Aux commandes de l’Agence Tunisienne de l’Internet (ATI) depuis 2018, Moez Maaref revient, dans cette interview, sur le renouveau qu’a connu cette institution depuis la Révolution du 14 janvier 2011.
Créée le 12 mars 1996 et considérée comme un instrument de censure sous l’ère Ben Ali, l’ATI est devenue un acteur majeur de la transition digitale en Tunisie, grâce notamment aux nouveaux produits et services qu’elle propose à ses clients.
Cependant, cette agence continue à être gérée comme une administration, et ce en raison d’un flou juridique qui entoure son statut, selon Moez Maaref.
Dix ans après la Révolution, l’ATI a réussi à rompre avec cette image de censeur, en consacrant un internet libre, ouvert et accessible. Quels sont les nouveaux produits que vous proposez pour accompagner les organismes du secteur public dans leur transformation digitale ?
Moez Maaref: Nous avons entamé ce processus d’accompagnement, il y a maintenant quatre ans, lorsque nous avons lancé la solution ” Elyssa ” pour la gestion électronique du courrier administratif. Adoptée jusque-là par sept ministères, cette solution technologique innovante permet de numériser les bureaux d’ordre, en organisant et en gérant les courriers physiques reçus et de les stocker sur une plateforme sécurisée.”
Elyssa ” garantit une meilleure traçabilité et la transparence du traitement du courrier et offre la possibilité d’économiser du temps, du carburant et des ressources humaines. Elle permet aussi de réduire de plus de 60% la consommation en papier et en encre.
Outre cette solution, nous avons développé ” E-Meeting “, une application de visioconférence 100% tunisienne destinée aussi bien aux établissements publics qu’aux entreprises.
Contrairement aux applications internationales ” Zoom ” et ” Tims ” qui demeurent onéreuses, E-Meeting est proposée à des prix très compétitifs, hormis le fait qu’elle soit hébergée en Tunisie.
Parmi les autres nouveaux produits, l’agence vient de lancer aussi ” My documents “, une solution pour la signature électronique des documents administratifs. Avec cette solution, le citoyen n’est plus contraint de se déplacer pour légaliser une signature, il peut effectuer cette opération en ligne et en quelques minutes.
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Votre agence a signé en avril dernier une convention de partenariat avec la Fédération des villes tunisiennes visant à digitaliser les municipalités. Quels sont les services que vous proposez dans le cadre de cette convention ?
Nous proposons, dans le cadre de cette convention, différentes solutions innovantes développées par des startups tunisiennes, à l’instar de Baladyati -qui est une application visant à consacrer la citoyenneté participative.
Conçue par Arsela, une startup basée à Sousse, cette application mobile permet aux citoyens, sans se déplacer, de signaler les problèmes et les irrégularités qu’ils rencontrent dans leurs communes.
Jusque-là, une vingtaine de municipalités ont adhéré à ce projet qui est en cours de déploiement. Nous avons, également, établi un nouveau partenariat avec la startup 2BK Innovation qui a développé une solution dont l’objectif est d’améliorer la collecte et la gestion des déchets, en optimisant le parcours des camions à ordures ménagers.
Actuellement, nous sommes en train de collaborer avec une autre startup tunisienne qui est à l’origine d’une solution digitale visant à améliorer la gestion des files d’attente dans les établissements hospitaliers publics.
Malgré ce renouveau, l’ATI se heurter encore aujourd’hui à une problématique liée à son statut juridique. Pourriez-vous apporter des éclaircissements à ce sujet?
Lorsque j’ai pris les rênes de l’ATI en 2018, j’ai constaté que cette agence était gérée comme une administration, où la gouvernance était absente. Son chiffre d’affaires était en déperdition.
Cette situation est imputable à un vide juridique que connaît l’agence. En effet, depuis la privatisation d’une partie du capital de Tunisie Telecom qui est l’un de nos actionnaires (35%), notre agence a perdu son statut 100% public.
Malgré ça, l’ATI reste encore soumise aux dispositions du décret n° 910 de 2005 qui l’identifie en tant qu’entreprise 100% publique, alors qu’il s’agit d’une entreprise publique de droit privé.
Face à cette confusion, nous nous sommes retrouvés incapables de mettre en place une stratégie de réforme claire.
C’est pour cette raison qu’il est impératif aujourd’hui de mettre fin à ce flou juridique lié au statut de l’ATI.
Pour cela, il faut une décision politique courageuse, car une entreprise qui est gérée comme une administration n’est pas en mesure d’apporter de la valeur ajoutée et deviendra à terme un gouffre financier, comme c’est le cas actuellement de nombreuses entreprises publiques en Tunisie.