Après neuf ans de travail en Tunisie et au-delà des frontières nationales, l’année 2021 sera celle de la labellisation de l’association tunisienne “Saveur de mon pays”.
Le couronnement de ces efforts est prévu pour le mois d’avril 2021 à l’occasion de la première édition du Festival international de la gastronomie traditionnelle qui se tiendra à Sfax avec le lancement du label “Traditions et héritage culinaire” qui est la raison même de la naissance de l’association “Saveurs de mon pays”. C’est ce qu’a annoncé Latifa Khairi, la présidente de l’association, qui s’exprimait dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Elle évoque un parcours plein de défis qui ont été relevés en dépit des nombreuses difficultés rencontrées jusqu’à parvenir à faire sauter tous les verrous.
N’ayant aucune subvention de l’Etat, l’association a, contre vents et marées, œuvré depuis sa création en 2012 à sauvegarder de façon concrète une gastronomie authentiquement tunisienne mais menacée de l’oubli, et à valoriser comme il se doit la cuisine du terroir au moment où d’autres associations qui ont eu le privilège du soutien étatique, ne font en vrai que mettre en avant la cuisine internationale, précise Latifa Khairi.
Absorbée par l’organisation de la quatrième édition du festival maghrébin du couscous (20-27 décembre 2020) Latifa Khairi évoque avec beaucoup de passion le parcours voire de l’aventure de “Saveurs de mon pays” dont l’objectif est de rendre la Tunisie une destination culinaire et de mettre la gastronomie nationale au devant de la scène Internationale.
Un riche héritage culinaire mais non valorisé
Entre 2012 et 2020, ce sont des séjours dans les 24 gouvernorats du pays et des voyages à l’étranger qui ont jalonné son parcours et amené l’association à développer ses actions pour attirer les adeptes du fin palais à découvrir les saveurs méconnues ou peu connues et les plats de la cuisine tunisienne ancestraux soigneusement préparées aujourd’hui grâce à des ingrédients locaux sélectionnés avec soin par des femmes rurales et savamment revisités par des chefs cuisiniers aux compétences avérées.
Guidée par le désir ardent de préserver jalousement l’art culinaire authentique de la Tunisie profonde et à le faire découvrir aux tunisiens, aux visiteurs et aux touristes, l’association s’emploie à travers ses participations à des événements et des compétitions à l’échelle nationale et internationale à relever les plats classiques et stéréotypés de la cuisine tunisienne tel qu’ils sont présentés dans les cartes des restaurants ou des hôtels. “La cuisine tunisienne est très variées et ses richesses dépassent le simple couscous, brik ou le plat tunisien” insiste-t-elle.
Née en juin 2012, l’association “Saveurs de mon pays”, rappelle Khairi, avait comme premier objectif de se déplacer dans les régions et de dénicher de visu les richesses cachées du terroir de notre pays. Chaque région, chaque ville et même chaque patelin possède des spécialités propres et des mets typiques.
Jalousement gardées par les grand-mères et les familles, comme un trésor, les recettes ancestrales de ces plats spécifiques ne sont plus transmises avec la fidélité nécessaire et tombent parfois dans l’oubli total, et avec elles c’est un pan de notre histoire et de notre mode de vie traditionnel qui risquent de disparaître, s’inquiète-t-elle.
A travers des rencontres, séminaires, séances de dégustation ouvertes à tous, l’association s’est, par le biais de ces actions, employée à encourager le retour aux sources en faisant revivre la richesse du patrimoine culinaire tunisien et à le faire découvrir aux plus jeunes en excitant la curiosité et les papilles de chacun, en créant une synergie entre les acteurs du terroir, de la gastronomie et des artisanes qui se sont trouvées connectées pour la préparation de ces mets qui représentent une niche commerciale.
En effet, faire de la gastronomie et du terroir des supports d’actions sociales, c’est un autre but de l’association, a-t-elle relevé.
Soutenir les acteurs locaux en apportant des solutions, durables tels que l’auto-entreprenariat, la formation, le lancement de micro-entreprise, la recherche d’investisseurs pour mettre en action les régions, est un noble objectif que l’association “Saveurs de mon pays” s’est assignée comme ambition.
Dans ses travaux de recherches menés du nord au sud du pays, l’association travaille en amont avec des associations locales dans chaque région pour préserver la mémoire collective en matière d’art culinaire et de gastronomie. Le travail a nécessité beaucoup d’efforts dès le départ, mais “Saveurs de mon pays” a tenu le coup en poursuivant sa mission en dépit d’un soutien qu’elle a longtemps sollicité auprès des ministères Affaires culturelles et du Tourisme en vain.
Le tournant
En 2014, un tournant décisif a marqué l’action de l’association avec l’arrivée du chef Nebil Rokbani à la rescousse, en rejoignant l’équipe de recherche. C’est à ce temps-là, souligne Khairi, “que nous avons réellement commencé le travail structuré de l’identification et de la normalisation des recettes authentiques “.
“En janvier 2014, on a dû créer une deuxième association “Maîtres des saveurs et gastronomes de Tunisie” (dont Nebil Rokbani est le président-fondateur) pour pouvoir obtenir la représentation du World Chefs qui est une fondation de grande renommée et qui nous sert de moyen pour introduire la cuisine du terroir tunisien dans la gastronomie internationale”, indique-t-elle.
Représentant officiel du World Chefs donc, l’association “Saveurs de mon pays” a agrandi son périmètre de recherches, d’une part, et a pu obtenir plusieurs sponsorisations généreuses de parties privées (femmes chefs d’entreprise, hommes d’affaires, hôteliers, restaurateurs, tisseurs, etc.), d’autre part. A partir de 2016, l’association s’est lancée dans une autre aventure, à savoir la création des festivals dédiés notamment le “Festival maghrébin du couscous”, le “Festival international du pain”, le “Concept tablier d’or” et le “Tunisian Culinay Award”.
C’est ainsi que le but de l’association s’est développé au fur et à mesure pour mettre en valeurs des recettes que les habitants des régions consomment tous les jours comme El Barkoukech de Gabès, le plat traditionnel la Chakhchouka de Siliana, le Borzgen Keffois, le Telechtet et Ennjara de Bizerte.
Il s’agit aussi de connecter les régions à travers l’échange de leur patrimoine culinaire. Venant du milieu import et export, Latifa Khairi espère à long terme que cette manière de mettre en avant la cuisine locale serait un tremplin pour l’export sur le long terme.
Le Festival maghrébin du couscous 2021
Actuellement, l’association qui a remporté le titre de “Championne du monde en 2017” en Turquie de la gastronomie traditionnelle, prépare actuellement la quatrième édition du “Festival maghrébin du couscous” qui prend de l’ampleur attestée par l’augmentation du nombre d’adhérents, a-t-elle mentionné.
Pour cette quatrième édition qui garde toujours son aspect compétitif, le volet culturel “Couscous Débats” aura pour thème “Le couscous, entre le passé et le futur” organisé dans le sillage des activités liées au dépôt du dossier de candidature du coucous pour figurer sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.
L’idée est de mettre à jour les multiples variétés de couscous, encore méconnues tels que le couscous Guerfala aux poulpes, spécialité d’un petit patelin dans l’île de Kerkennah et le couscous sorgho à la Chelba.
D’ailleurs ces deux plats seront au menu de la dégustation du festival maghrébin du couscous qui se tiendra le 20 décembre à Tunis. Après ces deux plats, les convives auront à savourer le menu d’un grand gelatier de la Marsa qui va offrir en dessert la glace couscous tunisien avec les arômes et les saveurs du masfouf.
Il n’empêche, tenir le festival malgré la crise du coronavirus est un autre défi à relever. L’édition 2020 se tiendra le 20 décembre à Tunis au Carpe Diem, et du 23 au 27 au Sahel à Sousse, Monastir et Mahdia après la ville de Bizerte qui l’a abrité l’année dernière.
Toutes les mesures du protocole sanitaire seront respectées en ne dépassant pas le nombre autorisé des participants en concertation avec les parties concernées.