa locomotive est paralysée. Les autres composantes souffrent autant et sont également impactées. Si pour les unités hôtelières installées sur le littoral, les conditions spécifiques et la nature permettent aux jeunes travailleurs de se rabattre sur d’autres métiers leur offrant le minimum requis même à titre temporaire, ce n’est pas le cas pour les jeunes des régions du sud et de l’intérieur du pays qui n’ont pas de ressources de remplacement… ».
En effet, alors que la saison estivale booste le tourisme, les voyages et l’artisanat dans les autres régions, elle constitue la saison morte dans les zones du sud en raison des conditions météorologiques extrêmes, continue-t-il. « Nous attendons l’hiver pour que le tourisme connaisse son dynamisme, mais il n’en est rien cette année, puisque tout le secteur est paralysé, y compris le commissariat régional du tourisme qui est quasiment à l’arrêt faute d’activités ».
6 000 emplois “perdus“
Et le membre de la Fédération régionale du tourisme de Tozeur de conclure : « Nous ne nous exprimons pas et nous ne proclamons pas nos revendications par des protestations, par le blocage des routes ou d’autres, bien que notre secteur compte 6 000 emplois directs lesquels sont considérés comme “disparus“, sans compter les emplois indirects en rapport avec l’état du secteur. En attendant que la conjoncture change, nous demandons au gouvernement de consacrer dans l’immédiat des aides matérielles directes aux travailleurs du secteur (au moins 200 dinars par mois) pour alléger les effets du chômage et leur accorder le minimum vital. Pour nous les professionnels, des négociations sont en cours avec l’UGTT, le gouvernement et les banques en vue de parvenir à des solutions radicales à nos problèmes qui vont se situer dans le cadre de la somme dont nous avons appris qu’elle sera allouée pour soutenir le secteur touristique dans son ensemble (500 millions de dinars, parait-il) et lui permettre de surmonter l’épreuve et ses difficultés aigues. Nous espérons en être une partie-prenante, car nous sommes une composante effective du secteur. Notre situation aujourd’hui est effrayante et difficile et les mots ne peuvent décrire ce qu’il en est réellement. Je le résume dans une phrase qui veut tout dire : si la situation dans les zones côtières est difficile et étouffante, elle est dans les zones de l’intérieur (ici à Tozeur et à Kébili particulièrement) elle est irrespirable, mortelle et annonciatrice d’une catastrophe imminente ».
La zone Tabarka-Aïn Drahem impactée
A l’instar d’autres régions de l’intérieur, la zone Tabarka-Aïn Drahem est elle aussi impactée par la crise sanitaire. Cette région attire particulièrement les touristes d’Algérie voisine ainsi que des touristes européens qui choisissent d’y passer les fêtes de fin d’année ou s’adonner à la chasse au sanglier.
Nabil Ben Abdallah, représentant de la FTH dans la zone du nord-ouest, a souligné que toutes les unités touristiques sont dans une situation critique. Cependant, une exception : l’unité touristique appartenant à un état du Golfe qui emploie 360 personnes qui n’ont pas à souffrir des conditions économiques et sanitaires du pays et qui reçoivent leurs salaires de façon régulière, du fait que ses propriétaires la soutiennent de manière continue.
Nabil Ben Abdallah assure tout de même que le secteur connaît une certaine animation au cours de la dernière période, et que l’activité est stagnante dans la plupart des unités touristiques, mais cela n’a pas empêché des clients de s’y trouver au cours des week-ends. Ce n’est pas suffisant au vu de ce que les professionnels doivent payer comme cotisations sociales, impôts, salaires et règlements des factures d’eau et d’électricité et remboursement de prêts et autres dettes et dépenses.
Devant cette situation difficile, la plupart des professionnels ont été contraints de fermer leurs unités touristiques et on ne sait pas si cela est de façon permanente ou temporaire. Beaucoup de Tunisiens en ont assez de cette situation et ont décidé de rompre certaines procédures pour se rendre dans les hôtels afin d’y passer le week-end au moins étant entendu que les professionnels adhèrent au protocole sanitaire à 100%. D’ailleurs si des clients viennent pour la fin de semaine, il n’y a presque personne au cours des autres jours.
Quid des fêtes de fin d’année ?
Nabil Ben Abdallah ajoute : « Par nos amis en France, on a appris que les Français ne sont pas soumis au couvre-feu comme chez nous et qu’ils coexistent avec le confinement. Leur gouvernement leur a permis de se déplacer pour les fêtes de fin d’année (Noël et le Jour de l’an) que certains ont pris l’habitude de passer chez nous. Nous avons d’ailleurs reçu dans ce sens des demandes de réservation, mais nous ne savons pas si nous devons les accepter ou les refuser étant donné l’étrange ambiguïté des décisions de notre gouvernement ».
Ainsi, nous n’avons pas compris la poursuite du couvre-feu jusqu’au 30 décembre ? Allons-nous revenir à une vie normale après cette date ?, s’interroge-t-il. Et si c’est le cas, pourrions-nous accueillir les touristes européens pour la fête de fin de l’année ? Donc, nous n’avons pas répondu à leurs demandes et nous ne savons pas s’ils vont venir ou pas. Sincèrement, la situation est autant difficile que déconcertante. Les professionnels rencontrent de grandes difficultés, pas seulement ici mais dans toutes les régions du pays, explique Ben Abdallah.
La pire période depuis l’indépendance. Que faire ?
Pour Nabil Ben Abdallah, «le secteur touristique de façon générale vit sa pire période depuis l’indépendance. La pandémie n’a fait qu’aggraver la situation et les professionnels sont dans le désarroi, car nombre d’entre eux ne savent pas s’ils vont continuer leurs activités lorsque la situation revient à la normale, ou s’ils vont fermer les portes de leurs unités et s’adonner à autre chose. Mais ce qui provoque le malaise chez les professionnels, c’est la non mise en place par l’Etat d’une stratégie claire pour sauver le secteur considéré pourtant comme vital puisqu’il contribue par une part importante dans l’économie nationale et emploie des milliers de personnes de façon directe ou indirecte. Par sa stagnation, de nombreux segments risquent de dépérir. La politique, conjoncturelle mais aussi à long terme, est ambiguë. Nous ne savons ce qui va advenir demain, que dire de ce qui risque d’arriver dans plusieurs mois. Nous ne demandons pas l’impossible et nos problèmes sont semblables dans la plupart des régions. On demande à l’Etat d’être à nos côtés au cours de la période actuelle et qu’il nous aide à surmonter la crise globale que nous traversons…».