Le Japon renforce son initiative TICAD au service du développement de l’Afrique. Le lead de TICAD 8 est confié à la Tunisie. Enfin ! Une rampe de lancement pour aider le pays à redéployer son secteur exportateur. Une sortie par le haut pour une économie qui étouffe intra muros.
La Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique “TICAD“ (en anglais Tokyo international conference on african development) en est à sa huitième édition. Ses travaux ont été étrennés la semaine dernière à Tunis à l’initiative conjointe de la Chambre mixte tuniso-japonaise et de l’ambassade du Japon à Tunis.
La TICAD 8, à bien des égards, apparaît comme une opération providentielle. C’est une promesse d’éclaircie dans ce ciel encombré par les retombées de la crise sanitaire pour l’ensemble du continent. Auxquels il faut ajouter dix années d’errance économique (pour la Tunisie) dans les péripéties d’une transition qui n’en finit pas.
Un concept “Fair play“
C’est parti pour la TICAD 8 ! Son agenda (les préparatifs entre autres) s’étalera sur deux ans, et l’événement, après ce temps de maturation se tiendra à la fin du mois d’août 2022 à Tunis. La TICAD se veut en rupture avec le cadre de la coopération traditionnelle qui fait des pays donateurs des donneurs d’ordre vis-à-vis des pays récipiendaires.
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Le Japon transfère la maîtrise d’œuvre aux pays africains eux-mêmes selon le principe dit “ownership“. C’est un concept fair play qui fait confiance aux pays partenaires. Il faut regarder la TICAD tel un mécanisme (un peu) similaire au Plan Marshall. Bien d’autres initiatives internationales ont été mises sur pied. C’est notamment le cas de la Route de la soie, lancée par la Chine en 2000. Pareil pour le plan américain “Prosper Africa“ en 2020. Ainsi en est-il également du forum Turquie-Afrique en 2016, ou bien celui russo-africain en 2019.
La TICAD est le plus ancien car il remonte à 1993. Outre cela, il se démarque de tous parce en écartant la composante hégémonique. L’idée est qu’il apporte de la technologie et du financement, et c’est à l’Afrique de faire son business. C’est une coopération de cogestion et non directive.
En réalité, l’effort de développement à la charge des pays africains devient comme un acte d’émancipation économique. La finalité est de les affranchir de toute tutelle étrangère pour leur développement. Et même si le pari n’est pas gagné d’avance, le jeu vaut la chandelle.
Un leadership tunisien
Le Japon a choisi la Tunisie pour conduire à bon port la TICAD 8. Cinq secteurs d’activité ont été sélectionnés à cet effet, à savoir les IT, la santé, les énergies renouvelables, l’agriculture bio et celui des infrastructures. Il reviendra à la Chambre mixte tuniso-japonaise d’identifier les meilleurs opérateurs nationaux du secteur. C’est-à-dire ceux qui sont compatibles avec leurs homologues japonais intéressés par le deal.
L’attelage conjoint entre entreprises tunisiennes et japonaises devrait formaliser des projets de partenariat avec des entreprises africaines intéressées par cette offre et qui se déplaceraient à Tunis au mois d’août 2022.
Que le Japon en toute spontanéité mais également en toute connaissance de cause ait élu la Tunisie comme conducteur de l’opération c’est un geste du ciel en ce moment où notre pays doute d’elle-même. Les opérateurs tunisiens n’espéraient pas une reconnaissance de standing de la part du géant japonais. Ce dernier ficèle l’opération dans son ensemble.
Les entreprises japonaises engageront leur potentiel technologique, et l’Etat japonais procurera les fonds nécessaires. Lors de la TICAD 7, près de 20 milliards de dollars US ont été récoltés. Cela donne du champ à cette initiative. Ce geste est à caractère providentiel. Alors que le pays étouffe sur son marché domestique et qu’il ne trouve pas la voie d’un nouveau modèle de développement pour repartir de bon pied, voilà la TICAD. Mais c’est autant une aubaine qu’une mise à l’épreuve car il faut pouvoir finaliser le projet.
Une vision, une stratégie et un plan d’action
La relation de la Tunisie avec le reste du continent est pertinente dans sa formalisation. Elle y a vu sa nouvelle frontière. L’idée est audacieuse mais reste figée. L’ambition a manqué. Le pays s’y est construit une notoriété. Hélas les réalisations économiques n’ont pas suivi. La panne entrepreneuriale a été prolongée. Enfin, le secteur privé a dû se résoudre à jouer son rôle et s’est lancé dans l’exploration du terrain.
Quelques percées méritent d’être citées. La SCIT a fait une avancée commerciale courageuse. TunInvest a construit un réseau de partenariats financiers. SOROUBAT et la STEG International ont réalisé quelques chantiers d’infrastructure. La BH a transposé l’épargne logement dans certains pays subsahariens. Mais il n’y a pas eu une dynamique d’ensemble et l’offre manque toujours de consistance. Et voilà que le Japon nous insère dans sa TICAD 8 comme team leader.
Cette initiative est meublée avec un soutien technologique et un apport financier japonais. Cela représente beaucoup de moyens. Le secteur privé saura-t-il étoffer son offre à l’adresse de ses homologues continentaux en se construisant une vision, en se donnant une stratégie et en proposant un plan d’action ? Tout notre cogito a porté sur la mutation vers un nouveau modèle de développement avec un Etat stratège et un secteur privé entreprenant. La TICAD se présente à nous comme le levier idéal pour réaliser cette conversion salutaire. Le délai de maturation de 2 ans nous semble raisonnable pour apprêter le secteur exportateur au redéploiement, lui qui étouffe, aujourd’hui, dans son espace traditionnel.
Ali Abdessalem