L’effort national de lutte contre le blanchiment des capitaux, la fraude fiscale et le financement du terrorisme ont certes abouti au retrait de la Tunisie de la “liste des pays sous la surveillance du GAFI”, mais la vigilance est toujours de mise. Toutes les autorités et structures concernées par ces dossiers ainsi que les personnes physiques et morales sont appelées à coopérer davantage et à dénoncer les soupçons de blanchiment d’argent et toute pratique illicite. C’est l’invite lancée, mercredi 16 décembre 2020, par les responsables de la BCT qui intervenaient à une visioconférence consacrée à la présentation du rapport d’activité 2018-2019 de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF), sous la présidence du gouverneur de la BCT, Marouane El Abassi.
Selon le président de la CTAF, Lotfi Hachicha, les années 2018-2019 ” constituent le point de départ de la coopération entre la CTAF et les entreprises et professions non financières désignées et leurs autorités de tutelle. Plusieurs objectifs ont été atteints, principalement la publication des textes réglementaires, l’organisation de journées de sensibilisation, la conduite des inspections en matière de LBA/FT (blanchiment d’argent-financement du terrorisme) par les inspecteurs des autorités de tutelle et la réception de déclarations de soupçon (DS) “.
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Dans le concret, la CTAF a gelé l’équivalent de 86 millions de dinars dans le cadre de sa démarche préventive contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Elle a fait observé, à la clôture de ses travaux, que 78% des dossiers traités en 2019 pour motif de blanchiment d’argent, étaient encore au stade d’empilement ou de dispersion, contre 64% en 2018.
Plus d’un millier de déclarations de soupçon reçues
Par ailleurs, 29% des dossiers traités en 2019 étaient au stade de l’intégration contre 20% en 2018.
La Commission a reçu, durant ces deux années, 1 112 déclarations de soupçon (DS), dont 245 dossiers ont été traités et 710 dossiers ont été envoyés aux autorités compétentes. La plupart des déclarations de soupçon (36% en 2019) concernent la fraude et l’usage de faux, 29% concernent la contrebande et 12% concernent la corruption.
” Bien que le nombre de DS reçues par la CTAF en provenance des banques représente 86% des flux déclaratifs et a poursuivi sa progression en 2019 pour atteindre 89%, il importe de marquer l’amorce d’un effort déclaratif de la part des autres assujettis, dont notamment les Entreprises et professions non financières désignées (DNFBP) “, lit-on dans le rapport de la CTAF.
La commission impute cette ” évolution favorable ” à l’effort continu déployé par la CTAF en matière de formation et de communication auprès des assujettis, en vue de les sensibiliser quant aux enjeux de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBA/FT).
Elle l’explique aussi, par les missions d’inspection effectuées par les différentes autorités de contrôle et de régulation. Le rapport montre que ce sont les personnes physiques qui accaparent 71% du total des DS reçues en 2019 contre 75%, une année auparavant.
Un système informatique pour détecter les opérations douteuses
” L’année 2019 a été marquée par une augmentation des DS reçues aux noms de personnes physiques, culminant à 421 contre 386 déclarations en 2018, soit une hausse de 9%. Aussi, le nombre des DS reçues aux noms de personnes morales a enregistré une hausse de 34% pour s’établir à 176 déclarations contre 129 déclarations, une année auparavant “.
L’auteur de la déclaration doit s’abstenir d’informer la personne concernée de la déclaration dont il a fait l’objet et des mesures qui en ont résulté. La CTAF et la BCT plaident, en effet, en faveur de l’installation auprès des établissements financiers d’un système informatique performant permettant de détecter les opérations douteuses, la dotation des services de conformité et de contrôle interne de ces établissements, des prérogatives nécessaires et des ressources et moyens indispensables à leur travail.
Le gouverneur de la BCT, Marouane Abbassi, a évoqué lors de la visioconférence, le processus de decashing, l’enjeu de la digitalisation et les moyens de lutte contre l’informel, là où l’on peut détecter le plus de malversations financières.
Il a déclaré à cet effet ” si on entre dans le paiement digital et l’interopérabilité, on peut traiter tout avec la célérité requise. Il faut que toutes les administrations concernées par le cash informel coopèrent pour cerner le phénomène. Avec moins de fiscalité aussi, on peut intégrer l’informel dans le formel et on est en train de travailler sur cela avec les parties et les départements concernés”.
Un plan d’action pour consolider l’arsenal institutionnel tunisien
Pour mémoire, le Groupe d’action financière (GAFI) a arrêté, en 2017, pour la Tunisie, un plan d’action pour consolider non seulement son arsenal institutionnel, juridique et réglementaire, mais surtout pour en améliorer l’effectivité.
Il a été procédé dans le cadre de ce plan, durant 17 mois, à la création du registre national des entreprises (pour permettre la traçabilité du bénéficiaire effectif des transactions financières des sociétés et l’inclusion des associations et des professions libérales), l’amendement de la loi organique n°2015-26 relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, la progression des opérations de gel des avoirs et des comptes en relation avec le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et autres démarches.