La Tunisie doit élaborer un programme cohérent de relance de l’économie et de réhabilitation de la crédibilité du cadre macroéconomique, pour surmonter avec succès sa crise actuelle. C’est ce qui ressort du “Rapport annuel de suivi de la situation économique de la Tunisie”, publié mardi 22 décembre 2020 par le Groupe de la Banque mondiale.
Le rapport estime que “le constat de l’impact de la pandémie sur l’économie tunisienne a été sévère et les coûts d’atténuation ont davantage nui aux finances publiques du pays, déjà particulièrement dégradées. Cette crise se rajoute à une situation de croissance lente et d’endettement en hausse”.
Vers un taux de pauvreté de 21% de la population en 2020
A cette situation compliquée, “s’ajoute la perte des gains réalisés en matière de création d’emploi et de réduction de la pauvreté, de par la plus forte exacerbation du chômage et de la paupérisation des segments vulnérables de la population. Plus particulièrement, il est attendu que la pauvreté passe de 14% de la population (taux enregistré avant l’avènement de la pandémie) à 21% de la population en 2020, avec de plus importantes répercussions dans les régions du Centre-Ouest et du Sud-Est du pays”.
Parmi les segments les plus vulnérables, on compte essentiellement, les femmes qui vivent dans des familles nombreuses, dépourvues d’accès aux soins de santé et souvent employées en dehors de toute forme contractuelle, avertit encore la BM.
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Le rapport indique aussi, que ” le secteur des exportations a considérablement contribué au ralentissement économique. En septembre 2020, il a enregistré une baisse de 15% en glissement annuel, en raison du fléchissement de la demande mondiale et de l’affaiblissement des secteurs industriel et touristique. En dépit de cela, on s’attend à ce que le déficit du compte courant tombe à 7% du PIB en 2020, contre 8,8% du PIB en 2019, grâce à la plus grande contribution des envois de fonds et parce que les importations ont chuté plus rapidement que les exportations”.
La baisse du déficit du compte courant a permis à la position extérieure, de faire preuve de plus de résilience aux chocs. Au 31 octobre, les réserves de change de la Tunisie se sont élevées à 7,8 milliards de dollars, c’est-à-dire à près de 147 jours d’importation (contre 103 jours une année auparavant), contribuant ainsi, au renforcement des réserves extérieures, très utiles en ces temps de crise.
“Dans ce contexte pour le moins critique, la réponse politique a été globalement adéquate. Le déclin de l’inflation a créé les conditions favorables à une réduction des taux d’intérêt et au soutien à la croissance (modérée) du crédit à l’économie. La politique budgétaire a également été conciliante. Les autorités ont réagi à la pandémie, en proposant un paquet de mesures budgétaires en appui aux entreprises et aux ménages. Ces mesures, ajoutées aux pertes de revenus engendrées par le ralentissement économique, ont été en grande partie responsables de l’augmentation du déficit budgétaire à 10,5% du PIB (il était à près de 3% du PIB dans le budget de 2020). Sans surprise, l’augmentation des besoins de financement a exacerbé la vulnérabilité liée à la dette. On estime que la dette publique augmenterait à 89% du PIB en 2020, comparativement à 72% du PIB en 2019 “.
Priorités à faire valoir
La première priorité consiste, selon la BM, à sauver des vies, à travers le contrôle de la pandémie et la mise à disposition, de la population, de vaccins contre le virus Covid-19.
S’agissant de la réhabilitation de la crédibilité du cadre macroéconomique pour jeter les bases nécessaires à une reprise plus durable de la croissance, le rapport souligne qu’il s’agit “plus particulièrement de mettre l’accent sur le financement durable de la relance, de manière qui permet de gérer les niveaux d’endettement. Cela exige de restructurer les finances publiques, en endiguant la masse salariale, en faisant passer l’aide sociale des subventions aux transferts ciblés et en maîtrisant les risques budgétaires induits par les entreprises publiques, le tout dans l’objectif de dégager plus de ressources en faveur de l’investissement public et de la relance”.
Au vu de l’espace budgétaire limité et de la position extérieure fragile du pays, le rapport estime par ailleurs que ” le pivot du plan de relance réside dans l’engagement de réformes structurelles visant à stimuler les performances du secteur privé. La relance se trouverait freinée en l’absence de programme ambitieux qui ravive la croissance des entreprises, d’où la nécessité d’entreprendre les mesures structurelles les plus urgentes nécessaires pour aider à remettre le secteur privé sur les rails”.